Le
cas de l’Algérie : la forte croissance démographique à l’horizon 2050 est un
facteur d’aggravation des défis macroéconomique et social actuels et impliquent
dès maintenant des politiques publiques appropriées fortes. Les
indicateurs démographiques entre 1962 et 2022 : La population algérienne a
quadruplé depuis 1962, passant de 11,6 millions à 45,7 millions en 2022. Cette
forte augmentation est le résultat essentiellement : (1) d’une chute combinée
du taux de natalité (qui est passé de 49,6% en 1962 à 21,5% en 2021) et du taux
de mortalité (qui a baissé de 19,6% en 1962 à 4,5% en 2021) ; et (2) de flux
migratoires nets qui ont varié au cours des décennies (10,000 personnes en
2021). Le taux d’accroissement naturel (naissances moins décès) a presque
doublé entre 1962 (1,8%) et 1982 avant de baisser de 50% en 2021 (1,7%). La
plus forte augmentation de la population est intervenue en 1983 (3,17%) et la
plus faible en 2002 (1,28%). En 2022, la répartition de la population par sexe
donnait 23,6 millions d’hommes (55% du total) et 22,5 millions de femmes (49,3%
du total). Par tranche d’âge, les moins de 25 ans représentaient 44,1% du
total, alors que celles des 20-64 ans (la force de travail) et des plus de 65
ans s’établissaient à 55% et 0,9%, respectivement. L’âge médian (celui
qui partage la population en deux groupes) est de 28,92 ans (moyenne mondiale
29,74). Finalement, le taux d’urbanisation est de 74% (75e rang mondial). Un
tel taux d’urbanisation contribue certes à la croissance économique mais est
également source de changement climatique, de pollution, d’embouteillages et
d’habitat précaire.
Croissance
économique et démographie (2000-2022) : Au cours de ces vingt dernières
années (marquées par un retour progressif à la sécurité, le super-cycle des
produits de base et des chocs externes multiples), on note une remontée de
l’investissement (37,8% du PIB par rapport à 31% entre 1980-1999), la
croissance est restée stagnante (2,4% en moyenne par rapport à 2% entre 1980-1999),
se situant légèrement au-dessus du taux de croissance de la population (1,7%).
Le taux de chômage a fortement baissé pour atteindre 13,8% (21,6% entre
1980-1999). A fin 2022, du fait de la remontée des prix des hydrocarbures liés
au conflit en Ukraine, le revenu par tête d’habitant rebondissait pour
s’approcher de son niveau de 2013 soit $4300.
Pourquoi
une croissance faible ? Une analyse de la contribution des divers facteurs
de production à la croissance économique en Algérie sur la période 1990-2020
fait ressortir ce qui suit : (1) capital et travail (75%) ; (2) progrès
technologique (4% environ) ; et (3) facteurs macroéconomiques et structurels
(21%). Ces données montrent que la croissance économique en Algérie est
fortement liée à la seule accumulation des facteurs de production (capital et
travail) et que la productivité totale des facteurs est en recul d’environ 1%.
Cet état de fait s’explique par : (1) l’inefficience de l’investissement public
; (2) l’absence d’investissements directs extérieurs ; (3) la persistance des
déséquilibres macroéconomiques ; (4) la faible
qualité de l’environnement des affaires ; et (5) le manque de flexibilité
et de modernisation de l’économie.
Les
projections démographiques à fin 2050 : la population de l’Algérie devrait
atteindre 60,9 millions, soit une forte augmentation de 15,1 millions de
personnes en l’espace d’un quart de siècle. Par ailleurs, si la part de
la population de moins de 24 ans baissera de 6 points de pourcentage, la
tranche de la population active (20-64 ans) augmentera uniquement de 1 point de
pourcentage et la cohorte des plus de 65 ans va subir un bond conséquent de 4,3
points de pourcentage. In fine, au lieu du vieillissement, c’est la forte croissance
à venir de la population qui ne manquera pas d’aggraver le bilan actuel
démographique actuel, concentré de défis macroéconomiques (en termes de
croissance, emplois), sociaux et environnementales.
Feuille
de route possible : La prise en charge des défis démographiques implique, entre
autres, des choix stratégiques et des politiques ciblant l’espacement des
naissances (dans le cadre d’une nouvelle politique de la famille et de la santé
reproductive) et des améliorations au niveau de toutes les sources de
croissance, y compris le capital et le travail et la qualité de la
gouvernance.
Les
propositions dans ce sens sont les suivantes : (1) articuler une
stratégie de développement provisoire pour la période 2023-2030 afin de donner
au pays la visibilité économique vis- à vis des citoyens et des partenaires
internationaux ; (2) établir des objectifs macroéconomiques crédibles pour
2024-2026 (croissance, inflation, finances publiques, balance de paiements,
niveau des réserves internationales de change) ; (3) entreprendre des
réformes macro -structurelles pour renforcer la gestion macroéconomique
(recouvrement des recettes, gestion des finances publiques, gestion de la
dette, gestion de la liquidité, meilleures transmission de la politique
monétaire) ; (4) mettre en œuvre des réformes structurelles ambitieuses pour
améliorer le cadre des affaires, attirer l’investissement privé domestique et
international et renforcer la gouvernance économique : (5) définir des
nouvelles politiques sectorielles avec un focus sur l’agriculture, le manufacturier,
les services et les secteurs sociaux et des investissements conséquents dans le
numérique et le vert ; et (6) prendre des mesures pour accroître la taux de
participation, notamment celui des femmes (17% pour les femmes et 64% pour les
hommes en 2021). Parallèlement, il faut se doter de capacités techniques de
suivi macroéconomique et de gestion des crises afin de pouvoir formuler des
réponses aux chocs et aux développements économiques et financiers inattendus
en temps opportun.