COMMUNICATION- OPINIONS ET POINTS DE VUE- PRESSE/AIDE DE L’ETAT
Ahmed Rehani /La Nouvelle République, 5 mai 2024
Presse écrite : des mesures
positives, mais encore…
C’est en présence du président de la
République, lors de la cérémonie, désormais consacrée, de la Journée
internationale de la liberté de la presse, au Centre International des
Conférences, Abdellatif-Rahal, que le ministre de la Communication a fait de son
allocution, à cette occasion, le lieu d’annonce de mesures, dont il est attendu
un renflouement économique et financier des métiers de la presse.C’est
ainsi que le ministre de la Communication, M. Mohamed Laâgab
a abordé la question du regroupement des imprimeries, projet qui est sur le
point d’être finalisé dès l’obtention de l’accord du Conseil des Participations
de l’Etat, et qui porte, dans ses replis, la perspective de sauvetage de ce
secteur d’activité qui a pâti, de façon incommensurable, de la baisse
vertigineuse des niveaux de tirage de la presse quotidienne, en particulier, et
de la presse papier, toutes catégories confondues, en général.
Autre question sur laquelle les espérances de la corporation de la presse –
autre catégorie en attente de sauvetage – la lancinante question du fonds
d’aide, longtemps en souffrance en attente d’un texte d’application, dont le
ministre a annoncé qu’il était fin prêt dans sa version mature, mais qu’il a
été soumis à l’appréciation à quelques doyens de la presse pour enrichissement.
Le ministre a tenu à préciser, concernant l’alimentation du fonds d’aide
destiné à la presse, qu’il n’était plus question qu’il ait pour source unique
les fonds publics, et qu’il fallait dès lors imaginer d’autres formules
financières, d’autres possibilités qui permettent d’alimenter cette caisse en
complément du trésor public.
Une manière, pour le ministre, qui interpellait la corporation sur cette
question, de faire un appel à proposition et de pointer du doigt le caractère
ouvert de cette question qui attend, pour être prise en charge, les
propositions des plus avertis.
Le temps d’une allocution, le ministre a touché, à ce propos, toute la détresse
de deux corporations, dont son département assure la tutelle, celle des
imprimeurs et celle de la presse, concernées toutes deux par des mesures
censées les préserver de la disparition.
Toutefois, concernant les imprimeurs, pour lesquels on envisage un nouveau
départ, elles devront aller vers plus de diversification, ne se limitant plus
au seul tirage de journaux, allant vers le livre, le carton et les boîtes de
médicaments. Une expérience, est-il dit, que la SIA a essayée de faire, lui
valant, pour le coup, une amélioration sensible de sa situation financière.
Cependant, une telle mesure, déjà préconisée par l’ensemble des acteurs de la
profession, n’aura réellement de résultats probants en matière de viabilisation
financière de ces entités, que si elle est effectivement suivie d’une mesure
encore plus courageuse et plus audacieuse, consistant dans l’effacement des
dettes de l’ensemble des cinq imprimeries, principalement vis-à-vis de leur
plus grand créancier. Autrement que cela, le regroupement des imprimeurs peut
être, dès aujourd’hui, considéré comme mort-né.
Concernant la presse, il est évident que la dotation du Trésor public ne
suffira pas à répondre à toutes les attentes et, partant, s’impose la nécessité
de trouver d’autres ressources. Pourquoi, alors, ne pas mettre à contribution
les opérateurs de téléphonie mobile publics et privés, en créant une application
mobile pour l’ensemble des titres de la presse nationale. Une initiative qui
aura vocation de créer un certain flux et donc aussi de la valeur avec un
impact conséquent en matière de rentrées financières, dont le prélèvement d’un
taux minime au bénéfice du Fonds d’aide à la presse serait le bienvenu.
Ce fonds doit aller directement à l’entreprise de presse et non plus seulement
à la formation ou aux revues spécialisées, car c’est fondamentalement la presse
quotidienne qui continue d’être une source d’emploi renouvelable pour les
milliers de diplômés qui sortent chaque année des dizaines d’instituts et
facultés de journalisme et de communication implantés un peu partout dans le
pays.
Le fonds pourra ainsi être exploité pour soutenir certains chapitres budgétaires
tels que le coût de l’impression, le paiement de l’internet, une partie du prix
du loyer à la maison de la presse, etc. De toutes les façons, les propositions,
à ce titre, ne manquant pas.
Le fonds d’aide étant ce qu’il est, avec ce qu’il devra être et ce qui devra le
constituer, n’est qu’une partie de la solution, la problématique financière de
la presse étant plus complexe, comportant des aspects liés à la fiscalité, à la
double cotisation de la CNAS, à la distribution et la disparition des invendus
dont elle procède par la force des choses.
Il n’est plus possible pour la presse de continuer à fonctionner avec les mêmes
dispositions fiscales, lourdement pénalisantes pour la corporation,
malencontreusement intégrée, impôts et TVA confondus, dans la sphère
commerciale, alors que l’entreprise médiatique est une aventure journalistique,
intellectuelle, culturelle et, surtout, patriotique. En guise de valeur à
recueillir à l’arrivée pour l’ensemble des acteurs de la presse, il n’y a que
de la gloire.
Il est temps de réfléchir à une fiscalité plus appropriée qui prenne en compte
les spécificités de la profession et celles de sa pratique entrepreneuriale,
qui englobe l’ensemble des entreprises du secteur.
Le temps aussi de considérer comme injuste et indue la double cotisation à la
sécurité sociale qui ne profite pas aux pigistes de la presse dans le calcul de
leur retraite et qui n’est reversée à personne, constituant une charge morte
pour le secteur.
Enfin, le problème des regroupeurs, qui n’est pas des
moindres, est la cause de déboires avec les services des impôts, car le
non-retour des invendus, du fait de la désorganisation de cette activité
retombée aux mains de l’informel, rend impossible toute justification auprès
des agents fiscaux et fausse les perceptions quant à la situation de méventes
absolues des journaux, donnant à voir, au contraire, une raison de payer plus
d’impôts et, pourquoi pas, d’augmenter les tirages ? Pour parer à cela, une
entité de distribution identifiée et fiable est à créer. A vrai dire, et bien
qu’on ne puisse que se réjouir de mesures qui nous font avancer, il y a lieu
d’espérer que les pas qui restent à franchir pour parachever le processus de
sauvetage des imprimeurs et de la presse le soient. La survie de tous ces
acteurs est à ce prix.