ECONOMIE- OPINIONS ET POINTS DE VUE- ALGERIE/
DÉCLARATIONS
FMI, DEC 2024
© Reghis Rabah , Économiste
pétrolier/ El Watan, début déc
2024
Dans le cadre des consultations d’usage au titre de
l’article IV, l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) a terminé sa
mission, qui a débuté le 3 décembre, le 14 décembre 2023. Cette équipe dirigée
par Chris Geiregat a fait des déclarations qu’elle
qualifie de préliminaires. Les opinions qui y sont contenues
«sont celles des services du FMI et ne sont pas nécessairement celles de
son conseil d’administration».
Probablement,
cet organe suprême du FMI dispose d’autres sources qui peuvent ajuster ces conclusions
préliminaires qui feront l’objet d’appréciation de leur direction avant de les
porter au niveau du conseil d’administration pour une décision finale.
Cette
équipe constate un effort appréciable du rééquilibrage progressif qui pourrait «préserver» la vigueur des finances mais risque de ne pas
absorber les chocs externes. Elle revient comme à chacun de ses
passage prônant la flottabilité du taux de change pour le soumettre à
l’offre et la demande. S’agissant d’une économie tout au début de sa compétitivité,
cette flexibilité l’obligerait comme d’habitude à la dévaluation de sa monnaie
pour rééquilibrer son budget.
Il
se trouve que l’économie algérienne à chaque fois qu’elle dévalue sa monnaie,
s’écarte plus du taux de change parallèle devenu un vrai casse-tête pour les
décideurs.
La
conjoncture immédiate est en bonne voie mais pourrait être perturbée par une
inflation assez élevée. Quant à celle sur le moyen et le long terme, elle reste «tributaire» des réformes en cours dont la plus importante
est celle qui vise la diversification de l’économie qui se confirme d’année en
année. L’encouragement à une croissance «inclusive»
dans laquelle le secteur privé devra contribuer et favorise la création
d’emplois. Pour l’équipe, la fermeté de l’inflation, l’instabilité des prix des
hydrocarbures et les aléas climatiques «constituent un
risque majeur» pour le maintien du cap de ses efforts gigantesques.
1-
Une croissance de 4,2% tirée principalement par les hydrocarbures
L’équipe
semble, selon les déclarations du conférencier, constater avec satisfaction les
efforts du programme gouvernemental pour d’abord assainir le climat des
affaires, et les dernières sorties du président de la République pour
encourager les investisseurs et les rassurer du soutien de l’Etat. Une nouvelle
orientation stratégique en cohérence avec les contraintes particulières de
l’Algérie. Quelles sont ces contraintes ?
D’abord,
tout porte à croire que la nouvelle loi sur les hydrocarbures n’a pas drainé
assez d’investisseurs pour explorer les zones vierges, mais semble plutôt intéressée par les gisements existants pour moins de
risque. Ces zones vierges, toute forme confondue des hydrocarbures, à savoir
conventionnels, Tight et carrément les
non-conventionnels ainsi explorées, auraient pu étoffer le domaine minier en
augmentant les réserves.
Ce
domaine est sous-exploré et n’est exploité qu’à 40% de sa superficie réévaluée
à plus 1 750 000 km2. Pour Alnaft,
«ces chiffres témoignent de la diversité d’opportunités présentes et de l’ampleur
des investissements à considérer dans les perspectives d’une valorisation
optimale des ressources existantes».
Tenant
compte de l’importance des recettes des hydrocarbures pour financer le circuit
économique et social, le pays vise à augmenter les exportations du gaz à 100
milliards de mètres cubes. La deuxième contrainte est la consommation interne
des produits pétroliers qui augmente à un rythme effréné selon les chiffres
révélés par l’Agence de régulation des hydrocarbures (ARH). Ainsi, selon son
responsable au premier semestre 2023, le taux de croissance de cette
consommation a frôlé les 6,7% avec 8,69 millions de tonnes consommées qu’elle
impute «à la dynamique économique que connaît le
pays».
Cette
augmentation effrénée de la consommation interne ponctue le volume des
exportations qui sert non seulement à l’accompagnement de la transition
énergétique mais aussi à l’augmentation de la production des produits hors
hydrocarbures pour parer cette forte dépendance de l’économie nationale des
hydrocarbures.
La
troisième contrainte serait le déclin naturel des gisements matures. Trop
préoccupé à étoffer un domaine aussi vaste que celui minier, on a peut-être
délaissé nos gisements existants, que maintenant, c’est une opportunité de les
reprendre, les entretenir et augmenter leur taux de récupération en
encourageant les investisseurs étrangers fortement intéressés. Ces trois
contraintes ont été sur orientation du président de la République mises en
équation pour repousser le 5e appel d’offres et «opter
pour une multiplication des partenariats pour l’intensification de
l’exploration, afin de découvrir de nouveaux gisements et pour l’optimisation
de certains champs de Sonatrach, appelés champs matures (des champs en
fin de vie), en déclin».
