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"Stratégie du choc"

Date de création: 17-02-2025 18:57
Dernière mise à jour: 17-02-2025 18:57
Lu: 23 fois


VIE POLITIQUE- FORMATION CONTINUE- « STRATÉGIE DU CHOC »

© https://www.philomag.com/ fb, février 2025 Extraits

Encore Donald Trump ? Et oui, parce que nous avons du mal à suivre tant ça va vite. C'est d'ailleurs parfaitement calculé, pour produire sidération et impuissance.

(.............................) . En multipliant les annonces et les actes les plus ahurissants, le nouveau président et ses acolytes visent à créer un état de sidération qui anesthésie toute capacité de réaction.

Nous sommes stupéfaits, ahuris, tétanisés face à la destruction à la hache de pans entiers de ce que nous croyions être les États-Unis. Hier matin, les employés de l’Agence d’aide au développement ont trouvé porte close. Le site internet de l’USAid était inaccessible. Accusée par Elon Musk d’être une “organisation criminelle”, l’agence a vu ses activités soudainement interrompues. De son côté, le président américain annonçait une hausse des droits de douane des produits venant de Chine, du Mexique et du Canada… avant de suspendre la mesure pour un mois vis-à-vis de Mexico et d’Ottawa. La Cour pénale internationale s’apprête à être soumise à des sanctions, l’Ukraine va devoir réserver ses terres rares à Washington, et je suis certain qu’avant demain soir, d’autres chocs – contre le droit, l’aide internationale, l’indépendance des États, les minorités – vont survenir. Or tout ceci est absolument calculé.

Dans un livre publié en 2007, « La Stratégie du choc » (Actes Sud), l’essayiste et militante canadienne Naomi Klein montre que cette méthode, consistant à “intervenir immédiatement pour imposer des changements rapides et irréversibles à la société éprouvée par le désastre”, a été théorisée depuis longtemps aux États-Unis. Les économistes néolibéraux préconisaient des thérapies de choc. Les cadres des services de renseignement et les militaires appliquaient des méthodes de torture par électrochocs afin de rendre les suspects amnésiques et parfaitement manipulables. Les libertés étaient rognées au nom de la lutte contre le terrorisme. “Les partisans de la stratégie du choc, affirme Naomi Klein, croient fermement que seule une fracture radicale – une inondation, une guerre, un attentat terroriste – peut produire le genre de vastes pages blanches dont ils rêvent. C’est pendant les moments de grande malléabilité – ceux où nous sommes psychologiquement sans amarres et physiquement déplacés – que ces artistes du réel retroussent leurs manches et entreprennent de refaire le monde.”

Cette démarche avait déjà été préconisée par Machiavel, qui écrit dans Le Prince (1532) : “Le mal doit se faire tout d’une fois : comme on a moins de temps pour y goûter, il offensera moins.” L’objectif est surtout, aujourd’hui, de créer un sentiment de sidération. Ce mot latin signifie “subir l’action funeste des astres”, ou encore “être frappé d’insolation”, c’est-à-dire être totalement privé de tout moyen de réagir de manière autonome face à la puissance infinie des étoiles ou d’une puissance divine. Le rêve sidéral d’Elon Musk et de Donald Trump ne vise pas seulement la conquête d’un ailleurs, mais l’application ici-bas d’une force irrésistible. Atteindre Mars, la planète rouge du dieu de la guerre, c’est aussi traiter les humains du point de vue de la puissance cosmique. Devenue médicale et psychologique, la notion de sidération suggère l’anéantissement de toute force de résistance face à un choc émotionnel. On utilise également, face à l’avènement de Trump, le terme de stupeur, qui signifie l’engourdissement et la paralysie. Nous en restons tous stupides, donc, presque incapables d’exercer notre esprit critique et notre puissance d’agir.

C’est le but. Mais la stratégie de la sidération employée par la nouvelle équipe dirigeante américaine est assortie d’une autre dimension. Elle est brouillonne. Il est presque impossible de comprendre rationnellement le fil X d’Elon Musk (j’ai essayé ce matin), parsemé d’insultes contre les “globalistes de la gauche radicale”, prétendument infiltrés dans les agences américaines, les “wow”, les “yes”, les “cool”, les vidéos loufoques et les mèmes invraisemblables… Les revirements de Trump sur les droits de douane ou l’Ukraine ajoutent également de la confusion à la sidération. Faut-il s’en réjouir ? Baisser la garde ? Essayer d’anticiper sans visibilité ? Rendre la brutalité brouillonne est efficace, car les éventuels opposants aux mesures mitraillées en tous sens sont secoués comme dans des montagnes russes. Ajoutez un sentiment d’improvisation chaotique à la radicalité agressive, et vous obtiendrez la méthode Gribouille. Non seulement les États et les sociétés civiles sont attaqués, mais personne n’y comprend rien. On se réfugie alors mollement derrière la supposée imprévisibilité du personnage en espérant qu’il bluffe et que la tempête se calme. Mais de la sidération à la soumission, il n’y a qu’un pas.