COMMUNICATION – PERSONNALITES- SLIMANE BEN SIAM
(JOURNALISTE, 1850.....)
© M’hamed Khodja, Le Jeune
Indépendant, 14 septembre 2009
La presse algérienne a plus d’un siècle d’existence.
Contrairement à certaines idées reçues, l’aventure du journalisme en Algérie ne
date pas de l’indépendance du pays en 1962, ou du temps de la révolution du 1er
novembre 1954. Depuis la fin du XIXe siècle, certains lettrés algériens ont
écrit des articles dans des journaux créés par les autorités coloniales. Mais
l’émergence d’une presse algérienne nationaliste date du début du XXe siècle,
avec des patrons prestigieux de la trempe d’Omar Racim ou d’Abou Al-Yaqdhane.
Selon l’historien du journalisme en Algérie, Zoubir Seïf Al-Islam, le premier journaliste algérien n’est autre
que Slimane Ben Siam, agha de Miliana. Personnage politique et notable
«indigène», Slimane Ben Siam a été invité à la fête du trône, à
l’occasion du couronnement de l’empereur Napoléon III en 1852. Après son retour
de Paris, Ben Siam a rédigé une série de 5 longs articles ayant le même titre : «Le voyage de Ben Siam», qu’il a publiés à partir du 15
juin 1852 dans le journal Al-Moubachir.
Consignant ses remarques à chaque étape de son voyage,
Ben Siam a ainsi présenté et imagé son itinéraire d’Alger à Paris, dans un
style littéraire à but informatif et descriptif. Sans le savoir peut-être,
Slimane Ben Siam était le premier «reporter» algérien.
Durant la seconde moitié du XIXe siècle, de nombreux
autres algériens ont suivi les traces de Ben Siam en écrivant dans les deux principales
publications officielles contrôlées par les autorités coloniales, Al-Moubachir et l’Akhbar. Ces noms peu connus sont
Mohamed Saïd Ali Chérif, Ahmed Al-Badaoui, Ahmed Benlefgoun, Aboulkacem Al-Hafanaoui, Mohamed ben Mostefa Khodja
et Ben Cherchali. Considérés par les autorités
coloniales comme des «indigènes soumis pas tout à fait
assimilés», ces plumes étaient en réalité une sorte de courroie de transmission
entre la France coloniale et le peuple algérien, lequel demandait l’égalité des
droits et la restitution de ses biens et terres confisqués.
Ces lettrés assumaient également un rôle éminent,
celui d’éveilleur des consciences car, imprégnés aussi bien des valeurs
arabo-musulmanes que des valeurs européennes, ils ont contribué à
l’introduction de la «modernité politique et sociale»
dans l’Algérie colonisée de la fin du XIXe siècle.
Le flambeau fut repris par une nouvelle génération
plus revendicative. Celle d’Omar Racim, d’Omar Ben Kaddour
et de l’émir Khaled. Le premier, célèbre miniaturiste et nationaliste de la
première heure, lança dès 1908 le journal Al-Djazaïr,
Al-Hak en 1911, et enfin Dou El-Fikar en 1912. La tendance de Racim est alors claire ;
les titres de ces journaux suffisent à la classer dans le courant nationaliste,
à une époque où les revendications anticolonialistes s’étaient quelque peu
estompées.
D’ailleurs, le pseudonyme de Racim est à lui seul un
manifeste. En effet, il signait souvent ses articles sous la plume «Al-Djazaïri», l’Algérien, ce qui
sous-entendait qu’il y avait une nation algérienne avec ses spécificités
étrangères à celles des Français.
A la même période, Omar Ben Kaddour
édita son mensuel en langue arabe Al-Farouk, entre 1913 et 1915, puis
entre 1920-1921. Quant à l’émir Khaled, il lança en 1919 l’Ikdam, devenu l’Islam, puis Rachidi,
avant de cesser de paraître en 1925.
Le petit-fils de l’émir Abdelkader utilisa d’ailleurs
ces journaux pour faire valoir les revendications algériennes au lendemain de
la Première Guerre mondiale.
Avec l’émergence des partis nationalistes algériens,
la presse devint un puissant vecteur pour la diffusion des idées de chaque
mouvement, peu importe la langue utilisée. Que la presse soit en arabe ou en
français, l’essentiel résidait dans la portée du message véhiculé et son impact
sur les populations.
Ainsi, chaque tendance du Mouvement national algérien
eut sa presse, son porte-drapeau. Ainsi, l’Etoile nord-africaine de Messali
Hadj disposa d’un organe de presse créé en 1933, le journal El-Ouma (la Nation), dont le premier responsable était Ibrahim
Abou Al-Yaqdhane. Le Parti du peuple algérien lança
en 1936 un journal saisi dès son premier numéro, le Peuple.
Quant à l’Association des oulémas musulmans, deux
organes constituèrent ses porte-voix : Ech-Chihab,
dirigé dès 1926 par cheikh Ben Badis, puis Al-Baçaïr,
sous la direction de cheikh Bachir Ibrahimi – ce
dernier cessera de paraître en 1956.
Les élus musulmans et les amis du Dr Bendjelloul s’adossèrent sur l’Entente franco-musulmane,
un journal qui favorisait le rapprochement entre les musulmans «indigènes» et les Français. Le Parti communiste algérien
disposa, pour sa part, de Liberté, tandis qu’Alger Républicain,
proche des idéaux communistes, créé en 1938, fut interdit par les autorités
coloniales en 1955.
Après la Seconde Guerre mondiale, la presse
nationaliste algérienne connut une seconde naissance avec la création d’Algérie
Libre, l’organe officiel du MTLD de Messali Hadj, de la République
Algérienne, voix de l’UDMA de Ferhat Abbas, ainsi que la reprise d’Al-Baçaïr, de l’Association des oulémas, et d’Alger
Républicain, proche du PCA. Des plumes, qui devinrent plus tard l’élite de la
révolution algérienne puis de l’Algérie indépendante, marquèrent ces années
charnières : Salah Louanchi, Moufdi
Zakaria, Hocine Lahouel, Ferhat Abbas, Ahmed Boumendjel, Bachir Ibrahimi, Tawfik Madani, Abdelhamid Benzine et Kateb Yacine ; autant
de militants et d’intellectuels qui, par leur talent de journaliste, de
romancier, ou par leur profession de foi politique en faveur de l’Algérie
éternelle, contribuèrent à l’émergence d’une conscience nationale et assirent
les bases d’une noble mission, celle d’informer sans s’égarer ou égarer le
peuple de l’objectif suprême : que vive l’Algérie.