Aujourd’hui, des secteurs stratégiques, comme
l’énergie et la pétrochimie, commencent à lâcher du lest, nombre de boîtes
privées
qui se livraient bataille, cherchant chacune à être la plus prompte à y
déployer son influence, sont appelées à «rendre les
armes».
Et
si la discrétion était le secret de la réussite ? En tout cas, c’est la
stratégie pour laquelle aurait, semble-t-il, opté la direction générale de la Société
de gardiennage et de surveillance SGS, entreprise publique dont le tour de
table est contrôlé par les deux groupes industriels Sider
(60%) et Asmidal (40%), pour s’imposer dans un
secteur qui lui était difficilement accessible.
Un
marché qui pèse quelque 5 à 7 milliards de dollars et sur lequel trônait un
puissant «escadron» d’entreprises privées spécialisées
dans la prévention, le gardiennage et la sécurité des personnes et des biens,
le transport et le convoyage tenues, pour certaines, par des pontes de l’ancien
système reconvertis dans le monde des affaires pour monnayer, en toute
discrétion, leurs expériences respectives des arcanes du pouvoir.
Aujourd’hui
que la donne a changé grâce surtout aux décisions du président Abdelmadjid
Tebboune qui a fait de la justice et de la lutte contre les passe-droits son
cheval de batail, le boulevard s’est progressivement ouvert à la SGS, le seul
et unique opérateur public sur le marché national, avec l’obtention de gros
contrats stratégiques dans le domaine énergétique et pétrochimique, notamment,
filières, auparavant, quasi-impossible d’atteindre, chasse gardée des
intouchables.
Amnal,
propriété des six banques publiques (BDL, CNEP, CPA, BNA, BADR et BEA), en
partenariat avec deux compagnies d’assurance (CAAR et CAAT), étant exclusivement dédiée au convoyage de fonds et
la Société de prévention et d’action en sécurité (SPAS), filiale de
Sonelgaz chargée de la sécurisation des infrastructures et des champs du
Groupe.
En
effet, au début de mai, est entré en vigueur le contrat conclu, en février
dernier, avec Asfertrade, filiale du Groupe Asmidal, spécialisée dans la distribution et la
commercialisation, sur le marché national, des engrais issus des usines du
complexe Fertial (Annaba/Arzew). Devrait, à cet
effet, être amendés et complétés, dans les tous prochains jours, les textes de
loi régissant l’escorte et le convoyage des produits hautement sensibles.
Economiquement
pénalisante, la contrainte d’acheminement (organisations des escortes et limitations
des rotations et donc des quantités transportées) des engrais et autres
intrants et produits chimiques dangereux depuis les usines de production vers
les dépôts et points de vente constituait un goulot d’étranglement dans la voie
logistique.
La
SGS et le bataillon
Tout en considérant légitime que le convoyage et
l’escorte des produits dits sensibles, car fabriqués à base d’explosifs, soient
du ressort exclusif des autorités militaires et policières, «cette activité,
peut être ouverte à d’autres intervenants publics, comme la SGS, qui a acquis,
au fil du temps, le savoir-faire, l’expertise et l’expérience», estime Karim
Manta, le DG de la SGS, société qui se débattait seule, des années durant,
contre un «bataillon» de plus de 200 prestataires privés, les plus sollicitée
et privilégiés étant la société de gardiennage que détenait, dans une
discrétion absolue, un ancien chef du gouvernement en association avec un
militaire de haut rang à la retraite, forte d’au moins 50 000 agents, celle des
frères Kouninef, alors présente sur plusieurs sites
pétroliers et champs gaziers de la compagnie Sonatrach.
«La
loi encadrant le convoyage et l’escorte des produits sensibles et dangereux
devrait être modifiée et complétée incessamment. Seront ainsi spécifiés les produits
qui seront transportés sous escorte, que ce soit par des intervenants civiles
ou par les services de la police et Gendarmerie nationales.
La
SGS dispose de tous les moyens logistiques, matériels et humains pour assurer
l’escorte des produits de Fertial vers tous les
dépôts d’Asfertrade, d’une capacité de stockage de 20
000 tonnes d’engrais ainsi que vers ses unités
de commercialisation ; Annaba et El Khroub-Constantine
à l’Est, Gué de Constantine-Alger, Bouira et Ain Defla, au Centre, Petit lac et
Es Sénia-Oran à l’Ouest et enfin Biskra au Sud. C’est
pour vous dire le caractère stratégique du contrat que nous avons réussi à
décrocher dans le pétrochimique», assure M. Manta.
