CULTURE- PERSONNALITES-
MOHAMED FERRAH (ERRAZI)/ALLEL EL MOUHIB/ MOHAMED SEGHIR HADJ SMAIN /HADJ OMAR/
BOUALEM RAIS/ABDELKADER SAFIRI (THÉÂTRE)
QUELQUES GRANDS HOMMES DE THÉÂTRE TRÈS INJUSTEMENT OUBLIES : PAR IGNORANCE
?
© Pr Ahmed Cheniki, fb, décembre 2024
« On parle
énormément de mémoire, c'est redondant, mais cette mémoire est dramatiquement
pleine de trous. Des noms de grands hommes de culture sont injustement oubliés,
ignorés, alors qu'ils ont énormément apporté à la patrie et à la culture
nationale. Certains ont même été condamnés à mort comme Habib Réda (que j'ai
déjà présenté. Dans mes recherches dans les archives françaises, je me suis
rendu compte de l'importance du théâtre dans le mouvement national. Ainsi,
c'est dans le dossier "ordre public" qu'on trouve les archives
relatives au théâtre, considéré par les autorités françaises comme dangereux.
Ses animateurs et les troupes étaient surveillés. Ce sont finalement les fiches
des RG (Renseignements généraux) qui fournissent le plus d'informations sur le
parcours de cet art durant la période coloniale.
1-MOHAMED FERRAH DIT Errazi (1919-2010) :
Mohamed Ferrah dit Errazi, homme de
théâtre et militant du MTLD, dirige la saison théâtrale arabe de l'opéra
d'Alger en 1949-50. Il est un des hommes-clé de la section culturelle du MTLD,
il s’était occupé de la mise en place d’une troupe MTLD et d’un espace de
formation. Beaucoup de militants et de membres de la troupe du MTLD étaient membres
de cette structure. Ce qui est grave, c’est le fait qu’il soit ignoré par les
hommes et les femmes du théâtre et les chercheurs. Trop grave même.
De son vrai nom Mohamed
Farrah, Errazi était
surtout connu pour ses attaches politiques avec le MTLD (Mouvement pour le
Triomphe des Libertés Démocratiques) et ses multiples adaptations de Molière.
Nommé directeur de la section arabe de l’Opéra d’Alger pour la saison 1949-50.
A permis la formation de nombreux comédiens algériens. A écrit plusieurs pièces
dont les plus importantes sont les suivantes : Moul
el baraka (1949) ; L’avare (1950) ; Sellak ya Sellak (1950) ; Bouzid et les
djinns (1950) ; Montserrat (1950) ; Métamorphose (1950) et L’amour et après
(1993) et mis en scène, Montserrat de Roblès en 1950, interdite par les
autorités coloniales. Il a dirigé le théâtre national marocain en 1957 et 1958.
C'était un génial
touche-à-tout, il a monté Shakespeare, Goldoni, Tchekhov, Lorca, Camus et d'autres
auteurs. Sonia a mis en scène une de ses pièces, Les saltimbanques (d'après Le
chant du cygne de Tchekhov), l'ami, Rachid Farès, y était comme interprète.
Hamida Ait el Hadj montera son texte Hissaristan (Une
adaptation du Journal d'un fou de Gogol), avec, dans le rôle d'un fou
particulier, Azzedine Medjoubi. Sid Ahmed Agoumi et Sonia s'étaient retrouvés/réconciliés dans
L'amour et après en 1993.
Les renseignements
généraux français ont rédigé cette note fin 1949, à propos d’ Errazi : « Aimant par dessus tout
le théâtre en dialecte algérien qu’il a créé avec le regretté Rachid Ksentini et qu’il défend contre vents et marées depuis plus
d’un quart de siècle en Algérie, le XXXX XXXX et ses
collaborateurs, artistes, auteurs et compositeurs, attirent l’attention des
pouvoirs publics en général, spécialement la municipalité d’Alger, sur les
conséquences que peut avoir sur l’opinion de la masse, un théâtre algérien dont
la direction serait entre les mains d’un directeur épaulé ou à la merci des
conseillers municipaux MTLD (…). Mohammed Errazi, dit
Farah, est un des jeunes intellectuels manqués. Elève de la Medersa d’Alger
qu’il quitte deux ans après, il fut interprète à Berrouaghia,
dans le département d’Alger, puis traducteur aux émissions musulmanes de Radio
Algérie (il a eu l’audace d’écrire une lettre personnelle au président
Roosevelt lors du débarquement allié. Lettre qui fut bien entendu interceptée).