Selon
toute vraisemblance, il favorise le contact direct avec les grandes compagnies
que d’attendre les résultats d’un appel d’offres. On annonce que «Sonatrach est en négociations directes avec une multitude
d’entreprises dont certaines sont de grandes compagnies».
2-
Pourquoi le FMI a salué cette démarche
En
plus de la position de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en faveur
d’un ralentissement des investissements dans les énergies fossiles et le
difficile compromis trouvé lors de la COP28. L’analyse publiée au début de la
Covid-19 en février 2020 et qui se confirme à ce jour. En effet, une
soudaine interruption de l’exploitation pétrolière pourrait éventuellement
réduire de moitié les projets en cours de développement.
Pourquoi ?
Les géants du pétrole, notamment les Américains comme ConocoPhillips,
BP, ExxonMobil et Chevron qui guettent depuis fort longtemps les moindres
occasions dans le domaine des hydrocarbures en particulier et l’énergie
en général et qui ont compté sur leurs énormes investissements consentis dans
des projets de sables bitumineux et surtout de gaz des roches mères argileuses,
restent les plus exposés à cette surprenante chute de la demande que pourraient
entraîner des régulations climatiques tardives.
En
termes simples, soutient le groupe de réflexion Carbon Trucker,
un think tank, dont les conclusions sont très
écoutées dans le monde de l’énergie et de l’environnement. «Les
compagnies pétrolières qui s’appuient sur le statu quo pour planifier leurs
futurs investissements risquent de voir la valeur de leurs nouveaux projets
réduite de moitié en raison d’une politique plus stricte.
Elles
risquent de se retrouver avec des actifs bloqués, si elles partent du principe
que les gouvernements ne prendront pas des mesures énergiques pour limiter le
changement climatique. Donc, les projets pétroliers développés avant 2025
pourraient ne jamais générer la valeur attendue si les réponses
politiques ne sont pas anticipées.
Avec
l’entrée en vigueur, depuis décembre 2019, d’un nouvel exécutif européen insistant
de faire de ce continent l’un des premiers climatiquement neutres d’ici 2050,
les sociétés pétrolières européennes ne sont pas non plus épargnées des
conséquences de cette réglementation stricte inscrite dans une loi contraignante
et complique leur tâche un peu plus avec l’entrée en vigueur de la réduction
des émissions de gaz à effet de serre dans une échéance beaucoup plus proche,
celle de la fin de la décennie en cours.
Ce
groupe de réflexion estime que les investisseurs devraient demander un taux de
rendement plus élevé aux sociétés qui développent des projets onéreux, tels que
l’exploitation de sables bitumineux. Ces projets comptent également parmi les
plus polluants et sont les plus sensibles à la volatilité des prix. En outre,
le risque de se retrouver avec des actifs bloqués demeure, quelle que soit la
fluctuation des prix du baril en haut ou en bas. L’expérience du passé dans le
domaine pétrolier et gazier montre que lorsque l’entreprise dispose de projets
moins coûteux, automatiquement, le risque qu’ils comportent est plus faible et
leur rendement restera plus élevé.
C’est
certainement ce qui attire le plus les capitaux dans ces circonstances. Il est
vrai que les compagnies pétrolières ont coutume de faire dans les pays pauvres,
ce qu’ils n’ont ne font pas chez eux, mais cette dernière décennie a montré que
les réseaux sociaux les poursuivent même en dehors de leurs frontières, d’où
leur réticence de prendre ce risque très capitalistique.
Contrairement
à l’approche que développe le géant TotalEnergies par
exemple par des effets d’annonce, comme montrer
son intérêt pour les blocs schisteux algériens, elle travaille de pair avec les
décideurs politiques européens pour contenir les menaces climatiques d’ici 2025
en réorientant ses investissements avec moins de risque pour éviter les
situations comme celle d’In Salah en Algérie. Elle n’est pas la seule en
Europe, Eni et Equinor sont
considérées comme les moins exposées aux risques climatiques, car elles ont
commencé à diversifier leurs portefeuilles en investissant dans les énergies
renouvelables ou les stations de recharge pour véhicules électriques.
Ce
rapport cite l’exemple de la compagnie pétrolière d’Etat, Saudi
Aramco, qui affiche de faibles coûts de production et
qui reste l’une des moins exposées avec une sensibilité au prix du pétrole
inférieure d’environ 30% à celle du reste de l’industrie du secteur. A
l’inverse, la valeur des projets pétroliers existants et modélisés d’Exxon
Mobil est d’environ 40% plus sensible au prix du pétrole que le reste de
l’industrie de production pétrolière. Cela devrait amener les géants du pétrole
à repenser leurs stratégies d’investissement.