HYDRAULIQUE- ENQUÊTES
ET REPORTAGES- ASSAINISSEMENT/ENTRETIEN DG ONA, HORIZONS AOÛT 2023
© Samira Belabed/Horizons,
12 août 2023
Dans cet entretien, NORA FRIOUI,,la première responsable de
l’Office national de l’assainissement (ONA) évoque les missions, les projets et
les contraintes rencontrées par les gestionnaires des stations d’épuration (Step). Dans un contexte marqué par la rareté des ressources
hydriques, la réutilisation des eaux usées dans le secteur industriel et
agricole est un défi que l’Office s’emploie à relever. A cet effet, la
responsable parle aussi des moyens mis en place pour augmenter les capacités de
traitement, de la mise à niveau des Step et de la
réhabilitation de celles qui sont à l’arrêt.
Avec le manque de pluviosité, la
préservation des ressources hydriques se révèle plus que nécessaire. Comment se
décline la stratégie de l’ONA ? L’Office national de l’assainissement est un établissement public
national à caractère industriel et commercial. Depuis sa création en 2001, il
se voit confier la mission de la maîtrise d’ouvrages et d’œuvres par délégation
concernant les projets d’étude, de réalisation, de réhabilitation et de
gestion, exploitation, maintenance, renouvellement, extension et construction
de tout ouvrage destiné à l’assainissement des
agglomérations et notamment les réseaux de collecte des eaux usées. Il a pour
mission aussi de lutter contre les sources de pollution hydrique et devaloriser et commercialiser des sous-produits des eaux
usées épurées. Il se charge de l’organisation de journées de sensibilisation sur
les dangers des eaux usées sur l’environnement et la santé. Il faut savoir
qu’en Algérie, le parc des stations d’épuration est récent. Il date des années
2000. Des Step ont été créées conformément aux
engagements nationaux et internationaux de l’Algérie relatifs à la protection
de l’environnement. L’ONA assure la gestion de 211 stations dans 54 wilayas.
50% d’entre elles fonctionnent avec un procédé intensif et 50% avec un procédé
extensif. Le volume épuratoire s’élève à 480 millions de mètres cubes correspondant
à un taux d’épuration de 47%. Nous avons 7 stations fonctionnant en surcharge,
14 à plus de 30% et 7 tournent à moins de 30% de leurs capacités. En résumé,
toutes les Step travaillent à moins de 50% de leurs
capacités. En ce qui concerne le taux de raccordement des Step
aux agglomérations, il est de 45%, nous y travaillons pour augmenter celui-ci.
Quels sont vos projets ? L’extension des Step concerne la réalisation de 15 nouveaux projets dont la
mise en service est prévue entre 2024 et 2025. Nous avons mis en service trois
nouvelles stations et cinq projets sont en cours de lancement. Nous avons aussi
quatre projets gelés. Avec la réception de ces projets, nos capacités de
traitement augmenteront de plus de 216.197.895 millions de mètres cubes/an. Ces
nouvelles Step généreront un gain de plus de 110
millions de mètres cubes/an. 16 d’entre elles seront dotées de la technique de
traitement tertiaire. L’eau de ces stations sera utilisée dans l’irrigation
agricole qui se limite actuellement à l’irrigation arboricole et céréalière
avec un volume de 20 millions de mètres cubes/an. Pour élargir cette
irrigation, il faut affiner davantage le traitement. Nous avons deux
agriculteurs dans la wilaya de Boumerdès qui utilisent cette eau depuis une
vingtaine d’années. Nous travaillons également sur la tarification de
réutilisation des eaux épurées. Nous avons recensé 133 stations d’épuration sur
les cinq bassins hydrographiques qui peuvent contribuer avec 1,5 million de
mètres cubes/jour pour l’irrigation de 3.500 hectares de superficie agricole.
Nous avons aussi 34 Step situées à proximité du
Barrage vert qui peuvent contribuer avec 170 millions de mètres cubes/an. Les
eaux usées épurées sont une alternative de sauvegarde des eaux souterraines
utilisées par le secteur industriel. Conformément aux orientations du président
de la République, nous sommes en train de réhabiliter les Step
à l’arrêt et de procéder à l’extension et la mise à niveau de plusieurs autres.
Dans notre stratégie, la réutilisation des eaux usées est un challenge en
élargissant les réseaux d’assainissement et en les raccordant aux stations
d’épuration. J’ai aussi le plaisir d’annoncer le lancement d’une étude établie
sur deux ans sur la mise à niveau de la stratégie de réutilisation des eaux
usées dans le secteur industriel agricole et urbain. A la fin de cette étude,
nous aurons un diagnostic précis et un schéma national de réutilisation par
bassins hydrographiques et selon la vocation de chaque région.
