POPULATION – ETUDES ET ANALYSES- FEMMES/PARTICIPATION
VIE POLITIQUE, EMPLOI , VIOLENCES/ETUDE CIDDEF
2023
Entre l’esprit des lois et leur mise en
œuvre réelle, le fossé est souvent énorme. Il l’est d’autant plus lorsqu’il s’agit
d’égalité. La présidente du Centre d’information et de documentation sur les
droits de l’enfant et de la femme le rappelle en écrivant que
«l'affirmation du principe d'égalité n'a pas eu le prolongement attendu
dans une mise en œuvre effective. Elle affirme une discordance entre le droit
et le fait, entre le droit et sa pratique effective».
En signant l’éditorial de l’annuaire des femmes de 2023, Maître Nadia Aït Zai (Présidente de l’Association Ciddef) affirme que «ce principe constitutionnel
d'égalité s'analyse donc comme une injonction donnée à ceux qui édictent la
règle de ne pas commettre d'inégalités et de mettre en place les correctifs
visant à rendre concret le principe d'égalité». Pour elle,
«l'égalité est donc avant tout un principe de volonté politique pour que
la situation des femmes algériennes s'améliore quant à l'accès aux droits et
aux différents services qui sont offerts aux citoyens». Pour prendre la mesure
de ces efforts, le Ciddef a publié la nouvelle
édition de «Femmes en chiffres», un annuaire avec des
chiffres clé permettant d’établir des comparaisons. Ses rédacteurs affirment
que les années de pandémie n’ont pas permis la collecte des données auprès des
institutions et de l’Office national des statistiques. C’est donc sur la base
des enquêtes les plus récentes et des données disponibles que l’annuaire a été
élaboré.
Participation
à la vie politique : Toujours des préjugés ! :Il
s’est intéressé à la participation des femmes à la vie politique en demandant
aux personnes sondées ce qu’elles pensaient de l’élection des femmes à des
postes de responsabilité comme celui de présidente d’APC, de députée ou de
présidente de la République. Sans surprise, les hommes et les adolescents se
disent globalement «prêts» à voter pour une femme pour
être maire ou députée, par contre pour être présidente, ils sont respectivement
29,9% et 36,7% contre un pourcentage de 55,7% pour les adolescentes
questionnées. Comment ont-ils justifié leurs positions ? Chez les hommes, les
préjugés du type «cela ne se fait pas» représente 25%
des réponses au même titre que «elle ne pourra pas être juste» alors que
l’argument religieux reste le plus faible avec 16% des réponses faites par les
hommes mais augmente à 23 % chez les femmes interrogées. D’après l’étude sur «les opinions et attitudes des Algériens vis-à-vis de la
valeur d’égalité entre hommes et femmes et des droits des enfants», les femmes
sont d’accord avec le système de «quotas» à 65% et en désaccord à 30%, alors
que chez les hommes, c’est l’inverse qui est observé. En 2000, 70% des sondés
se disaient prêts à élire une femme, un taux qui a baissé en 2008 pour être aux
alentours de 53%. Les rédacteurs de l’annuaire notent que
«les taux baissent de façon progressive mais constants pour les hommes».