La
liste des produits sensibles - teneur en azote dépassant les 7% - étant, faut-il
le souligner, clairement définie par la loi. Elle comprend une trentaine de
produits, dont le transport, le convoyage et l’escorte sont soumis aux visas
des ministères de la Défense nationale, de l’Intérieur et des Collectivités
locales ainsi que celui de l’Energie et des Mines, tel que prévu dans l’article
20 du décret exécutif 03-452 du 1er décembre 2003, modifiant et complétant le
décret exécutif 97-41 du18 janvier 1997. Est stipulé dans cet article, fixant
les conditions particulières relatives au transport routier de matières
dangereuses, que «(...)
Dans
le cadre de la réglementation relative au transport des matières dangereuses,
le transport de certaines matières et produits chimiques dangereux, soumis au
régime de l’escorte, est effectué par les opérateurs spécialisés dûment agréés
à cet effet». Et «pour
certaines matières et produits et au vu des circonstances particulières
locales, y est-il encore ordonné, l’escorte est exclusivement assurée par les
services de sécurité de l’Etat dûment requis par le wali. Le régime et le type
d’escorte sont spécifiés sur l’autorisation de transport»,
y est-il précisé.
Autres
contrats, autres enjeux
Avec l’Entreprise d’exploitation des mines d’or
(ENOR), la SGS qui a décroché, non sans peine, en novembre 2023, son premier
contrat pour assurer le gardiennage et la sécurité au niveau des deux comptoirs
d’exploitation d’or brut ; Inflahflah (Djanet)
et Amesmessa (Tamanrasset), s’apprête, toujours selon
M. Manta, à signer un autre contrat pour la sécurisation de deux sites
similaires à Adrar et Tindouf.
Pas
que : dans la fort juteuse et stratégique filière énergétique, le
favoritisme, le copinage et la corruption longtemps appliqués dans l’octroi de
contrats au profit des puissants prestataires privés ne seraient plus de mise.
En
effet, la compagnie Sonatrach auparavant, curieusement étanche aux offres de
services de la SGS, malgré une ancienneté et expérience avérée dans le domaine
(créée en 1995 dans la foulée du décret n°93-16 du 4 décembre 1993 fixant les
conditions d’exercice des activités de gardiennage, de transport de fonds et de
produits sensibles), est en négociation avec cette dernière pour assurer la
protection et la sécurisation de grands sites pétroliers et champs
gaziers : «Sonatrach s’intéresse de plus en plus à notre société.
Les
choses ne sont plus ce qu’elles étaient. Nous sommes en pourparlers avec la
compagnie pour la signature de contrats importants»,
se réjouit le DG de la SGS laquelle société, faut-il le rappeler, doit sa
survie aux contrats la liant aux filiales du Groupe Imetal ;
Sider El Hadjar, Groupe Sider avec tous ses points de vente, AQS Bellara, à Batimetal, Anabib, l’Entreprise portuaire de Annaba (EPAN), Mobilis
(une seule région) et Algérie-Poste.
Efficacité
des «portes tambour»
Mieux encore : A en croire notre interlocuteur,
d’autres projets de contrats et conventions, également en négociation, sont
susceptibles de pourvoir le marché du travail de centaines, voire de milliers
de postes d’emploi - SGS compte actuellement 4200 agents - d’améliorer sensiblement
la part de marché et le chiffre d’affaires de la société qui a enregistré un
record inédit, plus de 2,3 milliards de dinars en 2023 et de substantiels
bénéfices pour la neuvième année consécutive, toujours selon M. Manta.
Des
engagements fermes auraient ainsi été pris à hauts niveaux, pour associer la
SGS à la sécurisation de plusieurs sites et infrastructures liés au Projet
Phosphate Intégré (PPI). D’autant que sont concernées par ce mégaprojet
plusieurs régions de l’est du pays ; développement et exploitation du
gisement de phosphates de Bled El Hadba, Djebel Onk (wilaya de Tébessa),
transformation chimique des phosphates à Oued Kébérit
(Souk Ahras), fabrication des engrais à Hadjar Soud(Skikda), ainsi que des installations portuaires dédiées à
Annaba).