INFORMATIQUE- ENQUETES ET
REPORTAGES- INFLUENCEURS /ENTRETIEN NADJAT LAHDIRI (CRASC-ORAN)
© Entretien
réalisé par : AMEL SAHER/ El Moudjahid, 10/12/2023
Nadjat Lahdiri
est docteur en sciences de l'information et de la communication, et maître de
recherche au CRASC ayant réalisé des travaux sur l’internet et les réseaux
sociaux. Dans cette interview, elle revient sur la stratégie du marché du einfluence, son impact sur la société, ses risques et
enjeux, en répondant aux questions d’El Moudjahid.
Qu’est-ce qu’un
influenceur ? Les
dictionnaires définissent l’influenceur comme une personne qui exerce de
l’influence sur une catégorie d’âges, de personnes dans des domaines liés à la
politique, à la culture, au savoir et autres. D’un point de vue sociologique,
il s’agit d’un fait social qui vise essentiellement un changement de
comportement, de conduite, envers une situation ou un produit objet d’une
promotion, pour atteindre l’adaptation à une situation bien déterminée. Vu
l’évolution technologique, l’acte d’influencer s’est adapté et a bénéficié des
techniques de communication récentes et très développées, connues sous le nom
de nouvelles technologies de l’information. Ce concept voit le jour dans le
contexte de la numérisation. Actuellement, on parle d’«influenceur
numérique» ou de «e-influencer». Il s’agit d’une personne connectée aux réseaux
sociaux qui s’engage à faire une promotion des produits variés visant un grand
public. En général, les influenceurs utilisent un langage simple, spontané, en
un temps très court, il fait des séquences répétitives, en s’appuyant,
essentiellement, sur des couleurs et des images.
Comment distinguer
un faiseur d’opinion d’un influenceur ? :On entend par faiseur
d’opinion, une personne, un leader, un sage dont une reconnaissance est
distinguée à partir de son expérience ou d’une carrière acquise. Souvent, il
est porteur d’idées innovantes, d’un bagage intellectuel, et en même temps d’un
cumul de savoir dans un domaine précis, lequel il laisse une trace sur une
grande partie de la société ; il exerce l’influence, grâce à la communication,
en s’appuyant sur une stratégie étudiée. Le leader d’opinion est distingué par
ses forces d’attraction et de conviction, grâce à la confiance qui se fait
entre lui et son public. Un influenceur, quant à lui, et comme un concept
sociologique nouvellement intégré dans le Robert (dictionnaire), marque son
influence en visant le changement des comportements et les convictions des individus
dans leur société, donc l’influence est visiblement remarquable sur des
catégories d’âges, généralement jeunes, sur des sujets -tendance et des
produits variés, dans un espace temporel précis ou éphémère ; il vise aussi
d’autres catégories, selon des contenus et des objectifs convoités.
Quel est le plus
important potentiel du marché de l’influence en Algérie, à savoir les
catégories-cibles des influenceurs ?: Selon des études réalisées à ce
propos, le potentiel le plus fort du marché de l’influence en Algérie est facebook, avec un chiffre qui avoisine 22,45 millions
d’utilisateurs (chiffres communiqués en septembre 2022). Il est au service du
marketing numérique, et d’autres utilisations dans divers domaines (éducation,
animation, art culinaire, actes charitables… ).
D’autres réseaux numériques ont aussi leurs potentiels, tels que instagram, Youtube, etc. Dans ce
cadre, il est important d’évoquer les dernières statistiques du mois de janvier
2022 (le rapport digital de janvier 2022), qui indique environs 27,28 millions
d’Algériens connectés à internet et 26,26 millions d’utilisateurs algériens des
réseaux sociaux. Si nous examinons ces chiffres, nous constatons l’importance
du numérique dans la vie des Algériens de nos jours, ceci a rétréci les espaces
et le temps, en plus des interactions qu’ils suscitent, grâce à la
participation presque non contrôlée de toutes les catégories de la société. Ces
plates-formes en forme de réseaux d’expression et d’échange d’idées et
d’opinions, de partage de divers contenus ont constitué une nouvelle lisse de
présence, ce qui explique le poids de ces réseaux. Les catégories les plus
concernées par ces réseaux, voire influencées par les contenus qu’ils croisent
quotidiennement, sont des jeunes. Dans ce cadre, permettezmoi
de vous parler d’une étude que j’ai réalisée en 2018 sur le dualisme de la
réception des contenus numériques en Algérie chez les jeunes : l’influence du
message en contexte de l’évolution des moyens de communication, dans un
colloque national à l’université de Mostaganem, il s’agit d’une étude
comparative de deux jeunes youtubers qui sont très
présents sur Youtube par leurs contenus adressés aux jeunes . L’étude a montré que l’interaction suscitée par le
nombre des likes et des partages, et, particulièrement, des millions de vues.
