CULTURE- PERSONNALITES- LAÂDI
FLICI
Laâdi Flici était
un gardien de la mémoire. Il était l’un des auteurs algériens qui se sont
inspirés le plus des épreuves du peuple durant la colonisation.
Il a toujours décrit et dénoncé
le caractère injuste et violent du colonialisme. Quand il a été assassiné,
en mars 1993, Laâdi Flici
exerçait son métier de médecin dans un cabinet dont la fenêtre donnait sur la
rue Ammar Ali (ex-Randon), comme s’il voulait rester toujours au milieu des
humbles. Rien ne lui était inconnu ou indifférent dans ce quartier où il est né
en 1937 et y a longtemps vécu. Un de ses premiers textes écrit 1957 en prison
a, d’ailleurs, pour titre symbolique «Fils de la
Casbah». Il avait été arrêté l’année d’avant à cause de ses activités
militantes.
Son 1e recueil de poèmes dans la
veine militante «La Passion humaine» paraît en 1958, à
Paris, en pleine guerre chez l’éditeur Millias
Martin. Le nom de Flici commence, toutefois, à se
faire connaître davantage dans la presse nationale juste après l’indépendance.
Président du comité exécutif de l’UGEMA, il publiait souvent dans «Le peuple», «Révolution africaine», «Novembre». Les vers
d’un poème comme «Le Peuple de décembre» glorifie les
sacrifices qui ont conduit à l’indépendance et «US Go homme» exprime sa colère
contre un ordre injuste. Sa vocation de poète dont les sujets de prédilection
étaient la recherche du bonheur et la guerre a germé durant sa détention à Serkadji où il a vécu «avec les
yeux de la certitude» et dans sa propre chair, l’épreuve de la libération.
Laâdi s’est surtout toujours impliqué
dans la vie culturelle, surtout dans les colonnes d’un moudjahid. Il a évoqué
les ambigüités de Camus, le théâtre dans une interview- fleuve au milieu des
années 1980, qui a duré une quinzaine de jours, et confia des récits à la revue «Promesses» lancée par Malek Haddad. L’homme est resté
fidèle aux idéaux de sa jeunesse militante. Il chante les valeurs du
nationalisme et s’en prend parfois avec virulence à quiconque oserait remettre
en cause le combat séculaire. Il se montre aussi sensible et solidaire des
causes justes, notamment celle du peuple palestinien.
En 1969 paraît
«La Démesure et le Royaume» qui sera suivi par d’autres. Tous, qui l’ont
connu s’accorde à dire qu’il était généreux. On l’appelait, d’ailleurs, le «médecin des pauvres» parce qu’il ne faisait pas payer les
patients démunis. Pour éviter que cela soit assimilé à un geste d’humiliation,
il demandait en retour des m’hadjeb ou des makrout.
Au début des années 1990, lorsque
les premiers assassinats d’intellectuels, des amis et des proches lui ont
conseillé de quitter le pays. Ce militant dans l’âme a toujours refusé et
affirmait se sentir plus en sécurité dans sa Casbah. Le 17 mars 1993, il était
attendu pour les obsèques de Dijilali Liabès, assassiné la veille mais n’ira pas au cimetière.
Dans la bibliographie de Flici, figure des pièces de théâtre comme
«La Cour des miracles (théâtre)», Éditions SNED 1978 et surtout «Qui se
souvient de Marguerite» ENAL, 1984. Cet ensemble de chroniques revisite la
révolte qui a secoué la localité d’Aïn Torki située à
un jet de pierre de Khemis Miliana au tout début du
siècle dernier.
«Clair-obscur (nouvelles)», «Le temps
des cicatrices», parus chez le même éditeur, sont aussi un voyage dans la
mémoire de la capitale dont il se plaît à évoquer le quotidien durant la
colonisation. Avec minutie pour que ses écrits ne soient pas une simple
dénonciation politique au 1e degré, il s’attachait aussi à l’épaisseur humaine
des événements.