Les Marocains font très
peu confiance aux médias de leur pays, notamment ceux ayant un lien direct avec
la monarchie et préfèrent se tourner vers les réseaux sociaux, les chaînes
YouTube animées par des journalistes indépendants ou encore vers des médias
étrangers, constate l'Institut Reuters pour les études de journalisme.
Dans un rapport, l'institut, un think tank relevant
de l'université d'Oxford, créé par la fondation Thomson Reuters, note que les
Marocains préfèrent désormais s'informer sur les réseaux sociaux ou les médias
étrangers qu'ils considèrent comme crédibles, précisant, au passage, que la
Constitution marocaine ne garantit la liberté d'expression qu'en apparence.
Dans les faits, les journalistes critiques à l'égard du Makhzen «font souvent
l'objet de harcèlement ou même de procédures pénales»,
indique le rapport publié par l'institut qui relève l'impossibilité pour les
médias marocains de s'exprimer librement concernant «la monarchie, l'armée, les
services de renseignement ou quoi que ce soit qui ait un lien avec la question
du Sahara occidental». Le rapport cite, dans ce contexte, «un
récent document publié par Reporters sans frontières qui souligne le
manque de garanties juridiques concernant la liberté d'expression, un faible
niveau d'indépendance de la justice et le harcèlement de journalistes
indépendants». Ces journalistes sont souvent détenus de manière prolongée et
arbitraire avant d'être jugés, ajoute le document. «Des
affaires de mœurs montées de toutes pièces ou des accusations d'espionnage
figurent parmi les méthodes employées contre de nombreux journalistes au cours
des cinq dernières années, dont Omar Radi, Taoufik Bouachrine
et SoulaimaneRaissouni»,
rappelle le rapport. Ces affaires ont représenté un «message
fort» adressé aux professionnels marocains des médias. Ceux-ci sont censés
comprendre que «l'Etat ne fera pas preuve d'indulgence
à l'égard des journalistes qu'il considère comme une menace, tout en
encourageant l'autocensure au sein de la profession», déplore l'institut. En
dépit de l'adoption d'un code de la presse en 2016, les autorités marocaines
préfèrent poursuivre les journalistes pour des faits relevant du code pénal et
n'ayant aucun lien avec leurs écrits en tant que journalistes, signalent les
auteurs du document. Par ailleurs, les chiffres révélés par l'institut
témoignent du peu de confiance dont font preuve les Marocains à l'égard des
médias de leur pays. Ainsi, 79% des personnes vivant en zones urbaines
préfèrent s'informer en ligne, selon le rapport. De même que 51% de l'ensemble
des Marocains utilisent Facebook pour suivre l'actualité et alternativement Youtube (50% de la population). «L'usage
massif des réseaux sociaux combiné à un niveau bas de confiance à l'égard des
médias traditionnels a rendu les Marocains vulnérables aux risques de
désinformation», souligne le rapport. Une scène médiatique traditionnelle «fragile» et une politique de muselement
des médias à grande échelle qui ont poussé les Marocains à chercher d'autres
moyens de s'informer en se tournant vers des médias étrangers, mais surtout
vers les réseaux sociaux et les chaînes Youtube
animées par des journalistes libres. Un monde sur lequel les monarchies d'un
autre âge n'ont manifestement pas de prise.