CULTURE- FORMATION CONTINUE- LIVRE/PRÉSENTATION
COUVERTURES/ÉDITION FRANCE (II/II)
https://www.francetvinfo.fr/culture, Pierre Godon/ France Télévisions, 4 novembre 2024
Des "blurbs"
jusqu'à l'indigestion ?
"C'est du panurgisme", tempête
Oliver Gallmeister, patron de la maison d'édition
éponyme, spécialisée dans les polars étrangers. "Sur les 80 livres
que nous avons sortis cette année, on n'a pas dû en mettre plus de 10. Moins on
en fait, plus ça impacte." Avec à chaque fois des messages
ciblés. Le Silence du roi du
polar bostonien Dennis Lehane a
ainsi été barré d'un "Par l'auteur de Mystic River et Shutter Island". Piergiorgio Pulixi,"qu'on
veut installer", selon les mots de son éditeur, a été gratifié
d'un "Le nouveau maître du polar italien". Sur Evasion,
Pierre Lemaitre garantit aux lecteurs de l'Américain Benjamin Whitmer de retrouver "la
quintessence du noir" à l'intérieur des pages.
Dans le jargon littéraire, on appelle ça un "blurb", une phrase courte, un slogan qui claque, signé
d'un écrivain chevronné, destiné à donner un coup de projecteur sur un auteur
en devenir. Un des spécialistes du genre s'appelle Stephen King, avec plus de
150 "blurbs" au compteur. "C'est
un meilleur moyen d'orienter les gens vers les bons bouquins qu'une critique de
2 500 mots", s'est défendu l'auteur de Carrie dans
le magazine Entertainment Weekly(Nouvelle fenêtre). Son
équivalent francophone, Amélie Nothomb, est "serial blurbeuse" avouée(Nouvelle fenêtre). La dame
au chapeau de la littérature francophone reçoit
ainsi des dizaines de romans chaque année dans l'espoir qu'ils lui inspirent
une phrase bankable.
"Je ne me serais pas arrêtée sur le livre Le Club
des mamans mortes s'il n'y avait pas eu le petit mot d'Amélie : 'Je
n'ai jamais lu un roman aussi grunge'", illustre Stéphanie Joribon, collectionneuse de romans d'Amélie Nothomb. Et
fétichiste des bandelettes de papier. Dans son mausolée personnel, cette inconditionnelle
compte sept versions de Stupeur et tremblements, toutes vêtues d'un
bandeau différent. Même une critique assassine peut devenir un argument
marketing : "Rien de ceci n'importerait si [Ingrid Lapraille] avait un style, mais je ne lui en ai pas
trouvé" a ainsi fini en bandeau sur la couverture d'Okran(Nouvelle fenêtre).
Vous avez dit absurde et excessif ? Ce n'est rien
à côté de l'initiative loufoque des auteurs d'un Roman à succès imprimé
sur papier recyclé (oui, c'est le titre de cet ouvrage ouvertement
parodique). Maquette épurée, couleur crème reprenant les codes de Gallimard,
Albin Michel et Flammarion, et un bandeau rouge, plein d'autodérision, en gros
caractères : "Déjà 4 ventes". "On avait
pensé à deux slogans supplémentaires. 'Un livre qui gagne à moins être connu'
et 'On ne dit pas que les livres à côté sont moins bien, mais que le nôtre est
meilleur'", s'amusent Simon Drouard et Vianney Louvet. Ils font part
de retours enthousiastes de libraires lassés "des superlatifs
exagérés" et chiffres de ventes extravagants rarement sourcés. "On
a souvent des messages de lecteurs qui barrent le 4 pour inscrire 5 à la place.
Ça parle aux gens qui aiment qu'on détourne les codes de l'objet
livre". Mais encore un peu court pour décrocher le
prochain Goncourt.