VIE POLITIQUE- FORMATION CONTINUE- EUROPE /ÉLECTIONS EUROPÉENNES
2024/ DÉSINFORMATION
(II/II)
© Léa Deseille /France Télévisions, 7 juin 2024
3/ Le Pacte migratoire, autre cible privilégiée : Voté en avril, le Pacte migratoire est source de tensions et objet d'infox
dans nombre de pays européens. En Lettonie, le média Rebaltica a vérifié les déclarations de plusieurs
politiciens qui avaient assuré que tous les pays européens seraient contraints
d'accueillir 100 000 migrants, sans quoi, ils se verraient imposer une
amende de 2 millions d'euros. Une fake news similaire a été diffusée en
Slovaquie, comme l'a rapporté Euractiv.
La Pologne apparaît comme "l'un
des pays les plus sensibles à la question de l'immigration", selon
l'EDMO. Les infox s'y sont multipliées. Plusieurs internautes ont assuré que le
Premier ministre, Donald Tusk, à la tête d'une coalition de gauche démocrate,
avait voté pour le Pacte migratoire. Le but étant de ternir l'image du chef du
gouvernement auprès de son électorat, alors qu'il a affiché à l'inverse une
ligne de fermeté en matière d'immigration.
D'innombrables fausses informations
circulent à propos de l'immigration. Ces infox présentent les migrants comme
violents ou criminels, comme en Espagne, où des vidéos détournées ont circulé,
rapporte le média espagnol Maldita. Ou diffusent la rumeur d'une Union européenne
prête à autoriser une immigration incontrôlée. En Espagne, Jorge Buxadé Villalba, la tête de
Liste du parti d'extrême droite Vox, a parlé d'une "politique
d'immigration qui a ouvert grand ses portes et nous oblige à vivre retranchés
dans nos maisons". Santiago Abascal,
président du parti, a assuré que Bruxelles avait forcé l'Espagne "à
ouvrir toutes les frontières". Des propos erronés, mais très
relayés. "Les politiques sont parmi les premiers à diffuser de la
désinformation", souligne Vincent Couronne.
4/ Des fake news sur le vote pour "démobiliser les électeurs" :
C'est la grande fake news de la campagne
électorale en Allemagne. Depuis des mois, de nombreuses rumeurs ont circulé sur
le processus électoral outre-Rhin : de multiples publications incitent les
électeurs à inscrire leur nom sur le bulletin pour éviter la fraude électorale,
assurent que le vote par correspondance n'est pas sûr, qu'il est possible de
voter plusieurs fois, ou encore que l'élection est faussée car l'urne non
scellée, énumère le média Correctiv. Toutes fausses, ces allégations ont été
largement partagées dans le pays.
Si bien que la théorie a voyagé jusqu'en
Espagne. Depuis quelques jours, le même type d'informations y circule. Certains
Espagnols assurent qu'il suffit d'inscrire un pourcentage sur son bulletin de
vote pour que le vote soit comptabilisé deux fois. "Ces théories
sont assez classiques et reviennent à chaque élection, note Vincent
Couronne. L'idée est de démobiliser les
électeurs, en laissant penser que l'Union n'est pas démocratique et que voter
n'est donc pas utile."
D'autres allégations vont dans ce sens.
En Italie, Carlo Calenda, sénateur libéral, a assuré
que les Italiens n'avaient pas d'influence à Bruxelles. "Au
Parlement européen, l'Italie est aujourd'hui 25e sur 27 pays en termes
d'influence, et pourtant, nous sommes le troisième pays le plus grand et le
plus puissant en termes économiques." Un chiffre véridique,
mais, selon le média Pagella Politica, cette faible influence est liée à un manque
d'investissement des eurodéputés italiens.
5/Les acteurs politiques de l'UE pris pour cibles : Eurodéputés, Etats, institutions... A en croire les fake news qui
circulent, tous seraient corrompus. Cette idée a été popularisée au sein des
Vingt-Sept. En Slovénie, Ales Hojs, ancien ministre
de l'Intérieur, a affirmé à tort que seuls quatre pays de l'Union disposaient
d'une commission anticorruption. Au Portugal, une image d'Ursula von der Leyen en état d'arrestation a été largement diffusée. Ce
cliché a été généré grâce à l'intelligence artificielle dans le but de nuire à
l'image de la présidente de la Commission.
Ce type d'attaques s'est multiplié dans
l'Union. En Allemagne, en pleine campagne électorale pour les européennes,
plusieurs publications ont affirmé que le gouvernement avait décriminalisé la
pédopornographie. A l'origine de cette fausse nouvelle, une proposition de
modification législative pour "éviter que des personnes
recueillant des preuves – parfois pour dénoncer des pédocriminels –
soient inculpées automatiquement", ce qui est le cas actuellement,
décrypte l'AFP. Ici, le but est d'assimiler le gouvernement allemand à des pédocriminels.
Fin mai, le Parti social-démocrate
allemand (SPD) a été victime d'un détournement. L'une de ses affiches de
campagne pour les européennes a été retouchée. Une manipulation censée faire
croire que la formation politique faisait siens les codes du nazisme, a
rapporté le média Correctiv. A chaque fois ou presque, le même
schéma : "Cette désinformation est créée et diffusée par des
acteurs locaux, mais elle est ensuite reprise par des acteurs malveillants, qui
peuvent être étrangers, pour la rendre virale et nuire aux victimes",
énonce Vincent Couronne.