SANTE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- SOUVENIRS ET ESSAI FARID KACHA- “PAROLE DE PSYCHIATRE.ALGER
2021”
Parole de psychiatre. Alger 2021. Souvenirs et Essai de Farid
Kacha. Koukou Editions, Alger 2021, 234 pages, ,
1 000 dinars
A quelque chose malheur est bon, dit-on.
Il a donc fallu le confinement total -durant
plusieurs mois- dû à la pandémie de la Covid 19 pour que le Pr Kacha,
psychiatre connu et reconnu, aujourd’hui retraité, envisage enfin d’écrire . Au
départ ,sans autre objectif précis que de produire
« quelques pages » à propos de son métier. Le reste des pages et des
souvenirs et des observations est venu tout seul, le confinement ayant duré et,
comme s’il était passé de l’autre côté de la consultation, il s ’est lancé
à la « recherche du temps perdu » , pour
« laisser les souvenirs affectifs venir avec leur nostalgie » et
« tenter d’analyser le déroulement » de son passé professionnel. Il
est même allé plus loin que prévu puisque en fin d’ouvrage, il s’en ira
présenter les « incohérences du ministère de la Santé » et faire
« quelques propositions concrètes »
Ni histoire de la psychiatrie algérienne….qui, il faut le dire avec lui, s’est rapidement
construite, dans les conflits certes, mais régulièrement par étape, depuis plus
de cinquante années autour d’une petite poignée de soignants.
Ni histoire d’un ou de quelques patients…..encore que certains destins et péripéties de la vie
de quelques patients vont être repris brièvement, pour
« laisser les souvenirs affectifs venir avec leur nostalgie et tenter
d’analyser le déroulement de son passé professionnel.
Ni un « livre blanc de la
psychiatrie ».
En fait, un peu de tout et de tout un peu , en laissant « les souvenirs affectifs venir
avec leur nostalgie » et en tentant d’analyser le déroulement de son
propre passé professionnel . Avec cette orientation naturelle et compréhensible
de l’ouvrage sur l’expérience vécue du métier et de l’histoire personnelle
Tout cela va nous (lecteurs profanes)
donner une idée précise du développement de la
psychiatrie et de la place du psychiatre en Algérie.
Donc, pour ce « patchwork » de réflexions
et de souvenirs, quatre grands chapitres :
« Parole de confiance » (parole
et violence vécue, parole agressive, addictions, parole et silence, parole
apaisante et parole inquiétante, persécution, parole de témoin….) est , peut-être, la partie la plus théorique en ce sens que
l’auteur présente les aspects des multiples visages et de l’extraordinaire
richesse que la parole exprime et qui font l’objet de la spécialité….. « chacun
des cas présentés étant à lui seul un roman »
« Parole intime » (la motivation
comme nécessité, la médecine et la mort, la rencontre avec la psychiatrie….)
est une tentative de partage des motivations qui ont conduit à la psychiatrie
Dans « Pour ce qui rassemble »,
on entre , en quelque sorte dans le vif du sujet,
l’auteur se penchant un peu plus sur la relation psychiatrie et santé mentale.
Ici, il présentera en tant qu’expert quelques cas célèbres (l’affaire Boudiaf,
les prisonniers américains en Iran, le cas du président Wilson…)
Enfin dans « Parole d’hier et de
demain », on notera surtout l’hommage rendu aux premiers psychiatres (F.Fanon, K. Benmiloud, A. Porot) et aux initiateurs de la
psychiatrie algérienne à l’image de M. Boucebsi, Bachir Ridouh, Salim Kouachi,
Tedjiza, Kellou, Bakiri, Negadi, …..
L’Auteur : Farid Kacha est né en 1941 à Alger.
Docteur en médecine en 1968, Docteur en sciences médicales en 1979, Docent en
psychiatrie en 1981, professeur de psychiatrie en 1983, professeur émérite, il est , à partir de 1976 et durant plusieurs
décennies , chef de service hospitalo-universitaire de la clinique
psychiatrique de Cheraga. A partir de 1970, il a
été expert psychiatre près les tribunaux d'Alger.
Président de la Société algérienne de psychiatrie et membre
fondateur de nombreuses associations , dont l’association
franco-maghrébine de psychiatrie
Le Pr Kacha est l'auteur de plusieurs
ouvrages scientifiques et est collaborateur de plusieurs revues spécialisées
dont il est, bien souvent, membre du Conseil scientifique.
Table des matières : Prologue/ I.Parole en souffrance/II. Parole intime/
III. Parole qui rassemble/ IV. Parole d’hier et de demain/ Epilogue/
Bibliographie
Extraits : « Si on informe
régulièrement la population sur l’existence et la circulation des stupéfiants,
on ne les informe jamais du danger que ces produits provoquent et des
moyens de s’en prémunir » (p37), « Il n’y a pas de génération
spontanée, chacun de nous doit quelque chose et souvent beaucoup à ceux qui
l’ont précédé. Même nos aptitudes et nos qualités doivent beaucoup à nos
ascendants et à ceux qui ont contribué à notre éducation »
(p84), « C’est plus facile de dire que c’est l’individu qui est
malade ou simplement fragile puisqu’il n’arrive pas à s ’adapter à un
environnement inacceptable, plutôt que de remettre en cause le politique ou la
société « (p141), « Dans le monde actuel , la pensée
« conspirationniste », comme la pensée magique de nos ancêtres,
s’efforce d’introduire du sens et de la logique, une logique fût-elle
délirante, pour expliquer le cours des événements “ (p151),
Avis :Surtout, ne pas s’inquiéter, car , cette fois-ci, c’est le
psy’ qui est allongé sur le divan et il se confie -avec clarté et simplicité
-au lecteur. A lire avec attention, car, même si ce n’est nullement un traité
de psychiatrie, il y a, peut-être , quelque
part, une « réponse » à un problème ou à un questionnement sur ce pan
de la médecine…..encore incompris. Tout un monde !
Citations : « La parole peut
changer la trajectoire d’une vie, elle peut adoucir la plus bouleversante des
angoisses, elle peut donner du sens à nos émotions et sublimer nos
souffrances » (p17), « Nous ne connaissons de la réalité
que ce que nous en construisons. Il n’y a nulle part une réalité objective. Ce
que nous nommons réalité est une construction à partir d’expériences
vécues » (p28), « Dire, c’est en même temps exprimer,
partager puis effacer. C’est comme une vie, elle naît, elle s’exprime, elle se
partage puis s’efface pour donner sens à notre destin » (p47),
« L’écriture est une parole qui ne cesse de nous échapper » (p64),
« Un problème cesse d’être philosophique dès qu’il est possible de
l’accompagner pour tenter de le résoudre » (p66), « Le bonheur est
comme la santé, lorsqu’il est là, on ne le remarque pas » (p68),
« Toute mort volontaire est le résultat d’une souffrance et elle laisse
derrière elle une avalanche de questions et de culpabilités (p 89), « Le
psychiatre ne familiarise pas avec la mort physique , mais avec l’idée de la
mort ( p 98), « Un diplôme ne peut valoir que ce que vaut la personne qui
le porte « (p119), « Aucun peuple n’est violent mais tous les peuples
peuvent le devenir (…). L’Humanité est composée d’hommes ordinaires capables de
devenir des bourreaux volontaires si les circonstances le permettent » ( p143)