RELATIONS
INTERNATIONALES -BRICS- BRICS/ANALYSE DR GOUMIRI MOURAD
© Entretien in El Watan du
mardi 22 Août 2023.
Mourad Goumiri, docteur d’Etat en sciences économiques, parle
des principaux enjeux de la rencontre.,
à Johannesburg, des Brics
- Les travaux du sommet des BRICS commencent aujourd’hui mardi 22 août.
Pourriez-vous expliquer ce qu’est le groupe BRICS ?
Avant de répondre à votre question, un retour en arrière est nécessaire
pour aborder la question du G7, réunion des nations les plus industrialisées.
Il comprend le Canada et les Etats-Unis d’Amérique du Nord, le Royaume-Uni,
l’Allemagne, la France et l’Italie en Europe, et le Japon en Asie. Cependant,
un grand absent se dégage de ce forum déterminant les affaires mondiales : les
pays émergents, comme la Chine, le Brésil et d’autres.
A mesure que leurs parts dans l’économie globale augmentent, ils aspirent à
défendre leurs intérêts. Ainsi, ils ont formé les BRICS, à l’origine avec
quatre ou cinq membres : Brésil, Russie, Inde et Chine.
Plus tard, l’Afrique a été incluse via l’Afrique du Sud, complétant ainsi
les BRICS. Ces pays, unis au sein des BRICS, revendiquent leurs places et
intérêts sur la scène mondiale, évitant que les décisions économiques majeures
soient prises exclusivement par le G7. En effet, ces pays, au développement
grandissant, désirent discuter et sécuriser leurs intérêts.
D’autres pays sont attirés par le groupe BRICS, car ils partagent des
intérêts similaires. Le concept de Sud Global émerge, reflétant une nouvelle
géopolitique et géostratégie, nécessitant une alternative au néocolonialisme,
notamment par le multilatéralisme.
Cette dynamique émerge de la Seconde Guerre mondiale, des accords de
Bretton Woods, de la Banque mondiale, du FMI et du GATT, institutions
multilatérales façonnant toujours l’économie mondiale sans l’inclusion complète
des pays émergents. - En quoi consiste exactement le rôle des BRICS ?
Pourquoi exercent-ils tant d’attraction sur les pays du Sud ?
Les cinq nations, réunies au sein des BRICS, souhaitent influencer la
géopolitique mondiale en défendant leurs intérêts. Au fil du temps, la Chine a
émergé de la dépendance économique pour devenir l’atelier du monde, affichant
d’énormes excédents dans sa balance de paiements en investissant à travers le
monde.
D’autres pays, tels que le Brésil et l’Inde, ont également gagné en
importance sur la scène mondiale, désirant protéger leurs intérêts, en
particulier leurs ports, contre les pays industrialisés.
Les perspectives d’avenir pour les BRICS sont prometteuses mais aussi
complexes. Le groupe a déjà démontré sa capacité à s’imposer sur la scène
mondiale en tant qu’acteur économique majeur. Sa croissance économique rapide
et ses populations importantes lui confèrent une influence grandissante.
Les BRICS ont également la possibilité de rééquilibrer les dynamiques
économiques mondiales en offrant une alternative aux institutions financières
dominées par les pays industrialisés. Les pays qui souhaitent y adhérer veulent
justement profiter de cette notoriété et de ce poids pour protéger leurs
intérêts. L’Algérie en fait partie.
- Cette année marque la 15e édition du sommet des BRICS, se tenant du 22 au
24 août. Pourquoi une telle attention cette année ?
Il y a une forte attention cette année, car de nombreux pays estiment
qu’ils ne trouvent pas leur place au sein du G7, groupe de nations
industrialisées. Intégrer les BRICS leur offrirait une meilleure protection de
leurs intérêts. Les sanctions, imposées par les Etats-Unis, comme avec l’Iran,
inquiètent de nombreux pays, qui craignent d’être sanctionnés s’ils ne
respectent pas les demandes américaines.
Les Etats-Unis ont externalisé leur système judiciaire, permettant à
n’importe quel juge américain de prendre des décisions à l’échelle mondiale.
Cette réalité incite les pays à chercher des alternatives pour protéger leurs
intérêts.
- Quels sont les critères pour adhérer à ce groupe sélect ?
Les BRICS possèdent des règles internes pour l’adhésion, permettant à
d’autres pays de devenir membres ou observateurs, voire de sortir. Les critères
économiques stricts sont primordiaux, tels que le PIB et la participation au
commerce international. Les pays, souhaitant y adhérer, doivent répondre à ces
seuils minimaux.
Deux types d’adhésion existent : membre à part entière ou observateur. Etre observateur n’est pas une position inférieure, mais
une étape vers une adhésion complète. Les observateurs contribuent aux débats,
mais ne possèdent pas de droit de vote, en attendant de remplir les critères.
- L’Algérie a annoncé, officiellement, demander à rejoindre les BRICS. Quel
intérêt pour notre pays d’adhérer aux BRICS et réciproquement ?
