CULTURE- OPINIONS
ET POINTS DE VUE-EDITION/LIVRE/ SILA NOVEMBRE 2024
QUEL LIVRE POUR
QUELLE LECTURE ? (Belkacem Ahcene-Djaballah/Raina
Raïkoum.
Le Quotidien d’Oran, samedi 23 novembre 2024)
-On nous bassinait
avec un passé glorieux qui nous empêchait
de nous projeter ! Résultat des courses ? Un passé constamment
réchauffé, un présent sacrifié et un futur fantasmé ! (Saliha
Kaci, « Les frondeuses». Recueil
de nouvelles © Dar El Qobia
Editions, Alger 2023)
Pour sûr, le Sila, cette rencontre internationale du
livre en Algérie a connu, comme d’habitude, un grand
succès populaire . De la grande foule, beaucoup de jeunes, garçons
et filles, cheveux au vent ou sans foulards et un peu moins de
« barbus ». Il est vrai que pour ces derniers, le plein a été
fait dès le premier jour. De plus , l’âge
(et le prix des produits ayant sensiblement augmenté) n’arrangent plus les
choses. Et, on a la nette impression que la relève a bien d’autres
préoccupations.
Pour sûr, comme dans toute manifestation de ce genre -
surtout lorsqu’elle ressemble bien plus à une Foire qu’à un Salon....certains
exposants (sic !) ayant des stands ressemblant plus à une « grande
surface » avec ses prix discounts et ses produits multiples provenant de
plusieurs éditeurs - il y a un grand nombre de
curieux qui feuillettent mais n’achètent pas, qui posent pour une photo avec
leur auteur (e) chéri (e) du moment....... Il y a
,heureusement, les espaces dédiés aux conférences qui, grâce aux chaises
disponibles, accueillent du monde . Le temps de se reposer et on
repart ! Mais, on sent, malgré tout, une envie d’apprendre et de
comprendre. Et, surtout , une folle envie de mieux
connaître le monde, le proche et le lointain. 4 300 000
visiteurs au total ,mais combien de
livres vendus ?
Globalement, les séances de dédicaces
n’attirent pas grand monde, en dehors des amis , de la famille et des
copains de quartier ou de café. Que la littérature proposée soit en arabe ou en
français ou en ....
Globalement, d’après ce que j’ai
(peut-être mal) vu, on vient au Sila soit pour « passer du
temps », soit pour acquérir un produit bien précis (dont « La
Cuisine algérienne » ou des œuvres recommandées par les enseignants). Ou,
pour rencontrer un auteur particulier. Point barre !
Problème de prix trop élevés ? Problème
d’inculture ? Problème d’habitudes ? Problème d’un mauvais
ciblage des publics ? Et, surtout, n’allez pas nous sortir la concurrence
des liseuses électroniques. En réalité, on ne lit plus assez
.....papier ou écran...même échec !
(Mal-) Heureusement, il y a, des moments de grande cohue....frisant même un certain engouement , presque
hystérique. Qui peut faire plaisir sur le moment mais qui interroge par
la suite. Pour qui et pour quoi ?
Cette année-ci, la vedette est volée par.......un
jeune romancier saoudien , Oussama Al-Muslim, le bien-nommé , «l'arabe J. K. rowling»
, un diplômé en littérature anglaise de l’université du roi Fayçal à Hofouf (Al
Ahsa), déjà , nous dit-on, auteur de 32 romans en 9
ans , et d’une trilogie intitulée « Khawf »,
tous ouvrages genre science-fiction, fantastique, magie et autres dérivés.
Loin de moi de discuter de la forme d’écriture n’étant
pas expert en la matière. Qui a l’air d’emprunter, selon mon humble avis, à
l’écriture la plus simplifiée possible, en arabe très accessible....une
écriture simple, faite de clichés et de stéréotypes qui nage en plein dans la
pensée magique. Du "fantastique",de
l’"horreur" et de la "science-fiction". Pas
religieuse. Magique. De la para-littérature .Accessible et populaire. A consommer très
rapidement. Faite pour une rapide consommation allant dans le sens de la pensée
néolibérale pour emprunter au Pr A.Cheniki.
Bref, une littérature de consommation ou ce que
certains appellent la "littérature-fast food".
Cela me rappelle le temps de la littérature « rose », des romans-photos , des « Mickeys », des « polars »
et des œuvres de science-fiction.
Le succès auprès de la jeune génération “tik-tok “( 15-25 ans,
de bon (?) niveau scolaire
) relève beaucoup plus, à mon avis,
d’une recherche irrépressible
d’évasion, de sortie d’un monde devenu
( pour eux et elles)
« invivable » ou
“insupportable”. Se sentant, quelque part, “ enfermée” dans une atmosphère religieuse et politique, bref
conservatrice donc contraignante .Ne pouvant ni ne voulant s’exiler,
elle choisit ,en attendant , l’imaginaire
peuplé de sorcières et de
djinns ,indéniablement perçu
comme un espace de liberté, libérateur, ne serait-ce que le temps de lecture.