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- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN TAMI MEDJEBEUR – « LE FILS DU FELLAH »
Le
fils du fellah. Roman de Tami Medjebeur (Dr) . Les Presses du Chélif, Chlef 2024. 249 pages, 1 000
dinars (Note : Disponible en arabe)
La région du Chlef. Durant la colonisation. La vie à la
campagne, face à l’immense Chélif, (« Ghoul El Ouidene »). Une même famille de fellahs, moyennement
nantis, mais deux frères ne s’entendant pas. L’un est compréhensif, large
d’esprit, adorant ses enfants (toutes des filles, dont la belle Zoubida).
L’autre, véritable dictateur de sa progéniture dont Khaled le garçon, sorte
d’homme à tout faire et obligé d’interrompre ses études, pourtant s’annonçant
brillantes, pour être littéralement exploité par le père. Il est vrai que les
temps étaient autres : la colonisation, les dépossessions de toutes sortes,
une terre avare de ses bienfaits et un fleuve capricieux pouvant tout emporter
en peu de temps poussant les populations à la ruine et à la famine. De plus , l’esprit tribal ou clanique ou groupal continuait à
faire des ravages entraînant certes une certaine solidarité en cas de coups
durs, mais aussi des rivalités empêchant
toute forme de progrès. Ainsi, dans ce roman, le seul qui se permettait d’aller
étudier .....à Alger, était le fils du caïd, un gentil
garçon au demeurant.....heureusement assez près de ses camarades de la région.
Aux idées assez modernistes......De la graine de révolutionnaire
,puisque le roman décrivait la société rurale, paysanne , simple, mais
dure, très dure à la fin des années
1940-début des années 1950.
L’auteur,
dont c’était le premier roman (édité alors en 1961 à Paris), roman écrit en
1958 (donc en pleine guerre de libération nationale) alors qu’il était en prison depuis janvier
1957 pour ses activités politiques au sein du Fln se devait de prendre certaines
précautions pour être publié . On comprend donc le stratagème pour
« camoufler » son engagement, il a plaqué une belle mais tragique
histoire d’amour. Roméo et Juliette d’Algérie......la belle ,
promise à un autre que son cousin bien-
aimé, se suicidant, et l’amoureux, malgré tout respectueux des opinions
tranchées de son dictateur de père, qui refusait toute alliance avec la famille
de son propre frère et ce pour des raisons toutes mesquines.......sombrera dans
la folie.
L’Auteur :
Docteur en Médecine
ayant pratiqué à
Oran (Université de Paris).D’ailleurs, l’hôpital d’Ain Turk porte son nom. Né en 1926 (et décédé à Oran en 2005) dans un village
situé entre Boukadir et Sobha
(Chlef). Plusieurs livres dont « Mémoires d’un médecin légiste » en
1990 et un dernier roman ....en 2004.
Extraits : « Lorsqu’elles (note :les
femmes....à la fin du mois de Ramadan et après l’Aïd ) auront tout remis en
ordre, elles pourront enfin jouir d’un repos bien gagné.On
peut comparer ces pauvres recluses aux balayeuses des rues des villes les soirs
de carnaval. Pour la population le beau côté
de la médaille : courses folles et joyeux tintamare ;
pour elles les revers de la médaille avec tout ce qu’il comporte comme :
confettis, serpentins et fleurs à balayer » ( p 93), « Combien de
drames déchirants, combien de romans dont on n’a pas eu le temps de tourner
-hélas ! que les premières pages , combien d ’enfants privés
d’affection dès leur âge le plus tendre et voués à une misère atroce, trouvent
leur origine dans cette pudibonderie intolérable à notre siècle.On
tremble de rage impuissante à l’idée qu’une simple explication , franche et
loyale, entre parents et enfants éviteraient tant de catastrophes »
(p133), « Pour nous, fils de fellahs, il n'est pas jusqu’à la façon
dont nous avons été élevés et aux principes qu’on nous a inculqués qui n’aient
été menés de telle sorte que nous soyons esclaves de nos pères , leur chose » (p213)
Avis : Récit linéaire et écriture limpide....pour
une histoire d’amour classique mais émouvante.Dans un
monde rural qui n’existe presque plus. Roméo et Juliette chez nous aussi !
Un film ...pour occuper nos soirées de Ramadan!
Et, pour mieux faire connaître la « condition humaine » de l’époque.
Pourquoi pas ?
Citations : « Le
mot richesse devient une hérésie lorsqu’il s’applique à un homme qui s’entête à
mener une vie médiocre » (p 88), « Au-delà de la soixantaine tous les
vieillards se ressemblent surtout lorsqu’ils sont barbus, et à plus forte
raison lorsqu’ils ont le même air de famille » (p191)