L’Algérie voit dans son adhésion aux BRICS l’opportunité de défendre ses
intérêts nationaux au sein d’un groupe puissant, ce qui ouvre des horizons
prometteurs pour le pays. L’Algérie aspire à devenir une plateforme régionale
de commerce et d’investissement pour les autres membres des BRICS, ainsi que
pour d’autres pays partenaires.
Cette ambition s’explique par plusieurs facteurs géographiques et
géopolitiques. L’Algérie occupe une position stratégique qui la place à la fois
en Afrique et à proximité de l’Europe. Sa position géographique unique lui
permet de servir de lien entre les continents africain, européen et arabe.
Cette dimension multi-facettes fait de l’Algérie un point d’entrée attrayant pour les pays membres des
BRICS, notamment l’Inde, la Chine et le Brésil, qui cherchent à étendre leurs
investissements et leur influence dans cette région dynamique.
De plus, l’Algérie est membre de la Ligue arabe, renforçant davantage son
rôle de pont entre les mondes arabe et africain. L’Algérie envisage ainsi de
développer son industrie et son commerce en tirant parti de sa situation
géopolitique privilégiée.
Cependant, à mesure que le nombre de membres des BRICS augmente, cette
possibilité pourrait également croître, suscitant des réflexions sur la manière
de gérer cette extension tout en maintenant une dynamique positive.
La question se pose alors : la relation entre les BRICS et les pays
industrialisés du G7 sera-t-elle caractérisée par une confrontation ou une
complémentarité ? Cette réflexion témoigne des défis et des opportunités qui se
présentent à mesure que les BRICS continuent d’évoluer et d’interagir avec le
reste du monde.
- Lors de sa dernière rencontre avec les médias, le chef de l’Etat a
souligné que l’Algérie avait de grandes chances d’intégrer les BRICS.
Remplit-on les critères nécessaires pour adhérer comme membre observateur ou à
part entière à ce groupe ?
L’adhésion en tant que membre à part entière n’est pas encore envisageable.
Nous n’atteignons pas les critères requis en termes de PIB, de position dans le
commerce mondial, et de diversification économique. Cependant, l’économie
progresse avec des investissements et des programmes en cours.
Comme je l’ai déjà dit, l’adhésion en tant qu’observateur n’est pas une
position inférieure. C’est une étape avant de devenir membre à part entière.
Les observateurs ne disposent pas du droit de vote, mais ils contribuent aux
débats et peuvent progresser vers une adhésion totale en remplissant les
critères.
Maintenant, si les BRICS décident d’accepter l’adhésion de l’Algérie en
tant que membre à part entière, ils vont créer un précédent qui n’est pas dans
l’intérêt du groupe. Ceci notamment dans cette période où près de 23 pays
frappent à leur porte. Des pays dont les conditions d’adhésion sont meilleures
que les nôtres.
- Quels sont les rôles de la nouvelle banque de développement des BRICS ?
Lors de sa création en 1944, la Banque mondiale avait pour objectif la
reconstruction, principalement de l’Europe dévastée. Cependant, son rôle a
évolué pour inclure les pays en développement. La construction de la Banque
mondiale et du FMI dépendait des contributions des pays, accordant davantage de
poids aux plus grands contributeurs. Cette réalité confère un pouvoir
disproportionné aux pays tels que les Etats-Unis.
La nouvelle banque de développement des BRICS, en mobilisant des ressources
pour le développement, présente un potentiel de transformation, pouvant
rivaliser avec la Banque mondiale. La nouvelle banque de développement des
BRICS est une alternative et bien plus encore.
Si tous les pays membres de la Banque mondiale rejoignaient la nouvelle
banque de développement, cela affaiblirait considérablement la Banque mondiale.
Cette nouvelle institution pourrait devenir une alternative crédible, mobilisant
des ressources pour le développement tout en réduisant l’influence de la Banque
mondiale.
Les missions de la nouvelle banque de développement des BRICS sont
multiples et stratégiques. Contrairement à la Banque mondiale, dont les débuts
étaient axés sur la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre
mondiale, cette nouvelle institution vise à soutenir le développement des pays
membres et à offrir une alternative aux mécanismes de financement
traditionnels.
Son rôle est de financer des projets d’infrastructures, de développement
durable et d’autres initiatives économiques majeures dans les pays membres.
La nouvelle banque de développement des BRICS agit également comme un
contrepoids aux institutions financières internationales existantes, dont le fonctionnement
est souvent critiqué pour favoriser les pays industrialisés au détriment des
nations en développement.
Par le biais de cette institution, les pays émergents ont l’opportunité de
prendre le contrôle de leur propre développement en finançant des projets qui
répondent à leurs besoins spécifiques.
Cela permet également de renforcer les liens entre les pays membres et de
favoriser un échange de connaissances et de technologies. En fin de compte, la
nouvelle banque de développement des BRICS reflète la volonté des nations
émergentes de jouer un rôle plus actif sur la scène économique mondiale et de
remettre en question le statu quo établi par les institutions financières
traditionnelles.