SCIENCES- FORMATION CONTINUE-
SCIENCES ET MÉDIAS/ÉCHANGE
©https://factuel.univ-lorraine.fr/5 février 2025
Maître de conférences en Sciences de
l’information et de la communication, Cyrille Bodin a participé à un échange
entre chercheurs et journalistes organisé par l’AJSPI. Un échange avec deux
rédactions spécialisées, News Tank Éducation & Recherche et TheMetaNews, qui questionne les transformations
contemporaines du journalisme scientifique.
Qu’est-ce qui vous a motivé à participer à cet échange
entre chercheurs et journalistes, et qu’en avez-vous retenu pour vos propres
recherches ?
Les échanges de l’Association des journalistes scientifiques de la presse
d’information (AJSPI) sont importants pour mes activités de recherche et
d’enseignement. Je suis Maître de conférences en Sciences de l’information et
de la communication, spécialisé dans les relations sciences société, les
médiations socio-scientifiques et les controverses environnementales. Donc participer
à ce programme d’échange était pour moi assez logique.
D’autant plus que l’AJSPI tient un discours intéressant sur les enjeux du
journalisme scientifique : par exemple sur le manque de moyens pour mener
des travaux d’investigation plutôt que de vulgarisation, sur la
pluridisciplinarité scientifique nécessaire à la résolution des problèmes
environnementaux, ou encore sur le manque de reconnaissance du journalisme
scientifique, dans le champ professionnel, face par exemple au journalisme
politique. D’ailleurs ces hiérarchies professionnelles apparaissent obsolètes,
et même contreproductives, dans le traitement de l’information liées aux
controverses environnementales.
Qu’avez-vous découvert sur le traitement et la
diffusion des informations scientifiques ainsi que sur le quotidien des
journalistes scientifiques lors de votre immersion au sein d’une rédaction ?
Ma principale surprise est d’avoir travaillé, au cours de ces échanges,
avec deux rédactions spécialisées que je ne connaissais pas encore : je suis
parti une semaine travailler chez News Tank
Éducation & Recherche, et le CREM a reçu pendant une semaine une
journaliste de TheMetaNews. Ces deux rédactions ne
fonctionnent pas comme des médias classiques de vulgarisation. Il s’agit plutôt
d’une information spécialisée et professionnelle, diffusée sur abonnement, à
destination des universitaires, qu’ils soient chercheurs, administratifs ou
décideurs institutionnels.
Et contrairement à la vulgarisation, il est plutôt question dans ces
rédactions de faire part d’une actualité institutionnelle, politique,
règlementaire, économique ou intellectuelle… Au lieu de mettre en scène
uniquement les produits et savoirs scientifiques comme le fait généralement la
vulgarisation (en excluant le plus souvent les SHS du domaine des sciences…),
il s’agit plutôt de montrer une actualité des coulisses de la fabrique des
sciences, et qui détermine les conditions de production de ces savoirs. En
d’autres termes, les sciences sont abordées comme un processus, bien plus que
comme un corpus de savoirs totalement coupés de leurs conditions de
construction.
Comment pensez-vous que les chercheurs et les
journalistes peuvent mieux collaborer pour rendre la science plus accessible au
grand public ?
« Rendre la science plus accessible au grand public », c’est
peut-être un discours revenant à inventer un problème qui ne se pose pas
toujours comme tel socialement, culturellement et politiquement. D’autant plus
que les produits et discours scientifiques sont déjà présents partout dans la vie
quotidienne de nos concitoyens, et que les niveaux d’étude moyens n’ont jamais
été aussi élevés…
Les médiations socio-scientifiques sont d’ailleurs loin de se limiter à la
seule question d’une « transmission » des savoirs d’un scientifique
vers un public « profane », considéré a priori ignorant de tout. Je pense aux débats publics liés aux controverses
environnementales ou aux questions éthiques liées au développement technique, à
la recherche participative et/ou citoyenne, aux enjeux des sciences ouvertes et
de l’open access, aux rapports arts
sciences… Toutes ces formes de médiation demandent une bien plus grande
ouverture que ce propose la vulgarisation classique. Et leurs enjeux peuvent
parfois être lourds de conséquences sociales.
En matière de journalisme scientifique, nous nous trouvons indubitablement
face à une profession en crise (manque de moyens, manque de reconnaissance
sociale ou professionnelle, précarisation de l’emploi…), alors que les besoins
sont immenses si l’on veut aborder collectivement les problèmes
environnementaux d’une manière un tant soit peu « éclairée ».
Malheureusement, les formations actuelles en journalisme scientifique ne sont
pas toujours à la hauteur de ces enjeux.