COMMUNICATION- ETRANGER- LE MONDE (QUOTIDIEN/FRANCE) /CAPITAL
2023
(Septembre 2023) : Le
milliardaire Xavier Niel renforce sa position au capital du groupe Le Monde
en rachetant, avec l'assentiment des salariés, la part détenue par l'homme
d'affaires tchèque Daniel Kretinsky, qui va se
concentrer sur d'autres médias. Au terme de cette opération, de près de 50
millions d'euros, selon le Financial Times, le groupe Le Monde (le
journal Le Monde, Télérama, Courrier
International...) sera pour l'essentiel détenu par le milliardaire des
télécoms, via le Fonds pour l'indépendance de la presse qu'il a créé en 2021 et
qui rend statutairement incessible son capital, et par le « pôle
d'indépendance », qui regroupe notamment la société des rédacteurs et
la société des lecteurs du Monde.
L'opération a été approuvée par ce pôle
d'indépendance, comme le prévoient les statuts du groupe destinés à séparer le
contrôle capitalistique et éditorial. Le feu vert a même été donné « à
l'unanimité » : les rédactions du Monde sont d'autant plus satisfaites
que « la confiance n'avait jamais été établie » avec Daniel Kretinsky, 48 ans, a expliqué à l'AFP une source proche du
pôle d'indépendance. L'homme d'affaires tchèque était entré au capital en 2018
sans solliciter son agrément, en rachetant des parts d'un autre homme
d'affaires, Matthieu Pigasse. Cet épisode avait fait
suite à la recapitalisation houleuse du groupe en 2010 par un trio formé par
Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé. A
terme, Xavier Niel, 56 ans, devrait « logiquement » récupérer
les parts restantes de Pierre Bergé (sur lesquelles un contentieux est en cours
avec son héritier), celles de Matthieu Pigasse, qui a
prévu de continuer à se désengager, ainsi que la part du groupe de médias
espagnol Prisa, selon cette source.
Outre le groupe Le Monde, Xavier Niel (6,3 milliards
de dollars de fortune, soit 5,9 milliards d'euros) est actionnaire de Nice-Matin, France-Antilles ou
de Paris-Turf. Il a financé la création du média économique
d'investigation en ligne L'Informé. L'homme d'affaires renforce
ainsi sa place dans un paysage médiatique français marqué ces dernières années
par de nombreuses opérations de concentration. Leur succession a suscité des
inquiétudes sur l'indépendance de la presse, l'un des sujets sur lesquels
devraient se pencher les Etats généraux de l'information, qui seront lancés
début octobre. De son côté, Daniel Kretinsky n'a pas
l'intention de se retirer du jeu médiatique tricolore, où il a multiplié les
investissements. Sa holding a précisé qu'il « continuera à soutenir des
titres français et à garantir leur indépendance en tant qu'actionnaire »
par exemple chez Elle, Marianne ou la revue Franc-Tireur,
« ou en tant que prêteur » pour le quotidien Libération,
qu'il a renfloué à hauteur de 15 millions d'euros.
Opposés sur le sauvetage de Casino
« A l'heure de grands changements
capitalistiques dans la presse française, nous souhaitons apporter les moyens
nécessaires aux titres qui en ont besoin et que nous soutenons dans leurs projets
de développement, tout en respectant absolument et pleinement leur liberté
éditoriale », a souligné sa holding. « La vocation de Daniel Kretinsky est d'aider des médias qui en ont besoin et qui
le veulent bien », a expliqué l'un de ses proches à l'AFP, soulignant
que la rédaction de Libération, contrairement à celle du Monde,
n'avait « pas d'hostilité » envers lui. Daniel Kretinsky, 48 ans et dont la fortune s'élève à 9,2
milliards de dollars (environ 8,6 milliards d'euros) selon Forbes,
a commencé à investir en France en 2018. Outre les médias, il détient des
participations dans la distribution (Fnac Darty) et l'industrie
(essentiellement dans l'énergie). Co-actionnaires jusqu'à présent du groupe Le
Monde, Xavier Niel et Daniel Kretinsky se séparent
après s'être opposés comme candidats au sauvetage du distributeur Casino, en
grande difficulté. Le Tchèque a finalement emporté le morceau cet été, avec des
alliés. « Le dossier Casino n'est pas la cause » de son départ
du Monde, « même si cela n'a pas aidé », a confié son
entourage à l'AFP, assurant que « les relations sont courtoises ».