L’une des contraintes au niveau
des stations reste les boues d’épuration. Comment la situation se
présente-t-elle ?
Plus de 166.000 tonnes de matières sèches sont produites annuellement. 10% sont
évacuées vers les centres d’enfouissement technique et décharges publiques et
15% sont valorisées dans le domaine agricole comme fertilisants. C’est un
potentiel à valoriser. Malheureusement, 75% de cette matière stockée au niveau
des stations d’épuration présentent un risque sanitaire. Les boues d’épuration
riches en matières organiques sont notre préoccupation majeure. Si l’on veut
les valoriser, on doit agir sur deux volets. Le premier consiste à éliminer la
contrainte réglementaire car la législation qui encadre l’environnement classe
celles-ci comme produits spéciaux et dangereux. La boue est censée être éliminée
surplace sans que les modalités et techniques soient précisées.
Où se situe le danger ? Les réseaux d’assainissement
étant unitaires, on reçoit tous les déchets et certains industriels censés être
dotés de moyens de traitement déversent tout dans les réseaux d’assainissement.
En principe, l’eau qu’ils rejettent doit être assimilée à l’eau domestique pour
qu’elle puisse être acceptée par les stations d’épuration. Malheureusement, ce
n’est pas le cas.
Peut-on dire que les industriels
ne jouent pas leur rôle ? On reçoit tous les industriels dont certains ont de petites
stations d’épuration dont la majorité ne fonctionne pas. Si l’on veut garantir
une eau de qualité, il faut aussi agir en amont en déversant dans les
canalisations une eau domestique qui peut être traitée par nos stations avec un
traitement secondaire et pour bientôt un traitement tertiaire pour sa
réutilisation dans d’autres domaines. Il s’agit aussi de rentabiliser les
investissements colossaux de l’Etat. La réglementation n’est pas toujours
appliquée, d’où notre appel à trouver d’autres voies pour y remédier. Pour
garantir une eau de qualité, il faut régler ce problème.
Avec les changements climatiques,
l’eau devient un enjeu de sécurité alimentaire… Selon les orientations du président
de la République, nous devons mobiliser tous les moyens pour préserver nos
ressources souterraines. Les stations d’épuration ont un double objectif. Le
premier est social et environnemental, et le second économique. L’eau épurée
est une ressource non négligeable qui peut être utilisée dans plusieurs
domaines. Dans certains pays qui n’ont pas assez de ressources, l’utilisation
peut aller jusqu’à 80%. En Algérie, on est à l’état embryonnaire, mais les
périmètres irrigués par cette eau ne cessent d’augmenter. Il est temps de la
généraliser puisque sur le plan technique, la stratégie de la réutilisation
existe avec la collaboration et la contribution de tout un chacun, puisque
cette eau peut être contrôlée à tous les niveaux. Il est important d’organiser
en aval ces Step pour éviter le détournement.
Le traitement d’eau a-t-il besoin
de plus d’investissements ? Le secteur a besoin de plus d’investissements pour récupérer et
traiter le maximum d’eau. Pour garantir la continuité et la pérennité de cette
activité, le partenariat public-privé est l’une des solutions pour aller de
l’avant comme cela se fait dans plusieurs pays. Il faut rappeler que l’Etat à
beaucoup investi. Le nombre de Step est passé de 40
en 2011 à 211 en 2023, mais il est temps de rentabiliser cet investissement.
Ces Step sont un acquis qu’on doit préserver et l’eau
qui en sort doit être valorisée. Il faut savoir aussi que nous sommes en train
de mobiliser tous nos moyens pour relancer l’activité des stations à l’arrêt et
la réhabilitation et la mise à niveau d’autres.
Quelles sont les contraintes que
vous rencontrez ? Nous
avons un déficit d’harmonisation et d’adéquation des systèmes d’eau et
d’assainissement, et souffrons de l’absence d’un budget spécial pour les Step. Le tarif assainissement est adossé et indexé à la
facture d’eau potable. Ces ressources sont insuffisantes et ne représentent que
35% des charges d’exploitation. Pour le reste, on a le droit à une compensation
tarifaire qui demeure insuffisante. Pour élargir l’utilisation à d’autres usages,
il faut introduire de nouvelles techniques afin d’éliminer tous les germes
pathogènes. Dans ce domaine, nous avons besoin de la collaboration de
chercheurs et universitaires pour développer le traitement tertiaire. Nous nous
engageons aussi à éliminer le risque de propagation des maladies à transmission
hydrique, dont la prise en charge coûte un million de dinars par jour. En
conclusion, il y a lieu de signaler que des efforts sont consentis pour
raccorder tous les réseaux aux stations d’assainissement. Un grand travail de
sensibilisation nous attend enfin pour que cette eau soit acceptée par la population.