Le
poids de la dette extérieure accentue la vulnérabilité financière des pays
africains et limite leur marge de manœuvre aux plans économique et politique.
Elle a doublé en quinze ans et menace la stabilité économique du continent
africain, selon le dernier rapport de Business Insider
Africa. Cette spirale de l’endettement touche, en
particulier, plusieurs pays du Maghreb avec une dette extérieure cumulée de
176,48 milliards de dollars pour l’Egypte, le Maroc et la Tunisie, rapporte le
site Afrik.com.
«L’endettement
massif des pays du Maghreb sonne l’alarme», souligne la même source. Selon un
récent rapport de Global Firepower, trois nations –
l’Egypte, le Maroc et la Tunisie – figurent parmi les dix pays africains les
plus endettés en 2025. Premier pays africain en termes d’endettement avec
103,75 milliards de dollars, l’Egypte (50e rang mondial)
«illustre les paradoxes d’une modernisation à crédit», fait remarquer le
média en ligne. Celui-ci estime que les mégaprojets portant sur la réalisation
de la nouvelle capitale administrative et la modernisation du canal de Suez ont «certes transformé le pays, mais au prix d’une inflation
galopante et d’une dévaluation chronique de la livre égyptienne».
Quatrième
pays africain le plus endetté avec 45,65 milliards de dollars (66e rang
mondial), le Maroc a pratiquement plongé dans une crise structurelle aggravée
par une sécheresse qui sévit depuis au moins six ans.
La politique d’endettement du Maroc, orientée vers les énergies renouvelables
et l’industrialisation, «témoigne d’une vision claire
mais pose la question de la soutenabilité financière à long terme», révèle
Afrik.com.
La
Tunisie affiche, elle aussi, un niveau d’endettement élevé induit par une
longue période d’instabilité post-«Printemps
arabe». Avec 27,08 milliards de dollars de dette (81e rang mondial), la Tunisie «peine à sortir d’une décennie d’instabilité politique et
économique», note la même source.
Et
d’ajouter : «Les négociations tendues avec le FMI
reflètent la difficulté du pays à concilier réformes structurelles et attentes
sociales.» Pour le média en ligne, l’endettement du Maghreb n’est que la partie
émergée d’un phénomène qui touche l’ensemble du continent africain. En effet,
la dette extérieure africaine a, en quinze ans, plus que doublé en pourcentage
du PIB, passant de 18,8% en 2008 à un inquiétant 41,6% en 2023, selon les
données fournies par Afreximbank.
Service
de la dette
Cette progression vertigineuse trouve ses racines, est-il
expliqué, dans une série d’événements qui ont fragilisé les économies
africaines : la crise financière de 2008, la pandémie du Covid-19 et plus
récemment les perturbations économiques liées au conflit en Ukraine.
Un
constat alarmant s’impose : avant même la pandémie, plus de 30 pays africains
consacraient davantage de ressources au service de leur dette qu’aux
investissements dans la santé. Cette situation rappelle la crise de la dette
des années 1980, qui avait conduit à une décennie d’ajustements structurels
douloureux pour de nombreux pays africains.
En
2023, 67% de la dette extérieure africaine était détenue par seulement dix
pays, illustrant une concentration préoccupante du risque financier. Cette
situation rend le continent particulièrement vulnérable aux chocs économiques
externes, comme l’a démontré la récente volatilité des prix des matières
premières. En Afrique subsaharienne, le ratio d’endettement moyen a, lui,
presque doublé en dix ans, selon le FMI. Il est passé de 30% du PIB à la
fin de 2013 à un peu moins de 60% du PIB à la fin de 2022.
Selon
la Banque mondiale, 22 pays du continent présentent un risque élevé de
surendettement ou l’ont déjà atteint. Après la crise économique mondiale de
2009, rapporte le journal Le Monde, les marchés financiers internationaux se
sont ouverts aux pays du Sud qui, jusque-là, empruntaient essentiellement à des
créanciers publics. «De nombreux pays en
développement, qui avaient désespérément besoin d’injecter des liquidités dans
leurs économies, se sont rués sur ces prêts à bas coûts dans des marchés sans
règle», déclarait au quotidien français l’économiste kényane AttiyaWaris, experte indépendante auprès de l’ONU. A partir
de 2015, les fragiles économies africaines, dépendantes de l’exportation de
matières premières (hydrocarbures, bois, minerais...) ont subi de plein fouet
la baisse des cours mondiaux.
Leurs
revenus ont sombré. Une situation aggravée par la pandémie de Covid-19 et la
guerre en Ukraine. «A court de liquidités, plusieurs
pays ont alors contracté de nouveaux emprunts afin de payer le service de leur
dette, créant une spirale infernale qui empêche des investissements vitaux dans
les infrastructures, la santé ou l’éducation», indiquait Le Monde. En Avril
2023, 22 pays présentaient un risque élevé de surendettement, avait calculé la
Banque mondiale. Parmi eux, le Ghana et la Zambie, qui ont fait défaut, ainsi
que le Malawi et le Tchad, sous assistance du Fonds monétaire international
(FMI).
En
2022, la dette publique en Afrique a atteint 1800 milliards de dollars (près de
1700 milliards d’euros à l’époque), en hausse de 183% depuis 2010, selon l’ONU.
Par contre, l’on estime que les pays les moins endettés sur le continent ont
peu de contraintes économiques et se donnent plus de marge de manœuvre pour répondre
aux préoccupations nationales cruciales.
En évitant de s’endetter lourdement auprès du FMI, ces pays ont pu réduire les
risques économiques, promouvoir le développement durable et préserver leur
souveraineté nationale, fait savoir le site Buisness Insider Africa.
En
évitant des conditions de prêt sévères, ils peuvent, poursuit-il, mieux
déployer leurs ressources vers des domaines importants tels que les
infrastructures, les soins de santé, l’éducation et la protection sociale. De
plus, les pays africains peu endettés évitent les difficultés des politiques
d’austérité qui accompagnent parfois les prêts importants du FMI, contrairement
à ceux qui sont lourdement endettés.
Ces
politiques, qui consistent généralement en des hausses d’impôts, des réductions
des dépenses ou la suppression de subventions, peuvent stabiliser
temporairement les économies mais entravent souvent la croissance et le progrès
à long terme. La capacité de ces pays à faible dette à donner la priorité aux
investissements qui favorisent le développement durable et la réduction de la pauvreté
est une autre indication de leur résilience économique.