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Essai Vincent Lemire-"Au pied du Mur.Vie et mort du Quartier Maghrébin de Jérusalem.........."

Date de création: 13-09-2024 18:45
Dernière mise à jour: 13-09-2024 18:45
Lu: 49 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE DALMANACH- ESSAI VINCENT LEMIRE- « AU PIED DU MUR. VIE ET MORT DU QUARTIER MAGHRÉBIN DE JÉRUSALEM, 1187-1967)

 

Au pied du mur.Vie et mort du quartier maghrébin de Jérusalem (1187-1967).  Essai de Vincent Lemire.Éditions Barzakh    , Algérie 2024, 395 pages, 1200 dinars

 « Parce qu’il a servi de laboratoire  et de terrain d’expérimentation pour différentes stratégies politiques et géopolitiques, le microcosme du quartier maghrébin se révèle ainsi être un excellent laboratoire de l’histoire du Proche-Orient et de la Méditerranée » (p. 23). Mais qui se souvient (et se soucie encore ) de ce que fut le  quartier maghrébin. Un quartier fondé par le fils de Saladin, destiné à l'accueil des pèlerins originaires du Maghreb, devenu rapidement un lieu de vie ouvert sur la Méditerranée, traversé pendant  huit siècles par des milliers de voyageurs.  Un waqf  dont l’ acte de fondation a été rédigé à Jérusalem par un arrière petit-fils de Sidi Abou Mediene, en langue arabe, le 29è jour du mois de Ramadan de l’an 720, c’est-à-dire le 2 novembre 1320 selon le calendrier grégorien. Chateaubriand l’a visité et décrit en octobre 1806, et Yasser Arafat enfant , à la mort de sa mère, alors âgé de quatre ans, y a habité avec son frère, chez un oncle.Car, il était , non un quartier isolé et relégué aux marges de la Ville sainte mais au cœur de la collectivité citadine de Jérusalem.Déjà en 1959, on y recensait alors 40 familles marocaines, 30 algériennes et 15 tunisiennes...sans compter les pèlerins  de passage et bien des sans -abris, toujours pris en chargé par  les habitants. Ainsi que 130 maisons. Ainsi que  la mosquée al-Burak, construite alors sur le site « où le cheval du prophète Mohammed (Qsssl) est monté au ciel ».

Hélas, la sanctuarisation du Mur occidental par les communautés juives de Jérusalem (le quartier était à proximité immédiate de l’esplanade du temple, « fondé, selon la tradition biblique, vers -1000 par Salomon) à partir du XVIè siècle puis son intégration progressive au sein de l’horizon politique sioniste à partir de la fin du XIXè siècle (à partir des années 1910 avec , entre autres, plusieurs tentatives de rachat) ont été deux processus historiques ayant entraîné sa destruction totale par l‘armée d’occupation sioniste, dans la nuit du samedi 10 au dimanche 11 juin 1967, après l’instauration du cessez-le-feu qui met fin à la « guerre des Six jours ».....650 habitants expulsés brutalement et 135 maisons détruites (c’ était non pas un agrégat de taudis mais il faisait partie intégrante de l’espace urbain, ses rues étaient entretenues et ses infrastructures régulièrement modernisées). Dans un certain silence international.Sous la pression des partisans du sionisme religieux (de plus en plus agressif et insensible aux réactions d’une communauté internationale en bonne  partie complice) , ce sera suivi, presque deux ans jour pour jour, le dimanche 15 juin 1969, par la destruction du pâté de maison du Dar Abu Saud, situé au sud de la nouvelle esplanade.Il est vrai que déjà depuis le 1er avril 1963, les Maghrébins de Jérusalem s’étaient retrouvés totalement isolés.Déjà privés d’une grande partie de leurs revenus financiers depuis 1948, ils s’’étaient retrouvés privés de toute protection juridique et diplomatique.Un quartier en sursis ! 

Le grand drame, c’est que la « destruction physique » a a été accompagné par une  « disparition documentaire », comme si le quartier et ses habitants devenaient litérallement « invisibles » aux yeux de l’historien ...et du monde arabo-musulman.

