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Miliana

Date de création: 23-08-2023 18:42
Dernière mise à jour: 23-08-2023 18:42
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HABITAT- VILLE- MILIANA

©Adil Messaoudi/El Moudjahid, 23 août 2023

Miliana est une ville relevant de la wilaya d’Aïn Defla, située à quelque 30 km du chef-lieu de la wilaya et à 110 km au sud-ouest d’Alger, bâtie à 740 m d'altitude sur les contreforts du mont Zaccar, dominant la vallée du Chéliff.

La ville millénaire de Miliana est née de sa position stratégique qui en a fait une cité conquise et reconquise tout au long de son histoire. Elle a eu plusieurs appellations. Les anciens historiens comme Pline l'Ancien et Ptolémée ont eu des divergences quant à l'origine du toponyme de cette localité. Plusieurs appellations ont été citées telles que Zucchabar ou Sugabar et Manliana ou encore Malliana. Le toponyme Zucchabar ou Sugabar a été mentionné dans les monuments épigraphiques indiquant l'emplacement de la cité. Ce nom serait d'importation phénicienne ou libyco-berbère, signifiant «marché du blé». Quant au de nom de Manliana ou Malliana, il est cité dans l'antiquité pour une agglomération située à l'emplacement actuel de la ville ou dans ses environs et Saint Augustin évoque un évêque de cette cité. Ce nom d'origine latine est attribué à la fille d’une famille patricienne romaine (Manlia) propriétaire de grands domaines dans cette région agricole de la vallée du Chélif. Mais selon d'autres auteurs, ce nom est berbère. Pline a, quant à lui, qualifié cette cité de Colonia Augusta. À l'arrivée des Arabes, la ville prit le toponyme de Mel-Ana, qui signifie «emplie de richesses», puis Milyana. À l'instar des autres villes du Maghreb, Miliana a connu plusieurs conquêtes ainsi que des troubles politiques. Selon les divers travaux des historiens et des archéologues, l'origine de la ville remonte à la Préhistoire. En effet, les recherches effectuées en 1961 dans la zone nord de la ville ont révélé des traces d'une industrie qui remonte à l'Atérien et au Capsien (Paléolithique moyen d'Afrique du Nord). Par la suite, les Phéniciens, déjà installés à Césarée (Cherchell), firent de Miliana et de sa région un centre économique important et stratégique au centre du dispositif de sécurité des royaumes berbères. Durant l'occupation romaine, Miliana fut l'une des grandes cités de la province de Maurétanie césarienne. Les historiens rapportent que grâce à son site fortifié, en l'an 375, le général romain Théodore, évacuant Césarée (Cherchell), vint occuper Sugabar pour réprimer l'insurrection qu'a menée Firmus, un chef berbère. L'arrivée des Vandales au Ve siècle, par la suite, effaça la ville et avec elle tous ses vestiges historiques.

 

Il faudra attendre l'arrivée des Fatimides, durant les années 372-380 de l'Hégire (972-980 de l'ère chrétienne) pour que renaisse Miliana sous le règne du maître incontesté d'Ifrikya, Bolokein, et devint, un certain temps, la capitale du Maghreb. Ibn Hawqai n'a pas été le seul voyageur à citer Miliana. Il y a eu aussi Ibn Maachara El Abdari ainsi que le célèbre Ibn Batouta et Ibn Khaldoun, l'illustre sociologue qui, en 774-1372, décrit la ville de Miliana comme «une cité faisant partie du domaine des Maghrawa Beni Warsifen et que Bologhin a tracé le plan des villes d'Alger, de Miliana et de Médéa». Selon les écrits des historiens, Miliana a, depuis des siècles, été une ville et une position stratégique conquise et reconquise au gré des conquêtes qui se sont succédé. Déjà Youssef Ibn Tachfine, chef des Almoravides, occupa Alger, Médéa et Miliana en 473 de l'Hégire (1081 de l'ère chrétienne) et 75 ans plus tard, en 1159, elle fit partie de l'empire almohade et subit le siège des Beni Ghania en 1184. Un siècle après, en 1261, Miliana est assiégée par les Hafsides de Tunis venus prêter main-forte à leurs alliés les Beni Toudjine qui étaient en possession de la ville. Un demi-siècle plus tard (1308), les Zianides conquirent la majorité des villes du centre du Maghreb, y compris Miliana. A son tour, le Sultan de Ténès, Abou Abdallah Mohamed El Moutawakil, en 1461, prit Miliana et Médéa et souleva une armée pour conquérir Beni Rached, Mostaganem et Tlemcen. A l'avènement de l'armée turque, au milieu du XVIe siècle, en 1517, appelée pour contrecarrer les convoitises des Espagnols encouragés par quelques victoires remportées à l'Ouest, la puissance turque imposa dans les principales villes une organisation administrative et militaire de la région nord à l'image de celle en vigueur dans l'Empire ottoman, une organisation très hiérarchisée sous l'autorité du gouverneur général Khair Eddine Bacha, dit Barberousse, régent d'Alger et grand amiral. A cette époque, Miliana prit un rôle prépondérant et devint un centre de rayonnement religieux et culturel sur l'ensemble de la région.

