SANTE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI MUSTAPHA MAAOUI- « HISTOIRES DE LA CHIRURGIE.... »
Histoires
de la chirurgie.Jeux de
mains, jeux de mots. Essai de Mustapha Maaoui. Casbah Editions, Alger 2023, 156 pages, 800 dinars
Voilà un livre qui, au départ, se propose de
résumer l’histoire de la chirurgie, de la Préhistoire à nos jours en se basant
tout particulièrement sur l’histoire parallèle de la main. Un rapprochement
pas si évident que ça. Et pourtant, car au fil du cheminement on va passer du
palpable au virtuel. A travers un long, très long itinéraire empruntant des trajets aussi complexes et
compliqués que ceux des conquêtes, des migrations, de la propagation des
civilisations, des religions, des épidémies, des accidents domestiques ou de
chasse, des douleurs à surmonter...... Avant toutes les prestations
, nous précise l‘auteur, il y avait eu la première d’entre-elles, d’un
point de vue aussi bien chronologique qu’émotionnel, celle qui donne la
vie : l’aide à l’accouchement. La suite est un long fleuve pas tranquille
du tout. Avec ses audaces et ses posibliités d’aller
plus en profondeur en matière d’explorations et de gestes opératoires. Avec ses
progrès techniques . Avec ses facteurs limitants.
L’auteur , en médecin spécialisé et chirugien au long cours,
n’a pas perdu de vue, tout au long de son ouvrage, l’outil premier et
essentiel de l’œuvre chirurgicale. La main (et le cerveau qui la guide) , bien sûr ! Ce qui d’ailleurs l’amènera à se poser , à juste titre la question de savoir si la chirurgie est une science ..... ou un art. On aura
donc à lire tout un chapitre consacré à la place de la chirurgie dans la médecine, dans la
société et dans les arts, en littérature, dans les arts plastiques et ...au
cinéma. Et à la télé.
Autre chapitre émouvant, celui
consacré à quelques grandes figures de la
chirurgie nationale aujourd’hui
disparus ....le tout accompagné de détails pittoresques piquants et
parfois même insolites, ce qui les rend encore plus proches de nous .
Et pour clore la réflexion, une
interrogation légitime sur l’évolution de la chirurgie, « art à la croisée
de plusieurs sciences » , passant du stade
artisanal avec usage de la main pratiquée en un lieu fixe au stade futuriste
avec la robotique, le numérique, la palpation vrirtuelle
et les interventions à distance. La fin de la main.....chaude
et compréhensive ? Une autre chirurgie.... plus
froide ? Le débat est à ouvrir.
L’Auteur : Né en août 1946 à Batna. Médecin, professeur de chirurgie (Alger). Etudes
de médecine , entamées au milieu des années 60 à
l’Université d’Alger. Chirurgien « nomade » pérégrinant dans des
spécialités variées sous la houlette de plusieurs grands patrons. A vécu des
périodes charnières majeures
Sommaire : Préambule/ La main dans tous les
sens et dans tous ses états/ La naissance de la médecine et de la chirurgie/ La
chirurgie est-elle un art ou une science ?/Quand la réalité rejoint la
fiction ou la vraie vie/ Histoires de chirurgie en Algérie durant la colonisation/
Quatre histoires dans l’Algérie postindépendante/
Deux histoires sous les feux de l’actualité/ Y a -t-il un pouvoir
chirurgical ?/In memoriam : Pr Roche,Pr Touchène,Pr Bekada Hadj Belmhel,Pr Djilali, Yahia Guidoum,
J-P Grangaud, Pr M. Hassani / Ad
Vitam : Postfaces du Pr M. Zitouni et du Pr O. Aktouf/Références bibliographiques.
Extraits :
« En tournée en
Algérie dans les années soixante, le mime Marceau avait affirmé qu’en visitant
un marché d’Oran, il avait compris toutes les discussions animées qui se
tenaient autour de lui » (p20), « L’Histoire est émaillée de guerres
suivies d’épidémies, toutes deux grandes pourvoyeuses de morts.Le
secondes étant souvent plus mortelles que les premières.Entre
la germe ou le virus et la mitraille, la part belle revient régulièrement aux
pathologies infectieuses » (p 68), (Durant la colonisation)il n’y avait
pratiquement aucun chirurgien algérien, car la carrière était conditionnée par
un parcours hospitalo-universitaire qui était une chasse gardée des Européens
.Les deux domaines qui attiraient les indigènes étaient le droit et la
médecine, mais s’ils pouvaient s’y
inscrire, ils étaient canalisés inexorablement vers une pratique médicale de
campagne ou vers un métier de plaideur de petites chicaneries, désignés alors
par le vocable réducteur de toubib pour le carabin ou d’oukil
pour le clerc de la basoche « (p91), « Un chirurgien doit s’en tenir
aux fondamentaux, sans perdre de vue les nécessaires progrès que l’on se doit
de maîtriser tout en évitant d’en être l’esclave » (p117), « Si les
progrès technologiques sont inéluctables et représentent , bien sûr, un bienfait pour l’humanité quand ils
sont maîtrisés, ils risquent dans le cas contraire de se transformer en un
cauchemar « (p 123)
Avis :
Un essai (mais pas
que !) qui démarre assez fort. Du détail, de la précision, de la concision, ....et des pointes d’humour qui rendent légères
la lecture et la compréhensionçd’une discipline
réputée austère. L’art de raconter....l’art
d’écrire....et quelques « révélations historiques ». Un chirurgien artiste.....on aura tout vu !
Citations : « En amour, c’est
comme au poker : si on n’a pas un bon partenaire , il est très utile d’avoir
une bonne main » (p 21), « Le pouce est ainsi un signe de pouvoir,
mais pas toujours, il peut être l’objet
d’une certaine impuissance chez quelqu’un qui se roule les pouces, l’un
s’enroulant autour de l’autre, manifestant un état d’inaction, de nervosité ou
d ’ennui » (pp 25-26), « La chirurgie est l’œuvre de la
main : c’est une définition en partie vraie, mais incomplète.La
main est guidée par le cerveau qui lui
dicte les gestes à réaliser.Elle est tempérée par le
cœur pour ne pas faire n’importe quoi. » (p 31), « On a souvent posé
la question de savoir si la médecine (ou la chirurgie) était un art ou une
science, et la réponse satisfaisante ne semble pas avoir encore été
trouvée » (p31), « Les périodes dans lesquelles il y a le plus
d’illuminés sont celles où il y a le
moins de gens éclairés » (p46), « On peut avancer que la médecine est
un art fait de rigueur et une science
remplie d’incertitudes » (p 67), « Dans l’enceinte sacrée de
l’Olympe, le pouvoir suprême revient sans conteste à Jupiter. Avec le nouveaux
régisseurs de la Pensée, on n’a plus affaire qu’à des Procustes »
(p 68), « On peut devenir chirurgien, on naît artiste
» ( Henri Bergson. Discours à la réception de l’Académie française
le 24 janvier 1918,
cité p 80)
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