VIE
POLITIQUE- FORMATION CONTINUE- EUROPE /ÉLECTIONS EUROPÉENNES 2024/ DÉSINFORMATION (I/II)
© Léa Deseille /France Télévisions, 7 juin
2024
De très nombreuses fake news ont été propagées au cours des derniers mois
au sujet de l'Union européenne. Alors que la campagne électorale touche à sa
fin, franceinfo revient sur les principaux angles
d'attaque choisis par les diffuseurs de désinformation.
Les fake news visant l'Union européenne
n'ont jamais été aussi nombreuses que pendant ces deux derniers mois de
campagne électorale. Tel est le constat dressé par l'Observatoire
européen des médias numérique (EDMO),
une plateforme indépendante, qui fédère des dizaines de médias spécialisés dans
la lutte contre la désinformation, ainsi que des universités étudiant le
phénomène. En mai, les fausses informations liées à l'UE ont atteint leur plus
haut niveau depuis le début des mesures réalisées par l'EDMO il y a un an.
Elles ont représenté 15% de la désinformation totale à laquelle se sont
attaquées les rédactions partenaires de l'organisme. Le record établi en avril a
été dépassé.
Cette épidémie de fake news possède ses
caractéristiques propres, selon Vincent Couronne, directeur des
Surligneurs, un média spécialisé dans le fact-checking
juridique. "Les auteurs de désinformation ont compris que les
élections européennes n'intéressaient pas réellement les citoyens, estime-t-il. Alors,
ils se basent sur des événements nationaux et les relient à
l'Union." De quoi nourrir l'idée que les problèmes des Etats sont
liés à l'Union européenne.
Les créateurs et les propagateurs des
thèses trompeuses ont aussi leurs thèmes de prédilection. Ils "s'appuient
sur des fractures européennes pour alimenter leur discours", développe
Vincent Couronne. Ces angles d'attaque apparaissent à la lecture des
comptes-rendus produits par l'EDMO et l'European Fact-Checking
Standard Network (EFCSN), un réseau européen de
rédactions engagées dans la lutte contre la désinformation. Franceinfo
a identifié cinq thèmes récurrents, sans prétendre à l'exhaustivité.
1/Des attaques généralisées contre le Pacte vert : Les fausses informations portant sur le climat, l'environnement et les
politiques écologiques européennes ont représenté à elles seules 6% de
l'ensemble des infox propagées en mai, selon le rapport
d'EDMO publié jeudi 6 juin. Le "Green Deal", Pacte vert européen, est dans leur viseur. En Lettonie circule l'idée que
ce pacte serait inutile, voire dangereux. Le député letton Edmunds Zivtins, classé à droite, est allé jusqu'à
assurer que la diminution du CO2 dans l'air mènerait à la disparition des
arbres sur Terre. "La voie verte que le Parlement européen prône
en ce moment est complètement fausse", a-t-il argué.
Cette déclaration fait partie d'une
longue liste d'affirmations trompeuses sur le Pacte vert européen. Dans plusieurs pays, comme en Espagne, certains ont tenté de
démontrer que les alternatives écologiques aux énergies fossiles étaient
dangereuses. Contredites par le média polonais Demagog, ces allégations avaient déjà été partagées
pendant les manifestations des agriculteurs de
mars dernier. Lors de ce mouvement qui a été suivi
dans nombreux pays membres, plusieurs fake news ont circulé. En Italie,
le média de vérification Facta a "débunké"
des contenus laissant penser que les agriculteurs étaient payés par l'Etat pour
abandonner leurs terres.
Selon un
rapport de l'EFCSN publié en mai, 81,6% des fausses informations sur cette thématique ont été
postées par des politiciens d'extrême droite, lors des manifestations
d'agriculteurs. Selon l'EDMO, ces mouvements ont renforcé l'idée que l'Union
européenne met à mal les politiques agricoles nationales au profit du respect
de l'environnement.
2/ L'UE accusée de multiplier des normes qui font flamber les prix :
Les critiques sur les normes imposées
par l'Union européenne sont elles aussi récurrentes. Elles sont revenues en
force lors de cette campagne électorale. En Pologne, le député Jaroslaw Sellin, du parti d'opposition de droite Droit et Justice, a
faussement affirmé que l'UE produisait "une directive une fois par
semaine et un règlement deux fois par jour, samedi et dimanche compris", comme
l'a rapporté le média Demagog.
Des centaines de normes produites, qui
seraient parfois absurdes. D'autres rumeurs laissent ainsi penser
que Bruxelles souhaite interdire l'air dans l'emballage des chips ou exiger le
même degré de courbure des bananes. En Estonie, le média EestiPaevaleht s'est attaqué à l'idée que l'UE
voudrait introduire l'euro numérique dans le but de surveiller la
population. "L'idée est de discréditer l'Union européenne et ses
institutions", note Vincent Couronne.
En plus d'imposer des normes, l'Union
est accusée de faire gonfler les factures des Européens. Par exemple, en Pologne,
le député de droite Janusz Kowalski, du parti Pologne souveraine, a assuré
que "40 à 50% de la facture d'électricité sont constitués
d'écotaxes européennes". Un calcul faux, selon le média polonais Demagog.
En Bulgarie, la députée de centre droit Pavela Mitova a accusé l'Union
européenne d'être responsable du déclin économique de son pays. "Ce
type de politique [de réduction des émissions dans le cadre du Green
Deal] conduira la Bulgarie à passer du statut d'exportateur net à celui
d'importateur net, et nous le constatons déjà", a-t-elle déploré.
Selon le travail de vérification du site bulgare Factcheck, l'élue se trompe et impute à l'Union la
responsabilité d'une réalité bien plus complexe.