 

 Après la prise d'Alger en 1830, les Français se heurtent à la résistance de la population qui fait allégeance à l'Emir Abdelkader qui installe à Miliana un califat en 1835. Par la suite, la ville est occupée en 1840 par les troupes du maréchal Valée, mais la garnison est assiégée à plusieurs reprises par Mohamed Ben Allel (une figure centrale de la résistance à la conquête de l'Algérie par la France, descendant d'une grande famille maraboutique de Koléa. Des renforts furent alors dépêchés d'Alger par le maréchal Bugeaud pour approvisionner les assiégés. Ben Allel meurt en 1843 et les troupes françaises incendient la cité en 1844 pour déloger les partisans de l'Emir. Miliana, ce n’est pas seulement une ville avec une histoire associée à des visages révolutionnaires qui ont confronté le colonialisme français, comme Mustapha Ferroukhi , comme le martyr Ali La pointe, le martyr Ahmed Bouguerra dit Si M’hamed et le précurseur du scoutisme algérien Mohamed Bouras, elle dispose d’un riche patrimoine qui lui a valu d’être classée secteur sauvegardé et qui attend d’être valorisé. Il serait vain de parler de Miliana sans évoquer la vie de son saint tutélaire, Sidi Ahmed Benyoucef dont la mémoire est perpétuée chaque année par le «Rakb». Il s’agit d’une tradition de la tribu berbère des Beni Farah et de la région. C’est un pèlerinage annuel dans l'enceinte du mausolée de Sidi Ahmed Benyoucef. Des centaines de pèlerins venus de plusieurs régions du pays entament leur procession à partir de la ville de Messelmoune (wilaya de Tipaza) jusqu'au mausolée du saint. Selon diverses sources écrites concordantes, Sidi Ahmed Benyoucef est né en 1434 à la Kalaâ des Béni Rached, dans la région de Mascara, d'où son nom Ahmed Benyoucef Er-Rachidi. Il est décrit comme un homme d'une grande piété, un mystique adepte de la confrérie Echadhilya, tout comme on dit qu'il a été le condisciple de Sidi Boumediene de Tlemcen et de Sidi El houari d'Oran, féru d'agronomie et d'agriculture. Sidi Ahmed Benyoucef était un érudit respecté, dont le savoir religieux est incontesté par les ulémas de son époque, qui rencontra Baba Aroudj sur la berge d’une plage d’Oran. Subjugué par ses réponses, Baba Arroudj s’émerveilla de la personnalité de Sidi Ahmed Benyahia qui fut l’un des farouches opposants aux Espagnols et à leurs alliés. Depuis et jusqu’à nos jours, le parcours et les paroles de Sidi Ahmed Benyoucef, dont la quête pour la science est désormais proverbiale, sont ancrés dans la mémoire collective à Miliana. Son legs est jalousement préservé, car il représente un pan entier de l’histoire de Miliana et de l’Algérie. La confrérie de Sidi Ahmed Benyoucef à Miliana, est l’une des plus anciennes zaouïas d’Algérie. Elle a été fondée dans la première moitié du XVIe siècle, soit quatre ans après la mort du saint patron de la ville, dont elle porte le nom. Depuis 1530, la zaouia, qui abrite le mausolée de Sidi-Ahmed Benyoucef, attire étudiants et pèlerins de toute la partie centrale du pays et même au-delà. De tout temps, elle a été un phare d’un islam tolérant. Des oulémas, des imams et des tolba, venus des quatre coins d’Algérie, y ont été initiés aux sciences du Coran et de la sunna. Depuis des siècles, elle s’est érigée contre l’obscurantisme et a combattu le prosélytisme et l’acculturation, notamment durant la longue nuit coloniale. D’ailleurs, en 1840, son siège lui a été spolié par l’armée coloniale pour en faire son quartier général. Adepte de la voie spirituelle Echadhiliyya, la confrérie a été et est de nos jours le lieu de convergence des démunis et des gens de passage.

 

 Par ailleurs, la fête des cerises de Miliana, est une manifestation socioculturelle qui se déroule se déroule durant la dernière semaine du mois de juin. Elle a été célébrée pour la première fois aux lendemains de l'indépendance du pays, pour permettre aux visiteurs de découvrir les us et coutumes de la ville et de déguster les différentes confiseries faites à base de cerise. Elle a connu une rupture d'une décennie, puis est à nouveau célébrée dans le cadre d'un plan de réhabilitation des fêtes locales spécifiques à la wilaya d'Aïn Defla. Quelques monuments qui remontent du XVIIe siècle subsistent de nos jours telle l’ancienne demeure de l'Emir Abdelkader, qui est un édifice de style mauresque situé en plein centre-ville. Le bâtiment a été restauré et aménagé en musée de Miliana. Il comprend plusieurs salles d'expositions sur l’histoire de la région tels des vestiges archéologiques des époques romaine et musulmane, les résistances populaires pendant la conquête de l'Algérie par la France et également des objets ethnographiques du Sud algérien. En sus, le minaret El-Batha faisait partie d’une ancienne mosquée dite djemaâ ElTurc ou djemaâ El-Batha. Elle fut détruite vers 1844 pour aménager une place publique et son minaret a été transformé en horloge. Il y a aussi la manufacture d’armes de l’Emir Abdelkader, située dans la banlieue Est de la ville. Cette usine a été édifiée par l’Emir vers 1839. Elle était gérée par Alquier Cazes, un ingénieur minéralogiste déserteur de l’armée française avec l’aide des ouvriers européens et cela en vertu du traité de la Tafna. Elle fut détruite et abandonnée par l’Emir lors de la prise de Miliana le 8 juin 1840. Ce bâtiment fut transformé à partir de 1845 en moulin à farine. En 2005, le site a fait l'objet de travaux de réhabilitation et a été transformé, depuis, en musée témoin d'une étape importante du parcours de l'Emir Abdelkader. Aujourd’hui, Miliana se fait appeler «ville d'art et d'histoire» car elle est connue pour ses troupes théâtrales et leurs productions et œuvres présentées à travers le pays mais aussi à l'étranger. De Miliana tout le monde garde le souvenir de la place des Charbonniers où a été tournée une partie du film «Beni Hendel» (Les Déracinés), réalisé en 1976 avec une pléiade d'artistes tels que feu Hassan El Hassani, Kaltoum et Omar Zebdi.