 L’Auteur : Enseignant à l’Université Paris-Est/Gustave Eiffel.Il a dirigé le Centre de recherche français à Jérusalem (Cnrs-Meae) et le projet « Open Jerusalem ». Plusieurs publications  dont une Bd, « Histoire de Jérusalem » (2022)

Table Introduction. Un lieu pour l’histoire/ Prologue .L’ assise juridiqu d’un quartier de Jérusalem : l’acte de fondation du waqf Abou Mediene/Chapitre I.Dans l’Empire des sultans : gestion et consolidation à l’époque ottomane/ Chapitre II.Dans le tumulte de la guerre et du mandat : un quartier convoité et fragilisé (1912-1936)/Chapitre III.Protection et ambition impériale :la France au pied du Mur (1948-1954)/ Chapitre IV. Contradictions coloniales et basculements géopolitiques : les orphelins de l’Empire (1955-1962)/ Chapitre V.Expulser et détruire : histoire d’une décision politique (juin 1967)/ Chapitre VI.Après la catastrophe :collecter les traces, documenter la disparition/Epilogue.Les archives du sol : apparition, disparition/ Conclusion.Un mur de silence/ Notes/ Bibliographie/Index des noms de personnes/Index des noms de lieux/Index des noms d’institutions/Remerciements/Table et crédits des illustrations

Extraits : « Le quartier maghrébin n’a pas seulement été détruit dans la nuit du 10 au 11 juin 1967 : il a été littéralement effacé de toute mémoire et de toute narration » (p 219), « L’histoire post mortem du quartier maghrébin, celle qui se poursuit après le 11 juin 1967 -de manière délocalisée, dispersée, diffractée-, relève donc à la fois de la trace et de l’aura, de l’empreinte et du halo, du vestige et de l ’écho : des documents et  des discours, des procédures et des récits, des restes de bâtiments et des bribes de légendes » (p 249 ), « On est saisis encore davantage par ce vertigineux paradoxe : c’est la disparition du quartier qui a provoqué son apparition aux yeux de l’historien, c’est sa destruction brutale qui a permis sa documentation (....).Paradoxe en apparence seulement puisque l’histoire se nourrit sans cesse de documents produits par la disparition même de ce dont ils témoignent, que ce soit sous la forme de traces écrites ou de, vestiges matériels » (p 277), « Bien souvent, la catastrophe, la mort, la disparition des personnes et des biens produisent en même temps leur documentation, ou plutôt leur transformation en documents, c’est-à-dire leur conservation paradoxale, non plus désormais à l’usage des vivants mais au seul profit des historiens et de leurs lecteurs » (p 278),

Avis : Pour découvrir comment une « violence d’Etat » (sioniste et colonialiste.....aujourd’hui génocidaire ) se double

 d’un « mensonge d’Etat » délibérément organisé pour dissimuler les responsabilités politiques d’une opération de destruction.....l’auteur faisant le parallèle avec les massacres , à Paris , des Algériens, le 17 octobre 1961.

Citations : « A Jérusalem, un « glissement de terre » s’accompagne presque  toujours d’une glissement de temps » (p12), « L’historien n’est pas un pourvoyeur de certificats d’authenticité, il doit résolument se refuser à cette fonction qu’on veut trop souvent lui assigner » (p18), « La structure des archives est  toujours signifiante, pour peu qu’on prenne le temps de s’attarder sur leurs contenants avant de se précipiter sur leurs contenus » (p 115), « Le rôle de l’historien consiste parfois simplement à rendre visibles des continuités discrètes, là où des récits épiques ne veulent voir que des ruptures fracassantes » (p 203), « La trace est l'apparition d’une proximité, quelque lointain que puisse être ce qui l ’a laissée.L’aura est l’apparition d’un lointain, quelque proche que puisse être ce qui l ’évoque. Avec la trace, nous nous emparons de la chose ; avec l’aura, c’est elle qui se rend maîtresse de nous » (p 248. Walter Benjamin  cité, in Paris , capitale du XIXè siècle. Ed. du Cerf, Paris 1989)

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