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Essai Mohammed Kali- Rai, Oh! Ma déraison.Une histoire algérienne

Date de création: 26-01-2025 19:04
Dernière mise à jour: 26-01-2025 19:04
Lu: 39 fois


CULTURE-BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI MOHAMMED KALI- «  RAÏ, OH ! MA DÉRAISON.UNE HISTOIRE ALGÉRIENNE » 

 

RAI, OH !MA DÉRAISON.UNE HISTOIRE ALGÉRIENNE. Essai de Mohammed Kali. Chihab Editions, Alger 2024, 174 pages, 1 000 dinars

 

Le 1er décembre 2022, à Rabat même , au pays qui avait revendiqué la marocanité du Rai, ce dernier est reconnu par l’Unesco à la fois authentiquement algérien et patrimoine immatériel de l’humanité.Un genre « qui a franchi toutes les barrières géo-ethniques, et y compris féconder la World Music , sans entraîner aucun conflit sérieux d’ordre culturel, mais seulement quelques débats qui firent craquer la vieille crispation, la vieille digue face à la poussée irréfragable du réel, débats annonciateurs d’autres irruptions » (Marie Virolle , citée , p 47).Et pourtant, ce n’était là qu’une bataille de gagnée pour un genre musical (qui , après avoir été l’objet d’un musicide avorté, est certifié politiquement correct en 1980.....seulement) à l’écho planétaire. En effet, il lui restait à faire face (aujourd’hui encore)  à des querelles internes  multiples concernant aussi bien les variétés (Raï du showbiz, Raï trab....), les instruments utilisés (gasba, galal....) que les origines (Oran,  Sidi Bel Abbès...) ou les fondateurs et pionniers et autres Chebs (Blaoui Houari, BouteldjaBellemou, Boutaïba, Zergui....). A s’y perdre !

Heureusement , pour nous, Kali, en journaliste expérimenté soucieux du détail et de la précision et en connaisseur averti de la culture et des arts,  va tenter de remettre de l’ordre. En racontant l’aventure du Raï comme elle n’a jamais été relatée, avec un souci didactique appuyé  et un argumentaire, étayé entre autres par des références à des illustrations sonores disponibles sur You Tube. Assez original , n‘est-ce pas ? Grâce à une présentation précise pour   une lecture patiente de tous les chapitres , chaque chapitre va  apporter son écot pour la compréhension pleine et entière du contenu des autres.Pour se retrouver facilement. Ou, presque.

D’autant qu’il ne se limite pas au seul Raï. Une part conséquente est réservée au Bédoui et ce afin de se délester des contrevérités et « d’évacuer les ambiguïtés et le manteau d‘ignorance tant que le Bedoui que sur le Rai ».

A noter que le titre de l’ouvrage a été choisi en hommage à la mama du Raï, Cheikha Remiti dont c’est le titre de son premier disque  (un 78 tours datant de 1952).....un disque que j’avais , par hasard, écouté (mais pas totalement compris), au milieu de années 50.....à Annaba.....à 800 km d’Oran et de Sidi Bel Abbès.  En cachette des parents et des aînés,  car en plein âge de « déraison »,  bien sûr. C’est dire ! Il est vrai que Remiti n’ a pas attendu les années 90 pour être une véritable légende. En fin de carrière, elle a laissé en héritage 400 cassettes, 300 disques 45 tours et plus de 55 disques 78 tours ainsi qu’une dizaine d’albums (dont un, de 2000, auréolé du grand prix du disque de l’Académie Charles Cros).Qui dit mieux ?

A noter aussi l’utilité du corpus assez riche présenté en fin d’ouvrage et qui peut même permettre à des chercheurs  de travailler sérieusement le genre.

 

L’Auteur : Journaliste professionnel depuis plus de trente ans, spécialiste en critique théâtrale et cinématographique.Plusieurs études, articles et ouvrages

 

Table des matières : Introduction/Naissance d’un blues : le Raï trab/ Le Raï trab à l’assaut des villes/ Les Mamas et la Chaba/ L’invention du Raï moderne/ Après la musique, la voix Raï moderne émerge/ Raïna Raï, l’inaboutie fusion de l’essence commune au Raï et au Rock/ Berrahs et paroliers , ces chevilles ouvrières/ La Raï certifié politiquement correct/ D’un musicide avorté à la Raïmania/ Le Melhoun, base textile du Bédoui/ Airs berbères pour le Raï.Maqams pour le Badioui /Le Asri wahrani/ Conclusion/Corpus (18 textes) / Bibliographie

 

Extraits : « Trop simpliste, cette entreprise d’infériorisation et de discrédit engagée contre un genre dérangeant en le désignant comme une perfide création de l’occupant d’hier » (p28), «  Les chansons, particulièrement Raï, constituent l’antidote à  une politique linguistique et culturelle mortifère qui n’a pas su réconcilier l’algérianité avec elle-même dans sa richesse multiple » (p 47), « Si Khaled est aujourd’hui, incontestablement, la Voix du Raï, la première voix masculine à l’avoir été est celle de Boutaïba Seghir, qui a régné sur le Raï moderne des années 70 » (p 62), « Si en Oranie, pour compenser leur frustration, ses semblables se saoulaient de Raï, en l’écoutant sur mini-cassette, Gatlato l’Algérois , lui, s’abreuvait de musique chaâbi » (p 68), « Le terme Raï ne s’est imposé dans l’usage que lorsque le Raï moderne , appelé initialement Pop Raï, a surgi au début des années 1970.Pour distinguer ce dernier de celui des Cheikhate la dénomination Raï trab a circulé, le deuxième terme renvoyant à la terre et à la ruralité » (p 112), « Une inscription au patrimoine mondial de l’Unesco met la partie demanderesse en devoir d’apporter une visibilité internationale au patrimoine cible et de favoriser un nouveau regard auprès des habitants dans le but de les encourager à le préserver » (p 139),

 

Avis : Enfin un ouvrage à la portée du commun des lecteurs -bien sûr, intéressé par le patrimoine immatériel national et la musique Raï– qui détaille , de manière lisible (presque !) l’histoire mouvementée d’un art au succès planétaire et durable ......ce qui n’a pas plus à tout le monde.

 

Citations : « La grivoiserie était de mise pour séduire le public qui en redemandait. Car qu’aurait été le Raï sans cela, sans sa façon de braver l’interdit.Qu’aurait-il été sans.... » (p 40),

« Raïna Raï est assurément une formation qui n’a pas , à plus d’un titre, son équivalent dans la planète » (p73), « Objectivement, le Raï, dans ses origines, n’est-il pas pareil au Rock, une attitude musicale rétive aux canons de la culture officielle, ce qui l’avait fait refouler dans la marginalité ? En ce sens, le succès du Raï « modernisé » ne traduisait-il pas l’adhésion de la jeunesse à la contestation des tabous et du conservatisme étouffant véhiculé par un pudibond « socialisme » à l’algérienne, un système qui reconduisait les ferments rétrogrades d’une idéologie traditionaliste ? » (pp 80-81), « Alors, quel devenir pour le Raï ? Difficile d’avancer un quelconque pronostic tant qu’il n’aura pas été admis dans notre pays qu’écouter de la musique n’est en rien une activité de l’ordre du futile et tant que la question du licite et de l’illicite en la matière demeure posée » (p146)