VIE POLITIQUE- OPINIONS ET
POINTS DE VUE- ELECTIONS/ COMMUNICATION/ENTRETIEN B. A-DJABALLAH/HORIZONS
(QUOTIDIEN)
Entretien réalisé
par Assia Boucetta/Horizons, lundi 24 juin 2024
BELKACEM
AHCÈNE-DJABALLAH, ANCIEN PROFESSEUR ASSOCIÉ DES UNIVERSITÉS : «Le plus grand danger vient du phénomène des fake news»
Fort
de son expertise et de son expérience académique, Belkacem Ahcène-Djaballah,
ancien professeur associé des universités, nous éclaire dans cet entretien sur
le rôle crucial que jouent les médias pendant les élections, les défis qu'ils
rencontrent, ainsi que les responsabilités éthiques des journalistes. Il aborde
également l'impact croissant des réseaux sociaux par rapport à la presse
traditionnelle et les mesures nécessaires pour lutter contre la désinformation.
Quel rôle jouent
les médias lors d’une opération électorale ? : Un rôle de plus en plus important, tout
particulièrement avec les bouleversements technologiques dans le domaine de
l’information intervenus à partir des années 1970, avec une communication
interpersonnelle très rapide et très directe. Elle a «zappé»
la communication collective ou de groupe. Auparavant, on avait, lors de
campagnes électorales, des meetings «sous les préaux»
des écoles ou dans des salles. Cela existe encore, mais elles apparaissent de
moins en moins «rentables».
Alors, comment ces
médias influencentils l'opinion publique pendant une
campagne électorale
? :Il n’est pas très évident que les médias
soient influents à 100% sur les choix électoraux des citoyens, car en général,
tout particulièrement lors des grands choix, comme une élection présidentielle,
les électeurs partent aux urnes déjà convaincus et sûrs de leur choix. Mais ce
n’est pas garanti à 100%. La marge d’incertitude est alors gouvernée par
l’émotion qui peut être plus ou moins grande et dans certains cas de
concurrence étroite, faire basculer les résultats. C’est donc à ce niveau que les
médias, dont aujourd’hui les réseaux sociaux, sont les plus influents, tout
particulièrement les médias dont les contenus sont basés sur l’info de
proximité et le sensationnel.
Quels sont les
principaux défis auxquels les médias sont confrontés pour assurer une
couverture équitable et impartiale des élections ? :La
rétention de l’information ou son incomplétude, le danger des fake news
diffusées tout particulièrement par les réseaux sociaux qui n’ont rien à voir
avec le journalisme vrai et qui parfois, sinon souvent, sont produites par des
agents externes hostiles au pays ou à un candidat.
Justement, quel
serait l'impact des réseaux sociaux par rapport à la presse traditionnelle dans
le cadre d’une opération électorale ? :De plus en plus
important, car malgré toutes les réglementations et les régulations, il y a
toujours une bonne part incontrôlée et difficilement contrôlable. Bien sûr, il
y a des moyens juridiques et technologiques de blocage de la diffusion,
nationaux et internationaux, mais il y a toujours un pourcentage qui échappe et
vient polluer le paysage. L’impact peut donc être assez important tout
particulièrement dans une société fragilisée par des querelles intestines ou
par des drames sociétaux importants. Heureusement, nous n’en sommes plus là,
mais il faut tout de même faire attention car un certain environnement proche
ou lointain nous est hostile
Les médias doivent donc prendre des mesures
pour lutter contre la désinformation pendant les périodes électorales ?:
A mon avis, pour contrer les impacts néfastes, il faut reconsidérer le rôle des
médias traditionnels lors d’opérations électorales ainsi que celui du
journaliste en leur laissant beaucoup plus de liberté d’action, d’imagination
et d’intervention toujours, bien sûr, dans le strict respect des règles
éthiques et déontologiques du métier de journaliste. Voilà un nouveau créneau
de recherche universitaire à défricher. Difficile tant il est vrai que les
sciences politiques ont été, chez nous tout particulièrement, abandonnées et
laissées entre les mains de «politologues» plus
politiciens et partisans que politistes.
Comment la désinformation et les fausses
nouvelles peuvent affecter le processus électoral ? :Il
y a beaucoup plus à craindre le phénomène de la non-participation au scrutin (qui
est la résultante de deux causes : soit un boycott qui est une attitude
politique, soit une abstention qui est un comportement social, ce qui est
dommageable, car tout candidat, et c’est assez normal, est à la recherche de la
légitimité populaire la plus large.
Quels types de pressions extérieures les
médias peuvent-ils rencontrer pendant une campagne électorale et comment
doivent-ils y faire face ?: Actuellement et de plus en plus,
le plus grand danger vient du phénomène des «fake news» et pour y faire face,
il n’y a que la réponse rapide, publique, c’est-à-dire touchant le public le
plus large possible et surtout complète en données et informations.
Il y a aussi les
responsabilités éthiques des journalistes ?: D’abord et avant tout, l’exactitude des faits
rapportés et ensuite ne pas mélanger les faits et le commentaire. Bien sûr,
durant une campagne, dans le cadre de la réglementation existante, «couvrir» les hommes et les événements de manière
équitable.
Se pose aussi la
question de savoir comment les différents canaux d’information peuvent-ils
contribuer à une participation électorale plus élevée ?: En ne
comptant ni son temps, ni ses efforts, ni ses sous. Et surtout ne pas tomber
dans les pièges tendus par la politique-spectacle, celle de candidats ou de
candidats à la candidature en posture d'acteurs comme sur une scène de théâtre,
les réalités devant prendre le dessus sur l’émotionnel. Tout cela dans
l’intérêt du pays et de son avenir, et non dans celui des candidats.