COMMUNICATION- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- RÉCIT
HOURIA AIT KACI- « MÉMOIRES D’UNE JOURNALISTE MILITANTE DU PAGS..... »
Mémoires d’une journaliste
militante du Pags. Pages d’un combat pour la
liberté. Récit de
Houria Ait Kaci.Les Presses du Chélif, Chlef, 2023, 236 pages, 1 000 dinars
Elle a commencé
en 1978 et l’aventure continue encore.Celle du
journalisme. Sans jamais baisser les bras ou abandonner sa plume.Il est vrai que débuter le métier dans un
organe de presse d’une organisation syndicale, en l’occurrence
« Révolution et Travail » (Ugta)
était formateur en journalisme engagé (ou militant) , mais aussi en bonne
connaissance des terrains sociaux et politiques. Durant presque toute une
décennie. Par la suite,grâce
à cette expérience, le passage à l’Aps, Agence
de presse publique, allait s’avérer peut-être plus aisé. Peut-être ? Car
les évolutions politiques et sociales et les manœuvres politiciennes survenues
à partir du milieu des années 80 ne rendaient
pas facile l’ exercice du métier. Encore une autre décennie d’exercice.Ceci avant de tenter l’aventure médiatique
indépendante (privée ?) avec ses hauts et ses bas, des bas plus que des
hauts, tout particulièrement ceux matériels et financiers ....en plus , durant
la décennie noire, du danger terroriste.
Quarante années d’expérience ne
pouvait aboutir, inéluctablement ,(et c’est tout le
« mal » que l’on souhaite aux journalistes qui en ont « vu
de toutes les couleurs et horreurs » et qui devraient les raconter)
à la production de mémoires.
On a donc le récit d’une
« enfance dans la guerre » vécue , en
Kabylie natale, par une fille de chahid.....les
manifestations historiques du 5 juillet 1962 et les jours suivants..... les
douloureuses épreuves vécues par les proches de chouhada
sans sépulture, dont celle de ne pouvoir se recueillir sur les tombes .
Son père, Boussad Aït Kaci, tué le 21 mai 1957, lors
d’un accrochage avec l’ennemi, est resté sans sépulture, tout comme ses 19
compagnons tombés ce jour-là. Enterrés dans une fosse commune, ce n’est que
cinquante ans après l’indépendance, le 5 juillet 2013, raconte-t-elle, que
leurs dépouilles ont été réinhumées au Carré des Martyrs du cimetière avec une
stèle commémorative, au cours d’une cérémonie officielle......les études à
l’Université et la découverte du marxisme..... l’adhésion
au Pags en pleine clandestinité (pseudo :
« Fatima ») ......la découverte du monde ouvrier , du pays profond et
des résistants historiques oubliés......la « déboumediénisation »
.......le 5 octobre 1988 , le Mja, la censure et la
répression.....le terrorisme islamiste......l’assassinat de Boudiaf.....et ,
bien sûr, les 20 ans de Bouteflika à El Mouradia, et
les milliards de dollars détournés par les oligarques .
Tout cela racontée (plutôt
décrit avec minutie et conviction ) avec, toujours, sa
foi en un système alternatif au capitalisme mondialisé , un système qui soit
plus humain, plus juste, plus égalitaire et débarrassé de l’exploitation et de
l’oppression. Socialisme ? Social-écologie ? Eco-socialisme ?
Social-solidaire ? Peu importe, l’essentiel
étant l’intérêt des nouvelles générations et de la souveraineté nationale
Des précisions
personnelles, ayant été Dg de l’Aps d’octobre 85 à
début mai 90 :
Concernant la « descente en flammes » de Kasdi
Merbah (p 115) , je n’ai
jamais assisté à une « réunion » à la Présidence évoquée
organisant la « chose » (ou même reçu un coup de téléphone)
...et le seul article paru à l’Aps , écrit en
dehors des locaux par ????? (si mes souvenirs
sont bons) a été diffusé à mon insu.Concernant
l’agrément du Fis (p 119) .....et du Rcd, je crois
savoir que cela a été beaucoup plus le fait de deux hauts responsables -non
militaires- influents.Quant à la couverture des
événements d’octobre, je ne me souviens d’aucune réunion au
ministère de la Communication pour l’interdire. L’Aps
avait d’ailleurs assuré une couverture en étant, bien entendu,
assez prudente dans le traitement des faits et encore plus dans ses
commentaires. Il y avait de quoi !
