COMMUNICATION- OPINIONS ET POINTS DE VUE- ENTRETIEN B.A-D/ HORIZONS, D. 22
OCTOBRE 2023
© Assia Boucetta/ Horizons, D. 22 octobre 2023
Presse nationale : « Il y a plus de citoyens -journalistes que de
journalistes-citoyens »
ENTRETIEN : Avec AHCENE-DJABALLAH Belkacem, ancien professeur
associé aux Universités (algériennes ) et journaliste
indépendant
La célébration de la journée nationale de la presse est une occasion de
rappeler les efforts de l'Etat pour promouvoir
le secteur et le soutien exprimé à maintes reprises par le président de la
République aux médias dont le rôle est indispensable dans la défense de
l’intérêt national. Ahcene -Djaballah Belkacem revient,
dans cet entretien, sur la symbolique de la célébration, la
formation des journalistes et les réformes engagées dans le secteur
Le 22 octobre est la Journée nationale de la presse. Quelle est la
symbolique de cet événement ?
Il y a , d’abord, l’aspect lié à
l’entretien de la mémoire qui consiste à se souvenir des hommes qui
ont contribué à la construction du pays d’une façon ou d’une autre. Il ne faut
pas oublier que, durant la guerre de libération
nationale, des centaines de journalistes ont participé aux combats. Beaucoup
ont fait de la prison, certains ont été
torturés et d’autres se sont exilés. La liste est longue de noms lumineux
ayant contribué à l’indépendance du pays. Après 1962, il y a
, aussi, énormément, dans le champ de la presse et de la communication,
« de moments , de lieux et d’hommes de liberté » . Certains
sont décédés en mission et, durant la décennie
noire, plus d’une centaine de journalistes ont été assassinés par les
terroristes. On a oublié presque tous ces
journalistes qui se sont sacrifiés. Heureusement qu’il y a eu cette journée qui
ravive les souvenirs et réveille les mémoires oublieuses. Elle
permet de se souvenir de ce passé récent et lointain et vient rappeler
que le journalisme algérien professionnel a bel et bien existé et le restera
longtemps. Et ce, en dépit des ravages annoncés
pour l’intelligence artificielle.
De la presse d’hier à celle d’aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé ?
Il y a une très grande différence. Dans le passé ,
le journaliste n’avait à sa disposition que du papier....et
un stylo. Il était « rapporteur » et/ou reporter-journaliste qui transcrivait ses
impressions sur différentes situations. Le circuit était assez classique, ardu
et même salissant puisqu’il n’avait à sa disposition que de l’encre et du
papier. Un virage a été progressivement opéré dans les pratiques avec
l’émergence des nouvelles technologies de la communication qui ont révolutionné la façon de faire, de voir, de
transcrire et de diffuser l’information. Des éléments
ont complètement bouleversé la façon de collecter l’information,
ont réduit le temps du travail tout en brisant quelque part le charme du
métier quand il s’agit d’avoir un papier tout blanc devant soi et de réfléchir
au sujet à traiter. Heureusement, le journalisme
restera toujours le même dans la mesure où ce ne sont pas les moyens de
l’information, quels qu’ils soient et quel que va être le niveau technologique
acquis qui vont transformer les sensations du journaliste, le « human touch ». Dans la
transcription de l’information, même avec l’intelligence artificielle qui est
capable de « faire » et /ou de parfaire l’information, il y aura
toujours le côté humain et la sensation qui interviennent
dans le processus.
Les journalistes doivent-ils et peuvent-ils
être objectifs ?
L’objectivité, c’est un concept éculé que l’on ne cesse de répéter. Ce
qu’on demande aux journalistes, c’est d’être plus rapide dans le traitement de
l’information, de la complétude et surtout de l’exactitude de l’information
collectée et à diffuser . C’est tout ! Et , pour atteindre cet objectif, il y a d’abord
un travail extraordinaire à faire pour améliorer les capacités et les
compétences du journaliste afin qu’il maîtrise les règles de base du
journalisme pour cerner le problème. Lé est le côté technique du métier....car c’est un métier et non une simple vocation. Mais, aussi, il lui faut aller jusqu’au fond des
choses et essayer de collecter le maximum d’informations à recouper, à
vérifier et à contrôler avant d’écrire, de les ordonner selon les règles
professionnelles (afin de faciliter la lecture et la compréhension) puis
de les diffuser. Malheureusement, avec les nouvelles formes
technologiques de communication, on se retrouve avec
beaucoup plus de « citoyens-journalistes » que de « journalistes
-citoyens » qui interviennent dans le processus. Les pseudos-journalistes
collectent et diffusent de l’info sans contrôler, sans vérifier et sans
recouper......c’est-à-dire le b.a ba
du vrai journalisme. Il est, ainsi, très difficile de distinguer le
vrai du faux de tout ce qui circule aujourd’hui sur les
réseaux sociaux, tout particulièrement Il y a beaucoup d’inexactitude et
surtout de l’incomplétude. Ajoutez-y des commentaires mal -intentionnés
ou/et orientés et tout cela va contribuer
à fausser la vision des choses, la compréhension des événements , générant des
équivoques malheureuses. Au final, cela crée des
problèmes entre individus, entre groupes, entre communautés et même entre
Etats.
