COMMUNICATION – FORMATION CONTINUE- TELEVISION
FRANCE/PUBLICS EN PLATEAU
Alors que la toute première émission française est télédiffusée
en 1935, le nouveau média s’inspire vite du music-hall et de ses codes pour
proposer des programmes de divertissement. En 1948, la première émission de
variété, « Le Cabaret de la plume d’autruche », est retransmise en direct du
Théâtre de la Gaîté-Montparnasse, à Paris.Mais c’est
surtout à partir de 1952 que l’on commence à entendre les applaudissements (et
les rires) du public, dans deux grandes émissions de variétés, « 36 chandelles
» et « La Joie de vivre ». Là encore, les enregistrements ont lieu sur de
vraies scènes et le public est dans la salle pour assister au spectacle. Il faut
attendre 1960 pour que celui-ci arrive sur les plateaux en studio, en
l’occurrence pour applaudir les aspirants chanteurs et musiciens du « Petit
Conservatoire de la chanson », créé par Mireille. Du côté des jeux télévisés,
le public fait son
apparition dès 1957 dans « Gros lot », mais les
messieurs en costume cravate que l’on voit applaudir sont, en fait, des
concurrents qui viendront ensuite eux-mêmes répondre à des questions.
Le public anonyme, tassé sur des bancs derrière les
candidats, n’arrive qu’en 1970 dans « L’Avis à deux », présenté par Guy Lux,
sorte d’ancêtre des « Z’amours ». C’est aussi à cette
époque que les émissions de débat commencent à se décloisonner avec, notamment,
« Apostrophes », qui, dès son lancement, en 1975, casse les codes dans son
décor de fausse bibliothèque peuplée de silhouettes anonymes. Enfin, pas si
anonymes que ça, car la plupart de ces spectateurs sont, en réalité, des
proches (famille, attachés de presse, éditeurs...).
Une spécificité française s’installe avec le positionnement
de l’audience derrière les invités, qui lui
tournent le dos (à la différence des « late shows » américains où le public est face à la scène).
Dans les années1980, le public est désormais bien intégré dans le petit écran,
mais il n’est pas encore un acteur à part entière ; il ne fait pas l’objet de
plans spécifiques, les applaudissements sont brefs, les rires restent timides.
Or, comme le fait remarquer le journaliste Jacques Siclier
dès 1964 dans un article du Monde, il n’y a « rien de plus morne qu’une
émission de variétés enregistrée en public lorsque le public ne réagit pas ».
Et à partir des années 1990, le procédé
s’industrialise, avec l’apparition des chauffeurs de salle qui viennent ambiancer
le « vrai » public désormais menacé par la concurrence des rires
préenregistrés. Des agences d’événementiel spécialisées se créent, comme Clap
Productions (aujourd’hui WeClap), fondée en 1996 par Kenty Blanc, l’un des pionniers du secteur. Son objectif : qu’aucun
fauteuil ne reste vide, partant du constat que « le monde attire le monde ».
Aujourd’hui, au moins six agences se partagent le marché de la « gestion de
public sur les
plateaux » et l’une des principales, Cassandra,
se targue sur son site Internet d’avoir permis « à plus de 1 million de personnes
d’assister à plus de 550 émissions » depuis 2003.
Le Covid-19, en 2020, sera le grain de sable dans la machine
: les spectateurs sont priés de rester chez eux, parfois « confinés » sur des
écrans où on les voit réagir en visio depuis leur
salon. Par la suite, certaines émissions ont fait le choix de ne pas revenir en
arrière, comme « Questions pour un champion », qui se contente désormais
d’applaudissements « en boîte ». Que des avantages pour la production : moins
de lourdeur logistique, moins de pression pour les joueurs et un effet quasi
nul sur les audiences.