FINANCES- ENQUETES ET REPORTAGES- LUTTE CONTRE LA CORRUPTION/ VENTES
AUX ENCHÈRES BIENS RÉCUPÉRÉS (2023)
© Neila
Benrahal/ El Moudjahid, 27 septembre 2023
La lutte contre la corruption
passe à une nouvelle étape. Des ventes aux enchères de biens mobiliers
confisqués par la justice seront organisées dans les prochains jours par les
services de la Direction générale des Domaines. Selon des juristes, cette
opération s’inscrit dans le cadre de l’exécution des jugements définitifs
prononcés par la Cour suprême. En effet, plusieurs pourvois en cassation des
accusés condamnés par la chambre pénale près la cour d’Alger ont été rejetés,
et les jugements sont devenus ainsi définitifs. Outre les peines de prison
ferme, les jugements consistent également en la confiscation des biens
mobiliers et immobiliers, et comptes bancaires. Ainsi, la mise en vente aux
enchères est «un passage à l’acte» et «exécution des
jugements définitifs», précisent des juristes. Il s’agit de biens confisqués
d’anciens hauts responsables, d’anciens Premiers ministres, d’anciens
ministres, walis et hommes d’affaires. Les ventes aux enchères programmées en
octobre prochain consistent en des meubles de maison (chambres à coucher
équipées), des équipements électroménagers, des équipements ménagers, des
vêtements saisis et confisqués par la justice, à savoir le pôle pénal
économique et financier de Sidi M’hamed. Ces objets
seront mis à la vente aux enchères par les inspections de la DGDN à Draria, à Sidi M’hamed, à Rouiba, à Dar El- Beida, à Zéralda,
à Bir Mourad-Raïs et à Chéraga.
Les ventes aux enchères se déroulent sous des formes traditionnelles, à savoir
la publication de placards annonçant la mise en vente de ce qui a été récupéré.
Un avis de mise en vente est annoncé publiquement par les Domaines et un prix
de départ de base est affiché, avec des conditions préconisant que les
acheteurs potentiels doivent être de nationalité algérienne. La vente concerne
aussi les biens immobiliers répertoriés Des listes des saisies détaillées ont
été établies, dans le cadre des enquêtes judiciaires. Elles comportent des
appartements et villas, de terrains, de bureaux, des véhicules haut de gamme et
de bateaux de plaisance, ainsi que des comptes bancaires et des entreprises.
Selon Me Khadidja Meslem,
avocate et consultante judiciaire, les ventes aux enchères des biens issus de
corruption vont permettre de couvrir les préjudices causés au Trésor public sur
la base des jugements définitifs prononcés par la justice, ainsi que les
amendes et les indemnités au profit des institutions constituées partie civile
dans les procès anti-corruption. Tous les procès qui se sont déroulés au cours
de ces trois dernières années ont démontré que des anciens hauts responsables
et anciens hommes d’affaires ont causé un grand préjudice au Trésor public,
notamment par l’octroi et l’obtention de crédits bancaires sans remboursement.
L'État a récupéré pour plus de 22 milliards USD de fonds et de biens pillés à
l'intérieur du pays et à l'étranger, a affirmé le président de la République, Abdelmadjid
Tebboune, assurant de la poursuite des enquêtes dans les affaires de
corruption. «Les enquêtes ont révélé, à titre
d'exemple, que la valeur de l'usine d'Oran récupérée s'élevait à environ 750
millions d'euros», a indiqué le chef de l’État, lors d’une entrevue avec des
médias nationaux. Une liste provisoire L’ancien homme d’affaires Mahieddine Tahkout vient en tête
des personnes condamnées pour corruption par de lourdes amendes. Le préjudice a
été évalué à 309 milliards de centimes. En outre, les anciens hommes d’affaires
Ahmed Maâzouz, Hassan Larbaoui
(ex-propriétaire de KIA) et Mohamed Baïri cumulent, à
titre d’exemple, à eux seuls, un préjudice s’élevant à 127.000 milliards de DA.
De même pour Mourad Oulmi, ancien patron de SOVAC, et
les frères Kouninef, ayant causé respectivement 223
milliards de DA et 275 milliards de préjudice au Trésor public. Concernant les
entreprises confisquées, les unités de production les plus importantes et
pouvant participer au développement économique national ont été «nationalisées» et récupérées par l’État, à l’instar de
l’usine de production d’huile appartenant aux frères Kouninef.
Le Conseil des participations de l’État a également décidé de transférer
l’usine sucrière de Khemis El-Khechna,
appartenant à l’homme d’affaires Maâzouz,
actuellement en détention, vers le complexe public Madar.
L’entreprise du transport universitaire de Mahieddine
Tahkout allait être placée sous la tutelle du
ministère des Transports, sous l’appellation de «Transport
et service pour l’universitaire». De même pour l’ETRHB d’Ali Haddad. Par
ailleurs, plusieurs assiettes du foncier industriel détournées ou inexploitées
ont été récupérées, dans le cadre des enquêtes anti-corruption, et seront
confiées à l’Agence nationale du foncier industriel «ANFI».
Cette agence, créée sur instruction du président de la République Abdelmadjid
Tebboune, procédera à l'achat des assiettes foncières destinées à
l'investissement relevant des zones industrielles. La liste des biens mal
acquis confisqués par la justice sera allongée, avec la poursuite des procès
liés à la corruption, qui se tiendront durant le mois d’octobre prochain (2023) au niveau du pôle
pénal économique et financier de Sidi M’hamed
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La vente aux enchères des
biens mal acquis issus de corruption démontre que «l’État
œuvre pour l’exécution des jugements définitifs. C’est une procédure légale et juste», affirme Me Khadidja Meslem, avocate, enseignante universitaire et consultante
judiciaire, à El Moudjahid. La valeur des sommes d’argent issues de ces ventes
sera destinée à couvrir les amendes et les indemnités dans les jugements
prononcés contre les personnes condamnées pour des crimes de corruption. «Les revenus des ventes seront versés dans le Fonds devant
accueillir les fonds et biens détournés et confisqués, en vertu de décisions de
justice, dans le cadre des affaires de lutte contre la corruption. C’est un
compte spécial ouvert au niveau du Trésor public»,
précise la juriste. De même pour les sommes d’argent dans les comptes bancaires
saisies ou l’argent saisi lors des perquisitions des domiciles des mis en cause
dans des affaires de corruption. L’enseignante universitaire a indiqué que les
ventes aux enchères concernent les objets répertoriés, notamment les biens
meublés, à savoir les meubles, les bijoux, les avions, les véhicules, les
motos, le jetskies et les antiquités. À une question
sur les villas et les appartements confisqués, l’avocate a indiqué que «cette procédure prend du temps, car elle est soumise à
l’expertise et à une procédure longue». Elle a relevé la présence d’un huissier
de justice dans les ventes aux enchères qui étaient limitées aux
commissaires-priseurs, suite au dernier amendement de la loi sur la profession
d’huissier de justice. Me. Meslem a plaidé pour la
gestion des biens issus de corruption par l’Agence nationale chargée de la
récupération des biens et fonds confisqués sur instruction du Président
Tebboune. «Elle sera chargée de cette mission et dotée
de plusieurs mécanismes, notamment judiciaires», relève-t-elle