DEFENSE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN YASMINA KHADRA- «
MORITURI »
Morituri . Roman de Yasmina Khadra. Casbah
Editions, Alger 2022, (Réédition « revue et
enrichie ») , 238 pages, 850
dinars
Volià donc un roman écrit au lendemain
de l’attentat terroriste perpétré au cimetière de Sidi Ali (Mostaganem), le 1er
novembre 1994, publié alors en France, en 1996 ......qui a fait l’objet d’un
film (Morituri –« Ceux qui vont mourir »- est un film franco-algérien
réalisé par Okacha Touita en 2004 et sorti en France
en avril 2007).....et qui revient
sur le marché national, cette fois-çi, mais en
version « revue et enrichie ». Précisions : « pas de
corrections d’usage ni de relecture avisée ». Voilà un bon sujet (une
étude comparative des deux éditions) de thèse qui mettra très certainement en évidence les
commentaires et /ou les allusions au développement socio-politque
actuel du pays.
Morituri est l’histoire d’un pays où règne l'impunité. Les « requins »
tapis dans l’ombre des « pouvoirs » réels et/ou profonds mettent les bouchées doubles pour continuer
à profiter de la situation chaotique et prospérer et à régner. Dans une ville
où règne le totalitarisme religieux utilisant le terrorisme et le crime, des
dignitaires véreux et des affairistes aux mains sales, le commissaire Llob , un bon « flic » estimé et craint ,
s'obstine à rester intègre et s'oppose à la barbarie. Ce qui n’est pas sans danger , pour lui-même, pour ses fidèles collaborateurs et
aussi pour sa famille. C’est un homme à
abattre. Au fil d’une enquête à propos de la disparition de la fille d’un
« oligarque » influent, accompagné de son fidèle
lieutenant, il va mettre les pieds là où il ne faut pas. Les murs vont se
dresser devant lui les uns après les autres. On va tenter de le faire taire.
Les "accidents" se succèdent autour de lui. Mais, il ira jusqu'au
bout car il aime son pays, la justice et se refuse à baisser les bras devant
l'intégrisme et la corruption.Il ira donc de découverte en découverte , surprenantes
pour le lecteur , mais pas pour notre commissaire qui, en fin de parcours,
jamais découragé mais totalement « dégoûté » décide de régler le problème
(du moins ce qui en est visible....et à
la portée de son arme) à sa
manière. Expéditive, pour lui !Certainement.
Définitive, pour le pays ? Pas sûr.
L’Auteur : Né en janvier 1955 à Kenadsa, élève de l’Ecole des cadets de la Révolution, ancien officier de l’Armée nationale populaire, Yasmina Khadra ,
de son vrai nom Moulessehoul Mohammed, est , aujourd’hui , un écrivain très connu .
Lu dans des dizaines de pays , il est traduit en près de 50 langues. Il a , à son actif plusieurs dizaines d’œuvres La plupart sont des
romans dont certains ont été adaptés au cinéma et au théâtre et même en bandes dessinées.........ceci sans parler des ouvrages (dont des romans policiers) publiés sous pseudonyme au milieu des années 80 et au tout début
des années 90, inventant même un personnage fameux, celui du Commissaire Llob . A noter qu’il a co-signé, aussi,
des scénarii de films.....qu’il a été un
certain temps directeur du
Centre culturel algérien à
Paris......et qu’il a même tenté une courte « aventure »politique lors de présidentielles!Et, qu’il a récemment effectué une tournée de
promotion du livre (Oran, Tizi Ouzou, Alger)
Extraits : « Le patron se répand
derrière son bureau.Dans le
luxe ambiant, il a l’air d’un monument.Mais, quand on
le regarde de près, c’est juste une énormité foraine qui s’est trompée de
chapiteau » (p18), « Nos maires n’avaient rien à envier aux
maires de naguère ; ils avaient du goût, de bonnes idées et le souci
constant de nous émerveiller avant que la convoitise ne dame le pion à
l’intérêt général et que les serments faits à nos morts ne s’effilochent au gré
des parjures » (pp 78-79)
Avis :
Du San Antonio revisité.Se lit d’un
trait.....Anti-dépresseur......bien que je doute que l’humour et les
« jeux de mots » soient accessibles aux jeunes lecteurs.
Citations : « Bergers hier, dignitaires
aujourd’hui, les notables de mon pays ont amassé de colossales fortunes, mais
ils ne réussiront jamais à dissocier le peuple du cheptel » (p27) ,
« Une malencontreuse inversion dans les feuillets de l’Histoire rend la
société algérienne impropre à l’appréciation » (pp 66-67), « La vraie
carrière d’un homme, c’est sa famille.Celui qui a
réussi dans la vie est celui-là qui a réussi chez lui.La
seule ambition juste et positive est d’être fier à la maison.Le
reste, tout le reste- promotion, consécration, gloriole – n’est que
tape-à-l’œil, fuite en avant, diversion... » (p
88), « Traditionnellement, dans notre inculture séculaire, le lettré,
ça a toujours été l’Autre, l’étranger ou le conquérant. Nous avons gardé de
cette différence une rancune tenace. Nous sommes devenus viscéralement
allergiques aux intellos.Et chez nous, à l’usure, il arrive que l’on
pardonne la faute, jamais la différence » (p 96), « « Tout
le monde se démerde pour construire un palais pour ses rejetons et personne ne
consent à leur bâtir une patrie » (p 133), « Ce n’est pas avec des
châteaux de cartes que l’on édifie des
civilisations, encore moins sur du sable mouvant » (p 175), « La
folie est ce qui échappe au commun des mortels » (p
185) , « De tous les peuples, nous sommes les plus radicaux
(........) .Chez nous, la modération esr un non-sens, un « sous-appétit ».C’est pour
ça que nous demeurons aussi indomptables
que déraisonnables « (p 197), « Ça a du bon la petitesse.Les
nains sont les derniers à recevoir les tuiles sur la tête et les premiers à se
rendre compte quand la marée monte.En conséquance, ce qu’ils perdent en hauteur, ils le
récupèrent en perspective « (p 209)