Il fut par la suite congédié de la Radio pour ivrognerie. (…). Voici la liste
des artistes qui participent à la tournée.El
Hassani, Touri, Abderrahmane Aziz, Bais, Berkouk Kasdarli, Abou l’Hassene, Rouiched, Ahmed Ouahby, Chebbah, Zoubir Hamid Baybout, Latifa et Nouria. Avec
quelles finances sont partis ces chômeurs de l’art ? Quelle est la personne qui
les a engagés ? Quel est l’organisme qui s’est occupé d’eux en France ? Ce sont
ces questions que les artistes honnêtes posent à l’administration française en
Algérie. On dit et on sait que l’ancien secrétaire général de Messali, le non
moins astucieux Moufdi Zakaria est parmi ceux qui
encouragent et aident M. Errazi. Est-ce lui qui le
finance ? ».
2-ALLEL EL MOUHIB
(1920-1995)
Découvre le théâtre au
sein des Scouts musulmans algériens (SMA). Comédien depuis les années quarante.
C’est Mahieddine Bachtarzi
qui le distribue dans El Abd el Abiad.
A joué dans de nombreuses pièces : El Moujrim (1947)
de M. Ouadah ; Si Meziane (1948) de Mahieddine Bachtarzi. Mariage par
téléphone (1948) ; Le chemin du voleur est le plus court (1949) ; Salah Eddine
(1950), Docteur Nabil (1950) ; Radi Dib (1950) … Formation en France en 1955,
monte Antigone. Après l’indépendance, il assure la mise en scène de nombreux
textes au TNA : Rose rouge pour moi de Sean O’Casey
(1964) ; La mégère apprivoisée de Shakespeare (TNA, 1964) ; Sellak
el Wahline (D’après Les fourberies de Scapin, 1965) ;
Si Kaddour el Mech’hah
(d’après L’avare de Molière, 1966) ; Bliss Laouer kayen Mennou (d’après Nazim
Hikmet, 1970) ; Enta Liktelt el Wahch
(1971) ; La maison de Bernarda Alba (1989). A joué
dans des films dont Hassan Terro et L’homme qui
regardait les fenêtres.
3-MOHAMED SEGHIR HADJ
SMAIN ( 1932-2021)
Né en 1932 à
Constantine. Etudes primaires et secondaires dans cette ville. Participe à la
création du TNA (Théâtre National Algérien) et de l’école nationale d’art
dramatique (Il était plutôt l’un des premiers éléments animateurs du Tna et de l’école d’Art dramatique, je retire donc «
participe à la création »). Plus clairement il fait quoi ?? Après un passage à
la radio où il anime une émission sur l’art théâtral, il est nommé directeur du
théâtre régional de Constantine. Comédien et acteur de cinéma, il a assuré deux
mises en scène : Errafd (Le refus, TRC, 1982) et El Kelma (La parole, TRC,1984). Si on doit le « classer » par
rapport aux autres quel ordre d’importance.. (C’est un
comédien qui a joué dans de nombreuses pièces et des films). Il commença
précocement dans sa ville, Constantine, à adapter des scènes de films en
saynètes de théâtre, intégra pour la première fois, la troupe « Les Mille et
une Nuits ». Hadj Smain avait été, avant
l’indépendance tour à tour membre des troupes suivantes : « Les Mille et Une
Nuits », « Les Compagnons du Vieux Rocher », « La troupe de la Maison de Jeunes
» de Hussein Dey et « Les Capucines ». Après l’indépendance, il a interprété
des rôles dans des pièces du TNA dont « La vie est un songe », Rouge Rose pour
moi », « Les fusils de la mère Carrar », « Le cercle
de craie caucasien », « Le malade imaginaire », « Deux pièces cuisine », La
mégère apprivoisée »…et de nombreux films dont « La
bataille d’Alger », « Le vent des Aurès », « Patrouille à l’Est », « Chronique
des années de braise », « Les aventures d’un héros », « Les déracinés », etc.
