HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN DE SAÂD SAID-
« LES TRANCHÉES DE L’IMPOSTURE »
Les tranchées de l’imposture. Roman de Saad Saïd, El Dar El Othmania,
édition et distribution, Alger 2018, p 242, 650 dinars
Le vécu des dizaines de milliers
d’Algériens qui ont combattu pour la France durant la
Seconde Guerre mondiale (un
récit puisé, semble-t-il dans celui du père de l’auteur qui y a participé) . Des « indigènes » , parfois sinon
toujours incorporés d’office , qui se sont illustrés dans de nombreuses batailles, de Verdun à Monte Cassino, ou
lors du débarquement de
Provence. Partis pour effectuer le service militaire ou enrôlés
dans le cadre de la mobilisation générale
forcée, ils se retrouvent
, parfois parmi les
plus mal armés des troupes dites
coloniales (en compagnie
des noirs africains et de quelques
juifs déchus de la nationalité française par le
régime pétainiste qui a brillé
en Algérie) entraînés dans une guerre qu’ils découvrent dans toutes ses atrocités.
Ils sont ,souvent , sinon toujours, envoyés en première ligne dans les sections d’assaut
et les soldats dits indigènes paieront un tribut bien plus lourd que ceux de la Métropole. Ils vont découvrir
l’horreur de la guerre. Dans les postes
les plus exposés, ils s’habituent
à voir des visages brûlés
par le gaz, des corps amputés
et des tranchées pleines de
corps couverts de sang, d’excréments
et de boue.Le plus dramatique
, c’est qu’ils ont laissé derrière eux parents, femmes et enfants dont
ils étaient pour la plupart les soutiens uniques dans un environnement économique et agricole dominé par les colons et leurs serviteurs.Le plus tragique, c’est que de retour de la guerre, ils
retrouveront une réalité sanglante , avec les
massacres collectifs suite aux manifestations nationalistes pacifiques du 8 mai 45....à Sétif et ailleurs à travers le pays. Populations exterminées
, douars , demeures,
vergers et cheptels détruits,
familles éparpillées ou emprisonnées,.....C’est là toute
l’histoire d’Ali du village
de Kabylie, Sidi Bouzid. Il raconte
sa naissance , son enfance,
sa prime jeunesse....son mariage,
le bonheur de sa mère et de
son père....loin des pressions de la ville.....et avec ,pour seule tâche au tableau, la présence
d’un Caïd dictatorial au service exclusif des autorités coloniales....passant son temps à chasser
les idées nationalistes
et indépendantistes qui commençaient
à fleurir.Une histoire qui
se continue en France à travers les champs de bataille de la 2 ème
guerre dite mondiale, servant d’avant-garde
et de bouclier face aux occupants nazis. Certes, Ali reviendra sain et sauf au pays ....mais pour y découvrir, en mai 45,les horreurs
commises par l’armée coloniale et les milices pieds noirs.Il se révoltera et finira en prison.Plus tard , bien après l’indépendance, il racontera sa souffrance et celle de ses frères , ainsi que leurs exploits, aux
descendants de certains de ses
frères de combat
L’Auteur : Né en
1955 en Kabylie. Etudes en langues étrangères,
traducteur puis journaliste à l’Aps (Algérie presse service)durant 32 ans .Grand
reporter spécialisé , il a été
, aussi, correspondant
permanent de presse à Londres.
A déjà publié plusieurs
romans.
Extraits : « Si le ciel était une
grande feuille et la mer un encrier, alors j’aurais de quoi remplir le ciel des meurtres commis sur des Arabes sans défense et des taches
indélébiles, par la France en
Algérie » (p51), « Toutes
les guerres sont pareilles (.... ).Beaucoup de frères de combats
(.....) sont morts les armes à la main pour une terre froide, trop glacée (note : la France, occupée
par les nazis) pour être la
leur » (p 145) « Nous avons
combattu pour la France comme
si c’était notre patrie, j’espère
que quand nous rentrerons, enfin si on rentre,
les Français ne nous considèrerons
plus comme des indigènes
mais au moins comme leurs égaux.En tout cas , l’histoire montre que nous avons porté notre fardeau
et nos supérieurs eux-mêmes ainsi que nos ennemis reconnaissent
la bravoure de nos actions
au combat » (pp 173-174), « Ils (note :
l’armée coloniale et les milices européennes durant les massacres de mai 1945)
nous ont déshumanisés en exerçant leur
violence sans limite et inimaginable
sur nous, nous sommes devenus
des êtres insensibles, vidés de notre substance humaine » (p234), « Avec les Français,
vous faites la guerre avec toutes ses batailles,
et si vous survivez, on vous emmène pour une autre guerre, par exemple en Indochine.Et comme récompense, zéro.Après la guerre, les noirs redeviennent
des nègres et nous les bougnouls.On
avait besoin de nous pour servir de chair à canon, puis
nous étions redevenus des esclaves, des sans droits » (p24)
Avis :Un roman historique
qui s’est écrit et se lit comme un grand reportage remontant le temps des années 40....Beaucoup (trop ?) de détails
sur la guerre franco-allemande et l’exploitation
des Algériens comme
« chair à canon ».Sur le plan technique, un « cahier » de
trop (pp 13 à 24)
Citations : « Il se rappelle la définition de la
guerre donnée un jour par un sage du village de Sidi
Bouzid qui a dit : « la guerre ,c’est des personnes qui ne se connaissent pas, qui s’entretuent
au profit des personnes qui, elles,se
connaissent mais ne se tuent
pas »(p 136), « Le pire scénario, pour un Etat jaloux de
son passé, de son histoire, c’est
de voir ses jeunes ignorer l’histoire en dépit des efforts faits pour leur enseigner cette matière et ne demandent
qu’à aller à l’étranger, émigrer vers d’autres pays en faisant la sourde
oreille » (p 225), « Ce sont les Américains et les Africains qui ont rendu son honneur à la France. Il
ne faut jamais l’oublier » (p241)