Quels sont les défis du journalisme d’information à l’ère du développement
des médias numériques, mobiles et sociaux ?
Les défis à relever sont ceux de la formation et du perfectionnement. Il ne
faut pas oublier que le journalisme est un métier au sens complet du terme qui
nécessite une formation de base et une compréhension parfaite des règles d’éthique et de déontologie propres au
métier. Il faut donc, à la base, une formation
universitaire solide d’où l’intérêt d’améliorer ce volet pour pouvoir être au
diapason et au niveau des nécessités nouvelles.Quant
au perfectionnement, il y a , au recrutement et au départ, des encadrements
favorisant des insertions harmonieuses ....chaque média ayant ses spécificités,
ses spécialités et ses « orientations » . En ne perdant pas de vue que la société, notre société , aujourd’hui, demande
beaucoup plus d’informations, mais également de la précision, de l’exactitude,
de la complétude, parfois de manière ludique et toujours dans le cadre
d’une diffusion ultra -rapide.
Les réformes législatives et réglementaires opérées dans ce secteur
sont-elles à même d’assurer un équilibre entre liberté et
responsabilité ?
On le souhaite ardemment puisqu’on attendait ,
depuis des années , que les règlements soient adoptés, adaptés , précisés
et se multiplier dans le domaine de la l’information et communication. Il
y avait un grand vide, voire un « trou noir » qui a été creusé
à partir des années 90 et qui a duré jusqu’à un passé récent. Ces réformes vont
très probablement combler ce vide ou, au moins,
le réduire. Mais , ne pas oublier que des textes
adoptés ne sont acceptables et durables que s’ils sont correctement,
rigoureusement et justement appliqués ....à travers ,entre autres , les
Autorités et les Conseils de régulation qui sont annoncés. Cela est très
important, car ils permettront aux journalistes
de participer à la production de la nouvelle Communication dans la
nouvelle Algérie.
La réussite ne serait-elle pas tributaire de
la conscience socio-professionnelle du journaliste ?
Dans le cas où les problèmes de formation, de perfectionnement et de
l’intéressement à la marche des organes de presse persistent
, les lois seules ne suffisent pas. Tout en
demeurant, toutefois, une nécessité pour aiguiser la
confiance et l’engagement . Les aspects
moraux sont très importants. D’où un problème de conscience et de responsabilité conjugué à la liberté ! Cette
conscience doit être beaucoup plus aiguisée chez le journaliste
que chez le simple citoyen.Car, tout est
lié . Et , surtout ne pas s’enfermer dans trop
d’inquiétudes . Quoi qu’on dise de l’émergence et de la place qu’occupent
les réseaux sociaux, le citoyen restera toujours à l’écoute de sa société et
des pouvoirs politiques, économiques et sociaux à
travers les médias classiques . C’est pour cela que le niveau de conscience du journaliste doit être bien plus élevé que chez les
autres.
Comment les médias peuvent-ils défendre la ligne nationale authentique face
à cette explosion numérique ?
Lorsque le journaliste intègre le monde de la presse par formation et amour du métier et, aussi, par vocation , il
ne peut qu’être à la hauteur de ce qui lui est demandé, au niveau des principes
défendus par son organe de presse et auxquels il croit, il doit croire avant de
s’y engager . Le bon journaliste est celui qui est (et doit être) à la hauteur
d’une conscience qui fonctionne au diapason ou au rythme de sa société dans
toutes ses dimensions - sociologique, politique, économique, voire même
idéologique. Certes , c’est est une responsabilité
lourde à porter, avec même des moments très dangereux mais c’est un métier
parmi les plus nobles d’entre-tous.
Le Président de la République a instauré une nouvelle tradition, celle des
entrevues périodiques avec la presse…
Cette relation périodique avec les hauts responsables ,
relevant de la « Communication institutionnelle » a toujours été
réclamée. Certes , par le passé , on
a vu moult rencontres, hélas assez irrégulières. Aujourd’hui, il est très
positif de voir le Président de la République avoir, périodiquement et continuellement, des entretiens avec des journalistes
sur les grands sujets du moment et organiser des rencontres avec les
responsables des médias. On espère voir ces initiatives être imitées par le
reste des responsables et autres décideurs.....en
dehors des communiqués de presse habituels . Pour autant, le journaliste
ne doit pas passer son temps à aller « demander » des entretiens, car
à chacun son métier et , de plus , le temps de travail
des responsables et autres décideurs est compté .
PS : Pour simple information. Passage envoyé en retard et , donc, non publié : « De plus, point important,
il faut que le journaliste tienne compte des règles éthiques déontologiques en
vigueur dans la presse, à travers le temps et l’espace (la presse digne de ce
nom, cela va de soi ). Ces règles doivent être respectées (comme l’embargo et
le off the record et .................. la vie intime tant des responsables que
celle des citoyens ) et, aussi, séparer l’info du
commentaire afin de ne pas indyuire e,n erreur le lecteur ou l’auditeur ou le téléspectateur »