4-HADJ OMAR (1930-1982)
Né en 1930 à Alger.
Participe en 1944 à une tournée avec Mohamed Touri où
il anime la partie musicale du spectacle. Chante El Casbah, Cireurs (1951), La
ronde métiers…En 1948, rejoint la troupe El Farah de Mustapha Kateb qui change
de dénomination par la suite et devient El Mesrah el Djezairi (Le théâtre algérien). S’inscrit en 1952 au cours
d’art dramatique Fernand Ledoux à la Sorbonne. Elève de Jean Vilar et du TNP.
Participe en 1955 avec El Mesrah El Djezairi au festival mondial de la jeunesse de Varsovie.
Arrêté en 1956. A sa sortie de prison, rencontre Jean-Marie Serreau
qui monte « Le cadavre encerclé » de Kateb Yacine. Intègre au
lendemain de l’indépendance le TNA. Chanteur, comédien et metteur en scène.
On l’appelait le «
Brechtien », son frère, le grand chanteur Missoum est
arrêté après avoir chanté « Je veux vivre libre » de Mohamed Abdelouahab. C’est ainsi qu’il commence à penser utiliser
le théâtre pour exprimer ses idées. Rejoint tour à tour les troupes de Mohamed Touri et de Mustapha Kateb, part en France pour suivre des
cycles de formation chez les grands maîtres de l’époque, admirateur et élève de
Jean Vilar, il le secondera dans certains de ses spectacles. De retour de
Varsovie où il participait en 1956, avec la troupe de Mustapha Kateb, au
congrès mondial de la Jeunesse, il sera arrêté par les autorités coloniales.
Proche de Jean-Marie Serreau, il fera partie de
l’équipe du « Cadavre encerclé ».
Après l’indépendance,
il sera au TNA où il mettra en scène un certain nombre de pièces, ce pur
metteur en scène, l’un des rares à avoir réellement suivi une formation de
metteur en scène dans une grande école parisienne. Le "Brechtien" est
mort, abandonné. Certes, il y a un lieu en son nom, au TNA, et c’est tout. Il
est, peut-être, l'un des meilleurs, sinon le meilleur metteur en scène
algérien, un grand spécialiste de Brecht.
Œuvres : Le comédien
malgré lui (1963) ; Les chiens (1965) ; Le cercle de craie caucasien (1969) ; Hiya Qalet wana
Qolt (1975) ; Afrit ou Hafouh (1977) ; Stop (1979).
5-BOUALEM RAIS (1924-1979)
Comédien, auteur
dramatique et acteur de cinéma. Il commença très jeune à écrire des
chansonnettes et à jouer au théâtre. Il écrivit en commenceant
sa carrière dans le théâtre vers le milieu des années quarante, puis intègre la
radio avant de reprendre le théâtre. Joue dans plusieurs pièces : Nègre blanc,
pièce en trois actes de Ouadah ; L’héritage de
Benhamou de Bachtarzi (1949) ; El Flous de Touri (1950) …Rejoint la troupe du FLN. Ecrit Dem el Ahrar; Les enfants de la Casbah, El Khalidoun
et Le serment entre 1958 et 1962. Toutes ces pièces ont été produites par le
TNA après l’indépendance. Interprète plusieurs rôles dans des films dont
L’Opium et le bâton, La nuit a peur du soleil, Hassan Terro,
Chronique des années de braise… Décédé en plein tournage d’un film.
6-ABDELKADER SAFIRI
(1924-1969)
Né en 1924 à Sour El Ghozlane. Cet ancien cordonnier découvre le théâtre à l’âge
de 24 ans. Intègre la troupe d’Errazi, très proche du
MTLD. Joue son véritable premier rôle en 1950 dans Montserrat d’Emmanuel
Roblès. Militant actif du MTLD, il est arrêté juste après le déclenchement de
la lutte armée en 1954. Libéré en 1959. Ecrit « Deux pièces cuisine »
qui va être mise en scène en 1965 par le TNA. Possède également une autre pièce
montée en 1963, « Le comédien malgré lui ». Meurt en 1969.