DÉFENSE- ENQUÊTES ET REPORTAGES- ISRAËL/ FOURNISSEURS
D’ARMES 2023 (II/II)
Selon le
rapport annuel de 2023 du ministère des Armées, la France a livré,
entre 2013 et 2022, 207,6 millions d'euros de matériel militaire à l'Etat
hébreu. Paris a également autorisé près de 9 millions d'euros d'exportations
d'armes de catégorie ML4, comprenant des bombes, roquettes, torpilles et autres
missiles, précise Le
Monde.
La France a ratifié le Traité sur le commerce des armes de 2014, qui stipule que les Etats signataires ont interdiction
d'opérer "tout transfert susceptible (…) d'être utilisé pour
commettre des actes de génocide, des crimes contre l'humanité ou des crimes de
guerre". La Cour internationale de justice, saisie par le Nicaragua et l'Afrique du
Sud dans deux procédures distinctes, doit justement se prononcer sur cette accusation de génocide commis dans la
bande de Gaza, contre laquelle Israël se défend avec véhémence.
Fin janvier, le gouvernement français a assuré que Paris "n'exporte pas et n'exportait pas avant le 7 octobre de matériels
létaux susceptibles d'être employés contre des populations civiles dans la
bande de Gaza", mais qu'il vendait des équipements
permettant à Israël d'assurer sa défense. Or, selon une enquête conjointe menée
par les médias Disclose et Marsactu en
mars, "la France a autorisé, fin
octobre 2023, la livraison à Israël d'au moins 100 000 pièces de
cartouches pour des fusils-mitrailleurs susceptibles d'être utilisés contre des
civils à Gaza".
En réponse, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a affirmé que "la licence française qui a été donnée [pour
cette livraison] ne donne pas droit à l'armée israélienne d'utiliser
ces composants", mais autorise seulement la "réexportation" vers
des pays tiers. Le ministre a assuré que d'autres composants français
n'étaient utilisés que "dans des systèmes purement défensifs",
comme le "Dôme de fer".
Depuis 2015, le Royaume-Uni a accordé à Israël des licences d'armes d'une valeur
de plus de 487 millions de livres sterling (près de 570 millions
d'euros), rapporte l'ONG
britannique Campaign Against Arms Trade. Ce montant n'inclut
pas les licences ouvertes, qui permettent aux entreprises d'exporter des
quantités illimitées d'équipement, sans déclaration au préalable. Selon l'ONG,
l'une de ces licences ouvertes concerne les composants de l'avion de combat F35 qu'Israël
utilise actuellement pour bombarder Gaza. La valeur du contrat concernant le
F35 est d'au moins 336 millions de livres sterling (près de
393 millions d'euros) depuis 2016, selon CAAT.
Mais la pression s'est accrue sur le gouvernement britannique pour qu'il
cesse ses exportations, après la mort à Gaza de sept travailleurs humanitaires,
dont trois Britanniques. Les partis d'opposition SNP (les
indépendantistes écossais) et Lib-Dem (les
centristes), ainsi que plusieurs députés du Parti conservateur au pouvoir ont
réclamé une suspension immédiate des transferts. Quelque 600 juristes
britanniques ont fait la même démarche, au nom d'un "risque sérieux de génocide" dans le territoire
palestinien. Interrogé par le quotidien The
Sun, le Premier ministre, Rishi Sunak, a assuré que
les exportations d'armes suivaient "un
processus très rigoureux" avec "une série de règles et procédures que [le Royaume-Uni
allait] toujours respecter".
"Nous n'avons pas de fourniture
d'armes à Israël de la part du gouvernement britannique, nous avons un certain
nombre de licences et je crois que nos exportations en matière de défense vers
Israël représentent nettement moins de 1% de leur total, c'est une grosse
différence", a assuré le ministre des Affaires étrangères David Cameron, jeudi 9 mai . Comme Rishi Sunak, le chef
de la diplomatie britannique a ajouté que les ventes d'armes continueraient à
être soumises à "un processus rigoureux" afin d'éviter
d'être complice de toute violation du droit international.
Le 20 mars, le Canada a déclaré qu'il allait cesser d'envoyer des armes
vers Israël. Selon Ottawa, depuis le 7 octobre, les licences de vente d'armes
accordées par le pays à Israël concernaient uniquement des équipements non
létaux, comme des outils de communication. Et "depuis le 8 janvier, le gouvernement n'a pas approuvé de
nouvelles licences", a affirmé le bureau de la ministre des Affaires
étrangères, Mélanie Joly.
Les licences approuvées avant cette date restent toutefois en vigueur. Le
Canada a ainsi exporté plus de 21 millions de dollars canadiens
(14,4 millions d'euros) de matériel militaire vers Israël en 2022 et
26 millions (17,8 millions d'euros) en 2021, plaçant ainsi Israël parmi
les dix principales destinations des exportations d'armes canadiennes, selon
des données du gouvernement.
En Espagne, depuis le 7 octobre 2023, il n'y a eu aucune vente d'armes à Israël, a
assuré le
gouvernement espagnol. Cependant, en novembre 2023, des
munitions ont été exportées vers Israël pour une valeur de
987 000 euros, rapporte le site d'information El
Diario. Selon le gouvernement, elles correspondent à des contrats passés avant les
attaques du Hamas. En 2023, selon les
données du commerce extérieur espagnol, Madrid a vendu un total de
37,8 tonnes d'armes à Israël, pour une valeur de 1,6 million d'euros.
Aux Pays-Bas, la cour d'appel de La Haye a ordonné au gouvernement néerlandais de
bloquer toutes les exportations de pièces d'avions de combat F-35 vers Israël,
le 12 février, craignant qu'elles ne soient utilisées pour violer le droit
international pendant la guerre à Gaza, rapporte Reuters. Ces composants sont
stockés dans le centre local du constructeur américain Lockheed Martin à Woensdrecht, dans l'ouest du pays. Selon le journal De Standaard, en 2022, plus de 217 millions d'euros de pièces de F-35 avaient été
livrées depuis Woensdrecht à Israël.