COMMUNICATION
– ETRANGER- GROUPE CMA CGM/BFM ET RMC FRANCE , JUILLET
2024
© https://www.actu-transport-logistique.fr/Eline
Descamps, 2 juillet 2024
L’acquisition d’Altice Média, propriétaire de BFM et RMC,
par le groupe de transport et logistique CMA CGM a été finalisée ce 2 juillet
(2024) . Le troisième armateur de porte-conteneurs,
déjà propriétaire du groupe La Provence, de La Tribune et actionnaire
de M6 et de Brut, acquiert une assise dans la presse de nature à
bousculer le paysage médiatique français.
Si l’audition le 6 juin de Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, par les membres du collège de l’Autorité de régulation de la communication
audiovisuelle et numérique (Arcom), n’a pas apporté
de réponse convaincante sur les
raisons qui poussaient un grand groupe de transport et de logistique à se
positionner dans les médias, les arguments
exposés ont suffi au régulateur de l’audiovisuel pour accorder son blanc-seing
à la cession d’Altice Média.
Annoncé mi-mars, le rachat de la filiale du groupe
Altice de l'homme d'affaires Patrick Drahi a reçu le 28 juin le feu vert de l'Arcom et de
l'Autorité de la concurrence. CMA CGM annonce ce 2 juillet la finalisation de
la transaction qui lui permet de mettre la main sur le troisième groupe privé
de médias en France et leader hexagonal de l’information en continu jusqu'en
avril avec les marques BFM, RMC Découverte, RMC Story, deux services de
télévision conventionnés (BFM Business, BFM TV), dix chaînes de télévision
locales (BFM Régions) et trois radios (RMC, BFM Business, BFM Radio).
CMA Média – qui compte
déjà La Provence et Corse Matin (acquis en octobre 2022), La Tribune (mai 2023), qui a
essaimé avec un titre du 7e jour, La Tribune Dimanche, alternative à un JDD « bollorisé », ainsi
que des participations dans le capital
de M6 (10 %) et le média en ligne Brut
(15 %) –, étoffe son audience avec 12 millions de téléspectateurs quotidiens et
3 millions d’auditeurs revendiqués.
Montage
provisoire
Selon le mode opératoire initialement envisagé, la
maison-mère Altice France devait céder sa filiale à une société (dénommée
provisoirement AudiovisualCo), codétenue par le
groupe CMA CGM (à hauteur de 80 %) et par Merit
France Investissements (20 %), chacune étant contrôlée par la holding de la
famille Saadé (Merit
France).
Le montant de la transaction n’est pas mentionné dans le très bref communiqué
diffusé par l'acquéreur mais lors de l’annonce de la promesse d’achat, il était
question de 1,55 Md€.
Les actifs médias du transporteur ont été placés
jusqu'à présent sous le chapeau de CMA média, présidé par Véronique Saadé (l’épouse de Rodolphe Saadé),
rejoint en mai par Nicolas de Tavernost en
tant que vice-président. Le DG de M6 de 2000 à 2024, à l’origine du succès de
la « petite chaîne qui est montée », est chargé de la stratégie
d'investissement.
Les activités médias du groupe CMA CGM devraient être
dissociées. Au sein d’une entité baptisée MediaCo,
les titres de presse seraient placés dans une société baptisée NewspressCo (nouvelle dénomination de WhyNot
Media SAS, qui chapeautait jusqu’à présent les titres de presse écrite, La
Tribune, La Provence, Corse Matin), tandis BFM, RMC et consorts d'Altice
Médias seraient versés dans AudiovisualCo.
Arthur Dreyfuss, l'actuel directeur général
d’Altice Media et proche de Patrick Drahi, ne poursuivra pas l'aventure
sous pavillon de CMA CGM, a précisé le groupe en fin de journée dans un
communiqué distinct (cf. plus bas).
Profession
de foi de non-ingérence
Lors de son audition, Rodolphe Saadé
avait tenu le siège pour rassurer sur sa non-ingérence éditoriale et noyer le
souvenir d’un fâcheux incident intervenu le 22 mars, qui avait mis en grève
plusieurs titres de son pôle médias et généré une défiance sur la protection
des journalistes à l'égard de toute forme de pression.
L’industriel avait alors indiqué au régulateur qu’une
« charte d'indépendance éditoriale et de déontologie » était en
négociation pour chacune des rédactions de La Provence tandis que devait être
créé un « comité d'indépendance éditoriale et de déontologie »,
composé de trois personnalités extérieures reconnues pour leur indépendance et
leur expertise des médias.
En négociation lors de l’audition, la charte a depuis
été signée, le 27 juin, par la présidente du conseil d'administration de La
Provence, le directeur général du groupe et les syndicats de journalistes. Elle
prévoit notamment un vote de la rédaction sur le projet éditorial dans le cas
de la nomination d'un nouveau directeur de la rédaction. Le préambule précise
par ailleurs que le journal régional garantit à ses lecteurs « une
couverture de l'actualité vérifiée, impartiale, nuancée et indépendante de tout
intérêt politique, économique, culturel ou personnel ».
Lors de l’acquisition de La Tribune et de la promesse
d'achat d'Altice Média, Rodolphe Saadé s’était engagé
à préserver les dispositifs similaires déjà en vigueur.
Pour
quelles ambitions ?
Sondé par les représentants nationaux sur ses
intentions de puissant industriel qu’il est devenu avec ses « milliards de
bénéfices », le patron du troisième armateur mondial avait évacué la
question en faisant part de sa préoccupation immédiate : « permettre à BFM
de redevenir la première chaîne d’information ».
En mai et en juin, la chaîne dirigée par Marc-Olivier
Fogiel a été détrônée de sa première place par CNews
(3,5 % de part d'audience contre 3,4 % pour BFMTV), le média d’opinion
conservateur de Vincent Bolloré (groupe Vivendi).
Des conditions
au laissez-passer
En autorisant le rachat par CMA CGM vendredi dernier,
l'autorité de la concurrence l'avait, elle, subordonné son feu vert au respect
d'engagements, concernant le marché publicitaire dans le sud de la France, où
CMA CGM possède La Provence et BFM Paca.
Dans le cadre du laisser-passer de l'Arcom, alors que BFMTV postule au renouvellement de sa
fréquence TNT (télévision numérique terrestre), deux chaînes locales, BFM
Lyon et BFM Alsace, doivent cesser d'émettre sur la TNT pour migrer en
ligne. Leurs autorisations datent de 2021 et 2023. Or, la loi interdit de céder
une chaîne dans les cinq ans qui suivent l'attribution de leur fréquence TNT.
Des chaînes
en perte
Avec cette opération, le nouvel homme fort des médias,
à l'irruption éclair dans le récalcitrant secteur de la presse, renforce
significativement sa présence radio/TV/presse dans certaines zones.
Mais si BFM TV, RMC Découverte et RMC
Story sont bénéficiaires (de 15 M€) depuis 2021, les chaînes locales sont
toujours en pertes (- 14,2 M€ en 2021 et – 7,6 M€ en 2022). Les trois chaînes
nationales gratuites ont réalisé en 2022 (dernières données obtenues) un
chiffre d’affaires publicitaire de 152 M€, soit 6 % du total des chaînes
privées gratuites nationales.