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Le Renseignement / Contrôle des techniques (France) (II/II)

Date de création: 30-10-2024 20:14
Dernière mise à jour: 30-10-2024 20:14
Lu: 146 fois


DEFENSE- FORMATION CONTINUE- LE RENSEIGNEMENT/CONTRÔLE DES TECHNIQUES/ FRANCE (II/II)

Le renseignement saisi par la loi

© https://www.vie-publique.fr/ La Documebntation française/  Serge Lasvignes - Président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)/8 octobre 2024

Longtemps privé d'un cadre légal, l'usage des techniques de renseignements obéit désormais en France à des règles bien établies. Quel est ce cadre légal pour l'usage des techniques de renseignement ? Comment et par qui est-il contrôlé ?
Sommaire

  1. La constitution très progressive d'un cadre légal
  2. Le contrôle exercé par la commission sur les demandes de surveillance
  3. Renseignement et démocratie ne sont pas incompatibles

 

L'architecture d'ensemble du cadre légal

Le cadre légal adopté en 2015 est fondé sur trois grands piliers :

  • Premier pilier : on ne peut utiliser les techniques de renseignement que si sont en cause les "intérêts fondamentaux de la nation". La loi définit de manière exhaustive ces intérêts. 
    De manière synthétique, il s'agit de se protéger contre les ingérences étrangères, de défendre et promouvoir les intérêts de l'économie et de la recherche françaises, de prévenir les actes terroristes et les "violences collectives" (sont visés les extrémistes usant de la violence), enfin de prévenir la délinquance et la criminalité organisées. L'usage du terme "prévenir" est important. La surveillance administrative ne doit pas être confondue avec les enquêtes de police menées sous la direction de l'autorité judiciaire. Les techniques utilisées peuvent être identiques, les services en charge également. Mais le renseignement est une activité de police administrative qui ne peut avoir qu'un caractère préventif et qui doit céder la place à l'autorité judiciaire, agissant selon les règles du code de procédure pénale, dès qu'une infraction pénale est constatée.
  • Deuxième pilier : la loi fixe également, de manière exhaustive, la liste des techniques légalement utilisables – accès aux données de connexion, interceptions téléphoniques, géolocalisation en temps réel, sonorisation de locaux ou de véhicules, captation d'images, recueil de données informatiques, recours à un algorithme… Certaines sont évidemment plus intrusives que d'autres. Les services de renseignement doivent choisir celle(s) qu'ils vont utiliser de manière à assurer un bon équilibre entre l'enjeu de la surveillance et la gravité de l'atteinte portée à la vie privée. C'est le principe de proportionnalité, principe de base pour la régulation du renseignement. Encore faut-il que son respect soit efficacement contrôlé.
  • Troisième pilier : la loi soumet donc le recours aux techniques de renseignement à un double contrôle.
    L'un a un caractère hiérarchique. Tout usage de l'une des techniques prévues par la loi est subordonné à une autorisation du Premier ministre. En outre, à partir d'un certain degré d'intrusivité, le service doit préalablement s'assurer de l'accord du ministre sous l'autorité duquel il est placé.
    L'objet de cette procédure est évidemment de prévenir les dérapages inopportuns. Elle conduit en même temps à ce que le chef du gouvernement lui-même assume la responsabilité politique de l'atteinte à la vie privée. Cette prise de responsabilité est d'autant plus marquée que la décision du Premier ministre est précédée de l'avis d'une autorité indépendante : s'écarter de cet avis risque d'avoir un coût politique.
    Chaque demande soumise au Premier ministre doit en effet être accompagnée de l'avis rendu par la 
    Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Jusqu'en 2021, le Premier ministre était juridiquement libre de ne pas suivre cet avis. En pratique, il n'est jamais passé outre un avis défavorable : la procédure conjuguant un avis indépendant et une prise de responsabilité politique au plus haut niveau a montré son efficacité. Depuis la modification de la loi intervenue en 2021, un volet juridictionnel est venu s'ajouter à la procédure sous la pression de la jurisprudence européenne : si le Premier ministre passait outre un avis défavorable de la commission, c'est au Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative, qu'il reviendrait désormais d'arbitrer.