CULTURE- MUSIQUE- ZIRYAB
La figure du musicien Ziryab est
l’une des plus marquantes de toute l’histoire de l’Espagne musulmane
(al-Andalous). Ce personnage, haut en couleur, incarne, en effet, le faste de
la cour des Omeyyades de Cordoue (756-1031). Né vers 790, en Irak, Abou al-Hasan
Ali ibn Nafi, surnommé Ziryab («le
merle»), apprit la musique auprès des plus grands maîtres. Il y excellait tant,
qu’à Bagdad on l’introduisit auprès de Harun
al-Rashid (786-809). Àcette époque, les Abbassides
régnaient sur le monde arabomusulman, avec à leur
tête le calife Harun al-Rashid, certainement l’un des
califes abbassides les plus connus et les plus intéressés par la science et les
arts. Le musicien du calife, Ishaq al-Mawsili (Ishaq
de Mossoul, ville en Irak) jouissait d’une grande réputation. Et c’est sous son
aile que le jeune Ziryab apprit la musique. Un jour, convoqué au palais du calife,
on lui demanda de chanter une chanson. Il accepta, à condition d’utiliser son
propre luth, son instrument de prédilection. Le calife l’autorisa et Ziryab
montra tout ce dont il était capable. Le calife tomba sous le charme et voulut
contribuer à son apprentissage. Fou de rage, Ishaq aurait par la suite menacé
son élève, par peur qu’il lui vole sa place auprès du calife : il aurait exigé
son départ loin de Bagdad en lui proposant de l’argent. Ziryab prit l’argent et
se mit en route, sans se douter que cette décision allait avoir une influence
sur son destin. Il réapparut quelques années plus tard, en Tunisie, d’où il
finit par prendre la direction d’al-Andalous. Abd
al-Rahman II (822-852), tout juste monté sur le trône de Cordoue, l’y reçut
princièrement. Il fut traité avec la plus haute considération jusqu’à sa mort,
en 857. Grand lettré, Ziryab se distingua à la cour des Omeyyades comme un
musicien hors pair : le chroniqueur Ibn Hayyan (XIe
siècle) le décrit comme «le meilleur et le plus
merveilleux chanteur d’al-Andalous». On attribue à Ziryab la fondation, à
Cordoue, d’une école où lui et ses fils enseignèrent une musique originale,
mâtinant les codes de la musique irakienne d’innovations diverses, rythmiques,
mélodiques et textuelles Plusieurs avancées techniques (ajout d’une cinquième
corde au luth, emploi d’un plectre en plume d’aigle...) sont également mises à
son crédit. Apportant avec lui une partie du raffinement de la prestigieuse
cour de Bagdad, Ziryab devint l’arbitre des élégances de l’Espagne omeyyade. Il
était un grand esprit : poète, musicien, chanteur, cosmétologue, styliste,
célébrité, lanceur de tendance, stratège, astronome, botaniste, géographe !
Deux de ses trouvailles subsistent dans notre société. Il a, en effet,
introduit l’idée du repas trois services (soupe, plat principal et dessert),
ainsi que l’utilisation du cristal pour fabriquer des verres (auparavant, les
verres étaient faits en métal). De plus, il est à l’origine de nombreux
changements. Les changements sociétaux qui se sont opérés sous l’influence de
Ziryab sont considérables. Il est le promoteur d’une série de pratiques
nouvelles touchant à la manière de se farder, de s’épiler, de se coiffer, de
s’habiller. Il a, en effet, lancé de nombreuses tendances comme celles des cheveux
courts et de la barbe rasée pour les hommes et de s’habiller en fonction des
saisons. On dit également qu’il aurait créé un dentifrice à bon goût, ce qui a
permis de développer l’hygiène dans sa région, ainsi qu’un déodorant. Il était
connu pour préconiser la baignade deux fois par jour, par souci d’hygiène.