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Récit Lazhari Labter- "Anna Gréki, ou l'amour avec la rage au coeur"

Date de création: 19-11-2024 18:40
Dernière mise à jour: 19-11-2024 18:40
Lu: 7 fois


CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECIT LAZHARI LABTER- «  ANNA GREKI, OU L’AMOUR AVEC LA RAGE AU CŒUR »

Anna Greki, ou l’amour avec la rage au cœur. Récit  de Lazhari Labter. Koukou Editions, Alger 2024, 217 pages, 1 200 dinars

 

Elle était jeune, elle était belle, elle était dynamique, passionnée, raffinée, cultivée, ayant le sens de l’humour elle était engagée, elle état combattante. Déterminée.....toujours sur tous fronts, notre « chaouia ».

Chaouia d’origine européenne  ! Mais, Algérienne plus que 100%. Née en Algérie le 14 mars 1931.

Elle, c’est Anna Colette Grégoire, plus connue sous le nom de Anna Gréki. Une poétesse flamboyante qui était sur tous les fronts. Il est vrai que son enfance, celle où la personnalité de l’individu se forme (ou se déforme) s’est déroulée à son enfance à Menaâ , du côté d’Arris, alors commune mixte (« un petit village dominant une « descente » rocailleuse vers l’oasis de Biskra dont il ne subsistait pour toute route qu’une piste ancestrale »), là où ses parents étaient instituteurs progressistes. Là , elle n’avait connu que des instants poétiques, des moments de joie, découvrant les paysages d’une beauté sauvage à couper le souffle , avec une vue imprenable sur la vallée de l’oued Abdi qu’elle découvre toute seule , avec son petit ami Nedjai ou en compagnie de son père, René, un homme très respecté par tous les villageois.

Avec son petit ami Nedjai, elle court à travers les champs, cueillant des fleurs sauvages, des abricots dorés et juteux, des grenades.... Nedjai, enfant espiègle, toujours « nu sous sa gandoura bleue », invente pour elle mille jeux et mille histoires.Elle entend aussi les chants étranges dont elle saisissait alors la gravité des mots mais pas le sens. Cette tranche de vie , plus que formatrice (d’autant qu’elle était confrontée , aussi à la misère des Aurésiens, à leur dénuement et à leur isolement, loin des bienfaits de toute civilisation) , a d’ailleurs donné lieu à un poème sublimissime , « Menaâ ». « C’est là que sa conscience se forge et que s’insinuent dans les limbes de sa petite tête les prémices de la révolte contre l’injustice qui fera d’elle la militante des causes justes et des damnés de la terre ». 

La suite est une longue marche parsemée d’amour (avec , entre autres à Paris , Ahmed Inal, l’enfant prodige de Tlemcen, militant de la cause nationale et futur  héros et chahid de la guerre de libération nationale, décédé en octobre 1956) , de découverte du pays (Collo, Alger, Bône......) au hasard des affectations de ses parents et de ses études  , de douleurs (emprisonnement et tortures en mars-avril 1957, en raison de son engagement dans la lutte de libération  nationale), d’exil (forcé, car expulsée d’Algérie vers la France ), de fuite  (en Tunisie)........et , enfin, de joie, l’Indépendance du pays conquise.Enseignante (Lycée Emir Abdelkader) , épouse (Malki) , journaliste, ...elle n’arrêtera jamais de militer et d’être poète. Sur tous les fronts ......jusqu’à sa mort, inattendue, le 6 janvier 1966.....à l’âge de 34 ans.

 

L’Auteur :Ancien journaliste et ancien éditeur. Poète et écrivain, auteur de nombreux ouvrages (recueils de poèmes, essais, récits et romans) .Aussi , spécialiste de la bande dessinée algérienne (quatre ouvrages)

 

Table des matières : Sur les traces de la poétesse (presque) oubliée/ Le livre à la couverture verte détestable/ A la recherche de la villa Mireille/ Sur la plage d’Ain Taya, à l’Est d’Alger/  Bône, Saint Augustin veille au grain......./ La lettre de Colette au procureur..../ Comment dire l’amour et l’espoir derrière des barreaux ?/ Au camp de Béni-Messous....../ Comment être en Avignon..../ En ce jour du 10 juin 1965..../ Comme un roman inachevé.../ Anna Gréki connaissait-elle la poésie de l’Emir ?/ L’avenir est -il pour bientôt...../ A la recherche de la tombe presque oubliée/ Avec la rage au cœur/Bibliographie et remerciements/ Du même auteur/Cahier photos

Extraits : « Surtout ne pas devenir moutonnier.Se pencher sur tout ce qu’il y a de Vivant. Préférer la vie à l’étude.Réfléchir. Ne pas avoir peur de dire ce que l’on est.Oser et vivre » (Anna Gréki citée, p 29), « Aucune des maisons n’avait besoin de portes/Puisque les visages s’ouvraient dans les visages/Et les voisins épars simplement voisinaient /La nuit n’existait pas puisque l’on y dormait./ C’était dans les Aurès... (Anna Gréki citée, p 92. Extrait du poème « Menaâ » du recueil Algérie, capitale Alger), « Elles sont là , entre militantes communistes, catholiques libérales et nationalistes musulmanes, toutes algériennes, toutes solidaires, toutes unies, toutes sœurs dans les deux dortoirs qui suffiraient à peine pour une dizaine de personnes par dortoir, serrées les unes contre les autres » (Prison de Barberousse, quartier des femmes,  dortoir n° 3, p 98), « Si  le bout de vivre c’est mourir, pour Anna Greki poète hanté de rêve et habité de la volonté de le faire aboutir, le but de la vie c’est d’aimer et à force d’amour se survivre » (p 158)

Avis Un véritable chant d’admiration et d’amour pour une poétesse « chaouia » , militante et engagée pour la cause indépendantiste algérienne.En même temps, saisir l’atmosphère révolutionnaire du pays si tragique  durant sa guerre de libération nationale et si belle et si prometteuse  juste après, durant les années 60.Hélas , il semble bien qu’aucune école ou rue(lle)  ne porte le  nom de la « fille aux yeux de Chaouia » (Med Kahdda) .....à Arris ou ailleurs.

Citations : « La nationalité est affaire d’amour, d’attachement et de sacrifice pour un pays et non affaire de race et de croyance » (p 17), « Quand il n’y a plus d’idées/il reste toujours les mots » (Anna Gréki citée, p 79.  Extrait du poème « Les bons usages d’un bureaucrate » du recueil Temps forts), « Etre sain , c’est être à l’aise dans son corps.Cela ne se peut que si on est à l’aise dans son esprit .Et le cœur ? C’est simplement l’harmonie entre le corps et l’esprit.On sent battre son cœur lorsque le corps et l’esprit ne font qu’un.Le cœur qui bat est un épiphénomène, une manifestation, un test de joie» (p 148), « L’Algérie, un pays dont la littérature s’est toujours développée autour des ruptures.Des ruptures linguistiques, identitaires, mais surtout esthétiques » (p 173)