ENERGIE- PERSONNALITÉS- SID
AHMED GHOZALI
Sid-Ahmed
Ghozali, ancien chef de gouvernement, est décédé
mardi 4 février 2025 à Alger
des suites d’une maladie, à l’âge de 88 ans. Né le 31 mars 1937 à
Tighennif (wilaya de Mascara), il a fait partie du
grand vivier de jeunes émigrés algériens qui accomplissaient leurs études en
France dans la perspective de l’indépendance du pays, tout en soutenant
financièrement la lutte armée à travers la Fédération de France du FLN.
Effectivement, à l’indépendance, il était rentré en Algérie en étant diplômé de
l’Ecole nationale des ponts et chaussées (ENOC) de Paris, devenant ainsi, à
l’époque, l’un des rares cadres algériens détenteurs d’un diplôme supérieur
dans une spécialité technique. Dans un pays ayant tout fraîchement acquis son
indépendance et où tout était à faire, surtout en matière d’exploitation des
ressources naturelles, il a été de suite mis dans le bain en étant désigné
membre du conseil d’administration d’un organisme technique franco-algérien
qui, en 1962, avait été mis en place pour explorer et mettre en valeur les
hydrocarbures. Sa spécialisation précoce dans les hydrocarbures a fait qu’il a
été nommé également conseiller pour les questions énergétiques au ministère de
l’Economie durant deux ans, de 1962 à 1964. Cependant, et afin d’exploiter sa
formation d’ingénieur dans les ponts et chaussées, il a été nommé, le 2
décembre 1964, sous-secrétaire d’Etat aux Travaux publics. C’était sa première
nomination dans un gouvernement, à l’âge de 27 ans. Cette expérience dans son
domaine de formation n’a été que de courte durée. En effet, après avoir pris le
pouvoir le 19 juin 1965, le défunt président Houari Boumediène
a fait de Sid-Ahmed Ghozali
«Monsieur hydrocarbures». D’abord, en l’intégrant, la même année, au
ministère de l’Energie en qualité de directeur des mines et des carburants.
Dans une Algérie qui projetait déjà de se soustraire à la tutelle de la France
dans l’exploitation du pétrole et du gaz en développant ses propres
compétences, cela faisait sens. Cette option s’est confirmée une année plus
tard, en 1966, lorsqu’il a été nommé directeur-général de Sonatrach, alors
qu’il n’avait que 29 ans. Objectif : faire dépasser, à Sonatrach, les fonctions
de transport et commercialisation des hydrocarbures en élargissant son champ de
compétence à la recherche, la prospection, l’exploitation, la transformation et
la formation. Du coup, les réalisations se sont vite enchaînées : découvertes
de nouveaux gisements pétroliers, le premier étant à El Borma
(wilaya d’Ouargla), création de sociétés de services, inauguration de stationsservices aux couleurs de Sonatrach, construction
d’un port et d’une usine de produits pétrochimiques à Skikda… La mission de
diversification des compétences de Sonatrach a été si bien menée par Sid-Ahmed Ghozali que, le 24 février 1971, l’Algérie, par la voix de
son président, Houari Boumediène, a annoncé sa
décision unilatérale et «irréversible» de nationaliser
ses hydrocarbures. Les succès de la société pétrolière algérienne se sont
succédé. Lorsqu’il a quitté Sonatrach, en 1977, Ghozali
a laissé une société puissante et respectée à l’international, ce qui a
transformé l’Algérie en un grand pays pétrolier. De Sonatrach, Ghozali est passé à une responsabilité supérieure, presque
suprême dans un pays dont l’économie reposait essentiellement sur les
hydrocarbures : ministre de l’Energie et des Industries pétrochimiques.
Objectif : après avoir développé Sonatrach, développer les industries de
transformation, l’exploration et l’extraction des minerais ainsi que
l’électrification rurale. Un poste parfait pour Ghozali
qui, ainsi, a pu exploiter et ses compétences d’ingénieur et son expérience
dans les hydrocarbures pour lancer de grands projets d’investissement.