L’Auteure : Née le 15 avril 1952 à Ait Saada (Tassafat Ouguemoun/ Tizi Ouzou).
Licence en sciences politiques et de l’information (1978). Journaliste à
« Révolution et Travail » puis à l’ « Aps » puis à la tête de l’ « Agence
Algérienne d’information » (1996-2007) puis correspondante de
plusieurs titres de presse étrangers (« Lusa »et
« Expresso » (Portugal) / « Dpa »
(Allemagne).....
Extraits : « Bien que la guerre (ndlr :
de libération nationale) soit terminée, les traumatismes ne le sont pas encore.Les conflits violents
causent des traumatismes qui ne guérissent pas chez les personnes qui en ont
souffert (....). L’individu est un tout, un corps, une âme » (p 30),
« L’implosion du Pags s’est déroulée au moment
où le libéralisme, couplé à l’islamisme, a mis fin à l’option socialiste et
fait entrer l’Algérie dans une éère de violence
meurtrière » (p 67), « Qui avait intérêt à l'élimination de
Boumediene et l’avait « aidé à rejoindre l’au-delà ?» (p 78), « Après le 5 octobre, Chadli a ouvert les portes
non seulement au libéralisme sauvage de l’import-import, mais aussi à un
multipartisme débridé... » (p 131), « La politisation excessive du
mouvement (ndlr : Mja) finit par
provoquer sa fissure car tout le monde n’avait pas les mêmes idées et ne
partageait pas les mêmes positions politiques « (p 161), « La guerre
menée contre le peuple algérien durant une décennie a fait plus de 200 000
victimes » (p193)
Avis :Un livre qui nous réconcilie avec l’écriture (journalistique)
accessible, c’est-à-dire claire, précise et concise. ....,
celle que j’aime, et avec un récit mémoriel franc et direct.....celui que l’on
attend de mémoires . Digne d’une journaliste confirmée.....
et d’une militante engagée. Tant mieux !Un livre qui ne plaira peut-être pas à beaucoup. Tant
pis !
Citations : « Le journalisme n’étant pas une science
exacte, le regard porté sur ces moments qui ont jalonné différentes étapes de
notre pays reste forcément subjectif, personnel (.....).
Le journaliste est placé à un poste d’observation qui lui permet de suivre et
de comprendre les événements qui secouent la société, ses crises, ses blocages,
ses ruptures, ses révolutions et contre-révolutions » (p 5),
« L’armée française n'a rien à envier à celle d’Hitler par ses massacres,
ses tortures, ses bombes au napalm et, pour finir, ses essais nucléaires à Reggane, au Sahara...Malgré toutes ces abominations,
certains osent parler de « mission civilisatrice » de cette armée
coloniale » (p 31), « Les crimes d’Etat ne se pardonnent
pas » (p 35), « Le pays berbère ne se limitait pas seulement à
la Kabylie, les racines des Algériens sont bien berbères ! » (p93), « A l’Aps, il y avait
les moyens mais pas la liberté d’information ; à l’Aai,
nous avions la liberté d’information mais nous manquions terriblement de
moyens ! » (p 165), « Dans un contexte de crise ou de
guerre, la rumeur va plus vite que l’information car les sources officielles
communiquent très peu au moment de l’événement quand elles n’imposent pas le
black-out total » (p 182), « Entre l’observation par un témoin d’un
événement à un moment donné et celui où l’information parvient au journaliste,
la situation peut évoluer rapidement, surtout dans les cas de
crise » (p 184), « Bouteflika n’aimait pas la presse de
son pays.....Il traitait les journalistes algériens de « teyabat el hammam » (masseuses de bain maure) »
(p 195) , « J’avais l’impression que Bouteflika parlait et agissait
comme quelqu’un d’étranger à son peuple......Je me suis toujours demandé
pourquoi, s’il détestait à ce point ses compatriotes, avait-il accepté de
devenir leur Président ? » (p2 19)