Violences : plus de 80% exercées par les époux ; Dans l’annuaire des femmes, une partie
est également réservée aux violences subies par les femmes. Il en ressort qu’au
cours de l’année 2022, le total des femmes se présentant aux services de
police, victimes de violences physiques et sexuelles, est de 5 792. Les
violences physiques sont le motif qui représente le taux le plus élevé pour
lequel les victimes se présentent aux services de police, soit 57,72%, le
second motif le plus élevé est le motif de mauvais traitements, 38,63%, puis le
harcèlement sur la voie publique avec un taux de 1,04%. Au cours de la même
année, 38 femmes ont perdu la vie des suites de ces violences. Quels sont les
liens de parenté entre l’auteur des violences et la victime ? Les chiffres
relèvent que les actes commis par une personne étrangère, y compris les
collègues de travail, enregistrés par les services de police, représentent
43,48%. Elles sont le second taux le plus élevé après les violences commises
par un membre de la famille. 6%, soit 900 000, des femmes interrogées affirment
qu’elles ont été frappées au moins une fois «au point d’avoir mal», au cours des 12 mois qui ont précédé l’enquête de
2022. Les enquêteurs se sont intéressés aux auteurs des violences selon le
statut matrimonial et ont constaté que concernant les femmes mariées, les époux
représentent plus de 80%, suivis par le frère ou le père. Pour les femmes
célibataires, il s’agit du frère dans 50% des cas, la mère dans 20% des cas, et
enfin le père. Pour les femmes divorcées, les auteurs sont d’autres membres de
la famille, l’ex-époux et même des personnes étrangères à la famille qui
s’érigent en responsable des femmes. Quels sont les types de violences subies ?
Les gifles arrivent en tête suivies par les coups de poing ou coups de pied,
alors que les femmes questionnées évoquent également le fait d’être tirées par
les cheveux. Quels sont les motifs invoqués ? La liste est longue, à commencer
par «sortir sans hidjab» ou «sans motif» ou alors
«sans être accompagnée par un membre de sa famille». Arrivent ensuite préserver
«la moralité» de la femme en l’éloignant de l’espace
public, préserver la femme des agressions extérieures, ce qui fait dire aux
rédacteurs de l’annuaire que «cette protection est ambiguë, on ne peut distinguer
avec précision les motivations de ces interdictions entre celles liées à la
protection et celles liées à l’intériorisation effective du fait que la femme
sans hidjab ou la femme dans l’espace public serait une provocation. La
finalité est de limiter l’autonomie de la personne et donc sa mobilité, ou la
fréquentation de l’espace public, ou la mixité avec les hommes».
Mariage, alphabétisation, emploi :L’annuaire
a également consacré une partie au mariage des jeunes filles, constatant que le
mariage des filles âgées entre 15 et 19 ans était peu enregistré à l’état civil
et représente le taux le plus élevé des mariages par jugement. Il s’agit
souvent de jeunes femmes sans instruction ou de niveau préscolaire. Les jeunes
femmes dont le mariage est enregistré à l’état civil par jugement ou dont le
mariage n’est pas déclaré sont également sans niveau d’instruction. Il s’agit
là, d’un cumul de plusieurs vulnérabilités les empêchant d’accéder aux
opportunités permettant leur autonomisation». Cette
même tranche d’âge est rencontrée à des taux élevés, dans les mariages
consanguins, les mariages précoces et les mariages polygames. Ces mariages ont «des impacts néfastes multiples pour les adolescentes. Un
intérêt particulier doit être accordé à cette tranche d’âge de jeunes femmes
dont la vulnérabilité est accrue», concluent les
rédacteurs de l’annuaire qui s’est également penché sur l’alphabétisation des
femmes. Le taux d’alphabétisation des femmes âgées entre 15 et 49 ans est
estimé à 84,0% dont 73,1% sont des résidentes en milieu rural contre 90,3% des
résidentes en milieu urbain qui sont alphabétisées. Les femmes ayant les
niveaux d’instruction, moyen, secondaire et supérieur sont 77,2%. En milieu
urbain, elles représentent 84,9% et 63,7% en milieu rural. Sur le total des
femmes interrogées, 93,9% disent occuper un emploi contre 74,5% qui disent ne
pas l’être. 53,3% d’entre elles sont dans l’indice de bien-être économique le
plus pauvre. Le taux des femmes occupées représente moins du cinquième du taux
des hommes occupés. Les femmes sont majoritairement salariées dans le secteur
public avec un taux de 70,6%, un peu moins de la moitié pour les hommes qui
représentent 39,4%. L’annuaire fait ressortir que le secteur privé recrute peu
d’hommes avec 22,2%, et encore moins de femmes avec un taux de 17,3%.