POPULATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ESSAI HEDIA BENSALHI- « L’ALGÉRIE JUIVE. L’AUTRE MOI QUE JE
CONNAIS SI PEU »
L’Algérie juive. L’autre moi que je connais si
peu. Essai de Hedia Bensahli. Editions Frantz Fanon, ,
Alger 2023 , 359 pages, 2 000 dinars
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On eu,
déjà quelques ouvrages, édités en Algérie (voir plus bas) sur la présence
juive en Algérie. Mais , à vrai dire , ils étaient
passés inaperçus pour la simple raison que le sujet n’avait alors aucune
prise sur l’actualité. Cette fois-ci, c’est assez différent, en ce sens que cet ouvrage va encore plus loin en
remontant et en détricotant le passé du pays et qu’il arrive sur le marché
éditorial au moment d’une actualité plus que brûlante. Encore que.....Certes l’entité sioniste appelée
« Israël » a accueilli surtout des juifs venus de plusieurs coins
du monde, tout particulièrement des pays de l’ancien bloc
soviétique.......mais on sait maintenant que les Juifs d’Algérie n’ont
représenté qu’une très infime partie. A peine 11%
d’une communauté alors évaluée à 140 000 personnes Et, cela leur a même été
reproché puisque le 23 janvier 1963, une action a été intentée à
leur encontre (au Beit Ha’omanim de
Jérusalem) parce qu’ils « avaient refusé d’immigrer en
masse ». vers le nouvel
« Etat » , après l‘Indépendance de l’Algérie . Si le sionisme
a eu des effets plus que néfastes, car raciste ,
arabophobe et islamophobe, ce sera plus tardivement à
partir de la France .
Selon
l’auteure, l’entreprise d’écriture de toute cette histoire n’est pas simple.Un sujet très sensible.
Trop longtemps minimisé, souvent évité , pour ne pas
dire étouffé ou nié pour de multiples raisons. En l’absence d’archives
consistantes ou même légères, cela a poussé l’auteure à exploiter tant les
récits déjà publiés ici et là que les souvenirs, les vies individuelles, les
perceptions et les mémoires des uns et des
autres : « Ce n’est pas parce que les archives sont absentes qu’il
ne s’est rien passé »
Donc,
pour résumer, un essai explorant la présence juive en Algérie depuis deux
mille ans et montrant que la judéité est un élément constitutif de son
identité, dans une atmosphère de très grande tolérance. L'auteure
explique comment la colonisation a constitué la première cassure dans la
relation symbiotique entre les Juifs et la communauté musulmane (en la dissolvant dans ses statistiques puis dans la
nationalité, les juifs affublés d’identités multiples, français d’abord
, « pieds-noirs » ensuite) tout
en rappelant les événements à son origine, comme la dissolution du
consistoire algérien ...puis le décret Crémieux.
Des
parties très émouvantes sont consacrées aux héros juifs de la guerre de
libération nationale : Daniel Timsit, Pierre Ghenassia, Jean-Pierre Saïd et bien d’autres. Il y a
aussi les artistes de renom, femmes et hommes , qui
ont excellé tout particulièrement dans le genre musique andalouse, un
héritage multiculturel, rite de fraternité et de convivialité.
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L’Auteure :
Ecrivaine franco-algérienne et enseignante . Master en
littérature (Université d’Alger), Dea en didactologie des langues et des cultures (Paris III). Prix
Yamina Mechakra (« Orages » , 2019) et finaliste du Prix Mohammed Dib
(« L’agonisant », 2022).
Table
des matières : Préface (de Valérie Zenatti/
Introduction/ I. L’Algérie juive/ II. Juifs algériens et colonisation/ III. Fidaïne, moudjahidine : des combattants pour la cause/
Le syncrétisme/ Conclusion/ Bibliographie
Extraits : « Les
exigences peuvent donc varier en effet selon le dynaste ; aussi, plusieurs
auteurs s’accordent pour avancer que plus il est fort et puissant, et moins il
craint les minorités, et donc est moins radical. Durant les périodes fastes,
les restrictions sont généralement ignorées » (p 63) , « La conquête
de l’Espagne par les Arabes à la fin du VIII ème
siècle se traduisit pour eux non seulement par un allègement du joug de leurs
oppresseurs (note : les rois wisigoths rudes et cruels) mais
suscita dans leur sein des expressions culturelles d’une richesse et d’une
profondeur comparables à celles des plus grands peuples de
l ’Histoire » (Nissim Rijvan cité, 1999, p
90) , « En devenant la cible de la Couronne de Castille, comptant
unifier politiquement et religieusement le royaume, les Juifs, tout comme les
Musulmans, connaîtront les affres de l’Inquisition durant une très longue
période puisqu’elle ne sera définitivement abolie qu’en juillet 1834 » (p
97), « Le statut officiel de dhimmi n’empêche nullement
une réalité socioculturelle indéniable ; elle subsistera pendant des
siècles et donnera naissance à une riche culture dite judéo-arabe ou judéo-berbère
au Maghreb que l’on tend à minimiser , et parfois à ignorer » (p 99) ,
« Si certains sont venus d’Espagne, du Portugal ou encore d’Italie se
réfugier au Maghreb au cours du temps, une bonne partie de la population juive
est essentiellement installée depuis plus de deux millénaires : des Juifs,
des Berbères judaïsés, puis arabisés » (p103), « Il convient de
préciser que la population juive de l’époque, nouvellement colonisée par
la France, n’est pas du tout homogène comme on pourrait le faire croire ;il
n’y a pas une population juive , mais des populations juives (niveau social,
éducatif, culturel, etc..) disséminées dans les différentes régions du pays,
vivant avec les Musulmans et comme les Musulmans eux-mêmes différenciés par les
cultures régionales et sociales... » (p106)
Avis :
Beaucoup de choses que l’on savait (pour les plus âgés d’entre-nous), mais
qu’on n’osait pas dire ou écrire.......et encore moins assumer
.L’histoire d’une communauté alors bien intégrée.....mais que le
colonialisme puis le sionisme a perturbé, détourné et brisé.
Un
document émouvant, la lettre adressée le 3 février 1957
du maquis ,à ses parents, par Pierre Ghenassia,
dit « El Hadj », mort à 17 ans, les armes à la main, dans
l’Atlas blidéen , défendant des compagnons blessés dont il avait la
responsabilité . Une lettre digne de figurer dans les programmes scolaires
Citations :
« Ce n’est pas parce que les archives sont absentes qu’il ne s’est rien passé » (Valérie Zenatti,
préface, p 10), « En dehors des palais, avec le temps, la population avait
appris à vivre ensemble. Il faut attendre la colonisation française pour la
voir « disparaître », officiellement, du paysage démographique
algérien, période durant laquelle on s’acharnera à rendre honteuses les
origines autochtones » (p 100), « Les Juifs algériens ont subi l’histoire,
résisté à leur manière, comme ils pouvaient.
Nombreux
sont ceux qui disent (ou disaient) avoir été français dans la rue, au travail,
mais jamais à la maison, ni avec leurs voisins musulmans qu’ils ne pouvaient en
aucun cas mépriser » (pp 177-178), « La judéité algérienne est
particulière, plurielle, et ne peut donc être simplifié » (p 255),
« La Reconqusita (« une
période noire vécue par les Musulmans et les juifs »), qui durera
plusieurs siècles, ne renvoie pas à une simple reconquête de territoires, c’est
une Croisade contre les « Infidèles » (p321)
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