Leurs contenus étaient faits en arabe dialectal algérien, les messages
s’articulaient autour des soucis des jeunes, ce qui a facilité la réception
rapide et vaste du message, ce qui indique que l’influence des contenus et liée
aux moyens de communication utilisés. Pour les valeurs portées par ces contenus
des deux youtubeurs, elles s’articulaient autour du vécu et du quotidien des
jeunes ; on a aussi constaté des valeurs très positives, telles que l’amour de
la patrie, le sens d’appartenance, l’esprit de responsabilité au travail et le
sens d’engagement envers l’autre. Cette étude a, également, montré
l’attachement des jeunes Algériens envers les réseaux sociaux, lesquels ils
passent leur temps dans le monde numérique, dans le contexte de la réception et
de la participation relativement positive. Cette participation a, notamment,
reflété la qualité des messages échangés, en plus des moyens utilisés et
surtout la valeur ajoutée à ces contenus, qui suscite l’interaction, voire
l’influence du grand public (les jeunes). Selon vous, quels sont les
facteurs ayant le plus contribué au boom du marché de l’influence via la toile ?: Le premier facteur est la connexion à internet
; dans ce sens, la plate-forme numérique a proposé de multiples avantages : le
choix : des réseaux, des contenus, de langues, etc. Le coût d’investissement
dans le numérique est inférieur à sa forme classique. Certains parents aident
leurs enfants à marquer leur présence dans les réseaux numériques, ce qui
participé à la création de communauté d’influenceurs moins jeunes. Ceci
nécessite un contrôle et un accompagnement.
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Notes complémentaires - Depuis avril 2021, l’activité
d’influenceur en Algérie figure officiellement sur la nomenclature des
activités économiques du CNRC inscrite sous le code « 617040»,
attribuant ainsi un statut légal à cette profession. Selon la start-up
algérienne «Legal Doctrine», éditrice de la plateforme
spécialisée, notamment dans la collecte, la numérisation et la mise en ligne
des législations, «il est difficile de déterminer à partir de combien de
"vues" ou de "j'aime" ou d'abonnés une personne peut être
qualifiée d'influenceur devant répondre à un régime particulier qui le
différenciera d'un simple internaute lambda». Selon le même organisme, la loi
algérienne ne détermine pas encore de seuil. Il explique cependant qu’en «pratique, le statut d'influenceur est traditionnellement
obtenu à partir de 1.000 à 10.000 followers (internautes suiveurs) sur le
profil de la personne suivie».
-La monétisation du contenu
digital a ouvert la voie à toute sorte d’excès. Les sommes astronomiques
générées, grâce à l’exposition de soi permanente sur internet, a poussé
certaines stars, pourtant riches et célèbres, à conquérir le marché du einfluence, où elles gagnent plus d’argent qu’en exerçant
leurs métiers de comédiens, sportifs, chanteurs, etc. En effet, selon le
magazine Capital, grâce à leurs partenariats avec de grandes marques, les
revenus de certaines stars, dont le nombre d’abon nés
se chiffre par millions, sont juste pharaoniques ! En tête du - top 5 des
personnalités les mieux payées sur les réseaux sociaux pour l’année 2021, le
footballeur portugais Cristiano Ronaldo qui gagne jusqu'à 1,6 million de
dollars par post sponsorisé, suivi de l'acteur Dwayne Johnson (1,52 million de dollars ), la chanteuse américaine Ariana Grande (1,51
million de dollars), le mannequin et star de la téléréalité Kylie Jenner (1,49
million de dollars) et la chanteuse Selena Gomez (1,46 million de dollars).
