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Le Renseignement / Contrôle des techniques (France) (I/II)

Date de création: 30-10-2024 19:59
Dernière mise à jour: 30-10-2024 19:59
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DEFENSE- FORMATION CONTINUE- LE RENSEIGNEMENT/CONTRÔLE DES TECHNIQUES/ FRANCE (I/II)

Le renseignement saisi par la loi

© https://www.vie-publique.fr/ La Documebntation française/  Serge Lasvignes - Président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)/8 octobre 2024

Longtemps privé d'un cadre légal, l'usage des techniques de renseignements obéit désormais en France à des règles bien établies. Quel est ce cadre légal pour l'usage des techniques de renseignement ? Comment et par qui est-il contrôlé ?
Sommaire

  1. La constitution très progressive d'un cadre légal
  2. Le contrôle exercé par la commission sur les demandes de surveillance
  3. Renseignement et démocratie ne sont pas incompatibles

Lorsque l'on évoque les services de renseignement, on pense spontanément au Bureau des légendes, à OSS 117…, autrement dit, à l'activité d'espionnage ou de contre-espionnage. En réalité, ces services exercent bien d'autres missions qui les conduisent à mener des enquêtes que l'on pourrait confondre avec celles conduites par la police judiciaire. C'est le cas en particulier de la prévention du terrorisme, ou de ce que l'on appelle la délinquance organisée (par exemple le trafic de drogues), ou encore de la surveillance de certains extrémistes politiques adeptes de la violence. L'activité du renseignement se distingue toutefois de l'enquête judiciaire par trois différences essentielles :

  • en premier lieu, c'est une activité de "police administrative". Elle n'est donc pas placée sous la direction de l'autorité judiciaire, c'est-à-dire d'un magistrat. Elle est au service du pouvoir exécutif ;
  • en deuxième lieu, elle ne peut avoir qu'un caractère préventif. En vertu d'un principe constitutionnel, si le renseignement conduit à la découverte de faits constitutifs d'un crime ou d'un délit et a fortiori si l'auteur de l'infraction est identifié, le renseignement administratif doit s'interrompre et laisser la place à l'autorité judiciaire ;
  • enfin, le produit du renseignement, ce qu'il révèle, est couvert par le secret de la défense nationale. Il n'est donc accessible qu'aux personnes habilitées à connaître ce secret.

Ces caractères spécifiques expliquent que le renseignement s'est longtemps exercé sans autre régulation qu'un contrôle interne au service. La définition d'un vrai cadre légal fut laborieuse.

La constitution très progressive d'un cadre légal

On peut sommairement distinguer trois étapes dans la mise en place d'une régulation externe du renseignement.

La première fut la création, en mars 1960, d'un service rattaché au Premier ministre, le Groupement interministériel de contrôle (GIC), chargé de centraliser les demandes et la mise en œuvre des écoutes téléphoniques. Il s'agissait pour le Gouvernement de "se protéger lui-même", c'est-à-dire de s'assurer de la maîtrise des écoutes en évitant que les services de renseignement puissent passer directement commande aux opérateurs de téléphone de leurs projets d'écoutes.

La deuxième étape, c'est la naissance, en 1991, de la première institution indépendante chargée du contrôle des écoutes. La création de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), à l'initiative de Michel Rocard, répondait à des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, qui avait jugé que, faute d'un contrôle indépendant exercé sur l'usage des techniques de renseignement, la France n'assurait pas la protection de la vie privée garantie par la convention européenne.

Cette commission, comme son nom l'indique, n'était explicitement chargée que du seul contrôle des "interceptions", c'est-à-dire des écoutes téléphoniques. Pendant ce temps, se développait un ensemble d'autres techniques, plus intrusives et plus modernes : sonorisation de lieux privés (micros), installations vidéo, copie de données informatiques… Puis ce fut la mise en place, dans le secret, par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), d'un dispositif de captation des données passant par les systèmes de communications internationales, câbles ou satellites, le fruit de cette "pêche au chalut" pouvant ensuite être mutualisé entre les divers services de renseignement.

La commission, consciente de l'écart entre la modeste base légale dont elle disposait et la réalité des progrès du renseignement, essaya de le combler en élaborant une "doctrine". Cet effort pour encadrer ce que la loi ignorait fut finalement jugé insatisfaisant, et, en guise de troisième étape, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s'engagea dans la préparation d'une refonte d'ensemble du dispositif législatif. C'est dans ce contexte que fut adoptée la loi du 24 juillet 2015.

Les dispositions de cette loi relative au renseignement ont été codifiées au livre VIII du code de la sécurité intérieure. Elles constituent un solide cadre légal, qui n'a été modifié qu'à la marge depuis 2015.

Ce que la loi ne saisit pas

Pour bien comprendre l'économie de la loi, il est bon peut-être de commencer par préciser ce qu'elle n'entend pas encadrer. 

D'abord, pour l'essentiel, la loi de 2015 entend régir, non l'ensemble de l'activité de renseignement, mais le seul usage, à des fins de renseignement, de certaines techniques. Ainsi, si la géolocalisation d'une personne grâce à ses données de connexion téléphonique ou celle d'un véhicule à l'aide d'une balise relève du champ de la loi, la "filature" physique en est exclue, de même que le recours à des "sources" humaines. S'agissant de l'évaluation d'ensemble de la politique du renseignement, elle relève quant à elle de la délégation parlementaire au renseignement, commune aux deux assemblées. Mais celle-ci ne peut connaître des opérations en cours non plus que des méthodes opérationnelles.

Ensuite, à la différence d'autres pays, comme l'Allemagne, le législateur français a choisi de limiter le champ d'application géographique de la loi. La surveillance de la personne entre dans le cadre légal si elle est mise en œuvre "sur le territoire national". Les opérations menées en territoire étranger, notamment par la DGSE, n'entrent donc pas dans le champ du contrôle.

Toutefois, la loi distingue le cas particulier des communications émises ou reçues de l'étranger, mais interceptées depuis la France. C'est le dispositif de captation des communications internationales évoqué plus haut. Il est soumis à un régime de contrôle plus souple, les autorisations d'exploitation pouvant porter aussi bien sur des organisations, des groupes de personnes que des zones géographiques. L'exploitation de ces données pour la surveillance de personnes utilisant un téléphone avec un identifiant national est en principe interdite. Mais il existe des dérogations, notamment en cas de menace terroriste.