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Pratique du journalisme/ Usage des données pratique (I/II)

Date de création: 20-09-2024 19:05
Dernière mise à jour: 20-09-2024 19:05
Lu: 27 fois


COMMUNICATION-FORMATION CONTINUE- PRATIQUE JOURNALISME/USAGE DES DONNEES PRATIQUE (I/II)

 

© https://theconversation.com/Published: September 19, 2024

 

Les enquêtes en open source – fondées sur la collecte d’informations disponibles sur Internet – sont de plus en plus utilisées par les médias d’information comme par la communication de propagande. Elles posent de nombreuses interrogations éthiques et méthodologiques.


Le 5 avril 2024, Le Monde publiait une enquête très fouillée, montrant, par le biais de multiples sources accessibles en ligne, les destructions d’hôpitaux, d’écoles et d’universités palestiniennes causées par les bombardements de l’État d’Israël à Gaza.

Ces enquêtes en sources ouvertes, également appelées OSINT pour « open source intelligence », sont désormais une composante visuelle et médiatique reconnaissable de notre quotidien. À partir d’une collecte d’informations disponibles librement sur Internet (parfois comparées à d’autres tirées d’une expérience « de terrain », sur place), ces éléments (photos et vidéos présentes sur les médias sociaux, cartographies numériques, documents administratifs, données gouvernementales, articles scientifiques, etc.) visent désormais à documenter un large éventail d’événements.

Comment et qui utilise ces sources ?

De nombreux professionnels mais aussi des citoyens ordinaires se lancent à grande vitesse dans ces enquêtes, en s’appuyant sur des méthodologies de plus en plus sophistiquées et en utilisant la puissance de l’intelligence collective et de la mise en réseau d’informations par les médias sociaux.

Certains collectifs indépendants, professionnels ou non, se forment à l’instar de Forensic Architecture et Bellingcat et sont devenus, au cours des dernières années, des références incontournables de ce type de pratique. Aujourd’hui, les grands organes de presses comme Le Monde, la BBC, ou le New York Times ont construit des équipes spécialement dédiées à l’investigation numérique. D’autres comme l’Agence France-Presse (AFP) ou le Global Investigative Journalism Network mettent librement à disposition des ressources pour se former à ces techniques.

Cependant, en se basant sur un système de surveillance numérique déjà largement travaillé par les universitaires, comme Shoshana Zuboff par exemple, et des associations comme la Quadrature du Net, l’OSINT pose un ensemble d’interrogations éthiques.

L’exemple de l’hôpital al-Ahli

Le 17 octobre 2023, l’hôpital al-Ahli situé dans la bande de Gaza est touché par un missile. Le sens commun amène une partie des médias à considérer que si un missile touche un bâtiment dans une zone en conflit, il s’agit probablement de la responsabilité du belligérant opposé. De fait, le président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le Hamas imputent la responsabilité de l’attaque à l’État israélien.

Cependant, le porte-parole l’armée d’Israël, annonce dans une conférence de presse que l’explosion de l’hôpital résulterait d’un missile provenant de l’intérieur de la bande de Gaza. Pour soutenir son propos, le ministère de la Défense produit un ensemble de documents visuels ressemblant à de l’OSINT et censés prouver la non-responsabilité de l’État israélien dans cette attaque. Des organes de presses comme New York TimesChanel 4 ou des associations comme Forensic Architecture, expriment leurs doutes face à la version avancée par le porte-parole de l’armée israélienne.

D’autres médias, dont Le Monde ou Bellingcat, expriment leurs doutes à propos des résultats avancés par leurs confrères. Ils interrogent la possibilité même, compte tenu du peu de sources disponibles à ce moment, d’arriver à déterminer les responsables de cette explosion.

De fait, une partie des enquêtes sur cet événement se fondent sur des sources partielles à partir desquelles il est difficile de tirer des liens de causalité fiables. En général, quand des enquêtes OSINT sont menées par plusieurs rédactions de presse ou ONG, les différents enquêteurs aboutissent aux mêmes résultats, car la méthodologie se fonde sur la possibilité, donnée à tout un chacun, de refaire les enquêtes à partir des sources disponibles. Il n’en est pourtant rien ici.

Peu de temps après, certaines analyses, comme celle du New York Times, s’excusent d’avoir potentiellement mal couvert l’événement et nuancent leur version. D’autres au contraire persévèrent, à l’instar de Forensic Architecture.

Notre rôle d’universitaires n’est pas nécessairement de distribuer de bons ou mauvais points sur la réalisation d’enquêtes OSINT, néanmoins ce cas nous semble pertinent à garder à l’esprit, car il correspond à une première controverse médiatique où l’OSINT est utilisée par des organes de presse dont la parole portent dans le débat public, sans que ces derniers ne tombent d’accord sur les faits.

Un autre cas : Boutcha

Nous avions déjà remarqué une controverse d’un genre similaire à propos d’enquêtes menées sur le massacre du Boutcha en Ukraine, une série de crimes de guerre commis à proximité de Kiev entre le 27 février et le 31 mars 2022 durant l’occupation de la ville par l’armée russe.

Les enquêtes en sources ouvertes s’opposant sur la narration autour de ce drame étaient d’un côté fournies par un journal mondialement réputé, le New York Times et de l’autre, par des vidéos de propagande pro-russe circulant sur des chaînes Telegram.

Dans cette asymétrie quant à l’autorité de diffusion d’informations, les uns et les autres, avec des mises en forme et des interprétations différentes ont fait circuler des vidéos réutilisant les codes des enquêtes OSINT.

Par exemple, à partir d’une vidéo prise par des soldats ukrainiens, le New York Times indique des cadavres sur le sol. La propagande prorusse utilise des agrandissements de ces mêmes images pour « montrer », au contraire, qu’on apercevrait un cadavre se relever dans un rétroviseur (en fait une goutte d’eau de pluie déformant l’image) ou que les mains des corps ne sont pas celles de personnes mortes.