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Roman Mustapha Benfodil- "Terminus Babel"

Date de création: 28-11-2023 18:55
Dernière mise à jour: 28-11-2023 18:55
Lu: 220 fois


CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MUSTAPHA BENFODIL- « TERMINUS BABEL »

Terminus Babel. Roman de Mustapha Benfodil. Editions Barzakh, Alger 2023, 272 pages, 1 200 dinars

 

Chaque année, en France, des machines broient environ 100 millions de livres. 100 millions, ce qui représente le cinquième des 500 millions de volumes fabriqués annuellement dans le pays. Pour un écrivain, c’est là une incommensurable tragédie.......car ce  sont là des ouvrages soit invendus, soit détériorés, soit ne trouvant pas (ou plus) preneurs au niveau des marchés extérieurs, soit ..., en tout cas inutilisables bien qu’utiles quelque part, ....et ce n’est pas demain la veille que le numérique résoudra le problème.

Ceci dit pour l’Ecrivain qui voit les exemplaires de son (chef-d’) œuvre aller au pilon. Lui qui   a marché des kilomètres avant d’être un livre....car « marcher, c’est écrire un livre ».....c’est faire « marcher les turbines » , c’est « ramasser sur le trottoir des pépites de malice et de sagesse ».... 

Pour le livre lui-même (un exemplaire pris comme modèle), c’est aussi une tragédie....et c’est cette tragédie couplée (écrivain-livre) avec,pour témoin, le lecteur,  que raconte l’auteur.

L’histoire ? Un livre ( « K’tab », qui tient du roman allégorique, lui-même racontant l’histoire d’un livre étrange, un livre indestructible, contenant une somme astronomique de connaissances, d’informations, sans avoir de réponse à tout) qui raconte sa « descente aux enfers » , toutes ses angoisses, en compagnie de bien d’autres, du fond d’une remise d’une grande bibliothèque, fréquentée bien plus par les rats et un vieil archiviste que par les lecteurs, en attendant d’être envoyé au « pilon » ...c’est-à-dire à la destruction et à un  possible recyclage (en cartons pour œufs, en Pq....) .Il raconte aussi son passé  glorieux, alors auparavant si recherché, si aimé , si câliné  en salle de lecture  d’une grande bibliothèque. Il raconte , en parallèle, tous les efforts et les difficultés , toute la vie de l’auteur..... un Écrivain total .

L’Auteur : en 1968 à Relizane. Journaliste reporter (El Watan/Quotidien). Auteur de nouvelles, poèmes et  pièces de théâtre.Déjà quatre romans (« Zarta », « Les Bavardages du Seul », « Archéologie du chaos (amoureux) » , « Body writing.Vie et mort de Karim Fatimi, écrivain, 1968-2014 ») , tous parus aux éditions Barzakh

Extraits  « Qu’est-ce que naître pour un livre ? Est-ce le moment où surgit le premier mot, la première phrase, l’incipit ? Ou bien quand je pris la forme d’un manuscrit achevé ? Ou encore quand l’Ecrivain consentit enfin à m’éjecter une fois pour toutes de son esprit tourmenté et à m’envoyer à son éditeur » (p 21), « Les livres n’ont pas de lèvres.Aucun son ne sort de leur gorge.Et pourtant, ils parlent.Ils parlent la langue des chuchotements émettant des ondes discrètes que seuls les soufis, les fourmis et les rats de bibliothèques peuvent entendre » (pp 33-34), « « K’tab » contenait, certes , une somme astronomique de connaissances, d’informations, mais il ne prétendait pas avoir réponse à tout. Il faut se méfier des hommes «  d’un seul livre »  ( 189),

Avis : Une gymnastique (excellemment maîtrisée) des mots et des phrases qui vous transporte dans le monde intérieur, si ignoré même par les plus grands lecteurs, du livre.Une écriture originale qui interpelle. Le tout dans une langue accessible.....à tous. Un auteur à la vaste érudition et à l’imagination sans bornes ....peut-être le plus brillant  de sa génération.Bref, un « artiste total » , entièrement « habité »   !

Citations  « On n’habite pas une ville si on n’est pas habité par cette ville » (p 54), « Bab el Oued est une ville dans la ville ............plus qu’un quartier. Bab El Oued est une langue » (p 55), « L'Écrivain m’écrit et moi j’écris l'Écrivain » (p 58), « Question existentielle : un exemplaire est-il le même livre ? Si les humains eux- aussi devaient être dupliqués, seraient-ils parfaitement interchangeables ?Les hommes seraient-ils juste des exemplaires ? »  (p 71), « C’est la porte du mystère qui vous fait entrer dans le livre. Sans mystère, il n’y a pas de roman, pas de film, pas de drame, pas de peinture.....Plus d’art » (p 80), « La liberté : carburant essentiel à toute entreprise de création, de réenchantement d’un lieu éteint » (p156), « Les hommes ont créé la langue pour ériger des mondes, corriger les fautes de la création et raconter de beaux mensonges à leurs enfants » (p 237), « Les mots, mis bout à bout, portent le doute, le changement.Il ne faut surtout pas que les mots entretiennent l’utopie d’une autre forme de vérité, de chemins insoupçonnés, d’un autre lieu de la pensée » (Tahar Djaout cité, in « Le dernier été de la raison,Le Seuil 1999 » ( p249)

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