Cependant, l’arrivée au pouvoir de Chadli Bendjedid, succédant à Houari Boumediène, a eu pour conséquence de retirer Sid-Ahmed Ghozali définitivement du domaine des énergies. Il a
d’abord été nommé ministre de l’Hydraulique de 1979 à 1980, avant de presque
disparaître de la circulation politique. Adepte convaincu du
«nationalisme économique» et hostile à la politique de restructuration
des entreprises nationales, il n’était plus compatible avec l’ère d’ouverture
économique qui s’ouvrait. Pour exploiter une part de ses compétences, il a été
nommé ambassadeur auprès de la Communauté économique européenne (CEE, devenue
aujourd’hui l’Union européenne) à Bruxelles, de 1984 à 1988. L’ouverture
politique induite par les événements du 5 octobre 1988 l’a remis audevant de la scène. En effet, les deux premiers chefs de
gouvernement de l’ère du multipartisme politique, Kasdi
Merbah et Mouloud Hamrouche,
connaissaient ses compétences puisque le premier était chef de la Sécurité
militaire et le second chef de cabinet du temps de Houari Boumediène.
Sous Kasdi Merbah, il a été
ministre des Finances, un poste important à une époque de vaches maigres sur le
plan économique. Une année plus tard, Mouloud Hamrouche
l’a pris dans son équipe gouvernementale en lui confiant les Affaires
étrangères. Sa mission : tirer profit de ses différentes fonctions passées pour
faire de la «diplomatie économique» afin d’attirer des
investisseurs étrangers, surtout européens, et de permettre à l’Algérie
d’aborder dans les meilleures dispositions possibles les inévitables
négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). Ses activités
diplomatiques étaient tellement marquantes qu’en juin 1991, après la
dissolution du gouvernement Hamrouche du fait de
risques de troubles à l’ordre public, c’est à lui qu’a été dévolue la mission
de diriger un gouvernement chargé d’organiser les premières élections
législatives multipartites. Sa première mission, en sa qualité de chef de
gouvernement, a été de mener un dialogue national inclusif, lequel avait été
retransmis en intégralité à la télévision nationale. Ce dialogue télévisé avait
permis aux Algériens de découvrir et mieux apprécier cet homme affable,
volubile, toujours souriant, qui se distinguait par ses nœuds papillons. Se
rendant compte que le véritable enjeu de son mandat était économique avant
d’être politique, il procéda, quelques mois plus tard, soit le 16 octobre 1991,
à un remaniement ministériel où il devint, en plus de chef de gouvernement,
ministre de l’Economie. Cependant, la politique a fini par le rattraper et même
par saborder son mandat puisque le processus électoral a été interrompu après
le premier tour des législatives et le président Chadli Bendjedid a démissionné.
Il a gardé quand même son poste de chef de gouvernement après la désignation de
Mohamed Boudiaf comme président du Haut Comité d’Etat (HCE), instance de
transition installée pour pallier l’absence de président élu. Au mois de juin
1992, le gouvernement que Ghozali dirigeait a pris
une mesure économiquement impopulaire : le prix de la baguette de pain,
longtemps resté à 1 DA, est passé à 2 DA, franchissant ainsi une barre
psychologique augurant de réformes économiques douloureuses, mais nécessaires.
Cependant, il n’a pas pu poursuivre sa mission plus longtemps puisqu’après
l’assassinat de Mohamed Boudiaf et la désignation d’Ali Kafi
à la tête du HCE, il a été mis fin à sa mission à la tête du gouvernement et il
a été nommé ambassadeur d’Algérie à Paris, poste qu’il a occupé durant deux
années, jusqu’à la désignation de Liamine Zeroual comme président de l’Etat.
Cela a été la dernière fonction officielle qu’il a occupée après 32 ans de bons
et loyaux services au service de l’Etat, sous quatre chefs d’Etat. Il restera,
pour l’Histoire, l’homme qui a fait grandir Sonatrach. Cinq ans plus tard, soit
en 1999, il avait tenté un come-back politique en se présentant à l’élection
présidentielle, puis avait retenté le coup à l’occasion de l’élection
présidentielle de 2004, mais son dossier n’avait pas été accepté les deux fois.
Tirant la conclusion nécessaire, Sid-Ahmed Ghozali
s’était alors définitivement retiré de la scène politique. Les vingt dernières
années, il s’est contenté de rares apparitions médiatiques.