ECONOMIE- ETUDES ET
ANALYSES- ECONOMIE ALGERIE /RAPPORT BANQUE MONDIALE 2023
C’est un rapport de suivi de la situation de l’économie algérienne qui rend
compte des principales évolutions et politiques économiques récentes. Il les
replace dans un contexte global et de plus long terme, et il évalue les conséquences
de ces évolutions et changements de politiques pour les perspectives de
l’Algérie. C’est ainsi que la Banque mondiale présente son rapport de suivi de
l’économie algérienne, publié il y a deux jours (samedi 24 juin 2023) . La Banque mondiale (BM) s’est attelée, d’abord, à présenter
les développements macroéconomiques en Algérie sur l’année 2022 et le premier
trimestre 2023, pour ensuite se livrer à l’exercice consistant à établir des
perspectives à court et moyen terme de l’économie algérienne. Des constats
d’abord. La BM établit que la croissance du PIB hors-hydrocarbures s’est
accélérée en 2022, surcompensant la baisse de la production pétrolière et
gazière, et lui permettant de dépasser son niveau de 2019. La production
agricole a fortement rebondi, tandis que la hausse de la consommation privée a
profité aux secteurs desservant les ménages, selon l’analyse de la BM qui
affirme que, après s’être contractée de 1,9% en 2021, la production agricole a
fortement rebondi en 2022 (+5,8%), notamment portée par une meilleure récolte
dans les régions centrales et proches du littoral. Et à la BM d’ajouter, par
ailleurs, que la hausse de la consommation privée a stimulé les secteurs
desservant les ménages, tels que les secteurs
agro-alimentaire, de l’habillement, du commerce et des hôtels, cafés et
restaurants. La croissance de l’investissement est demeurée modérée, affectant
la performance des secteurs industriels. Dans le secteur des hydrocarbures, la
baisse de la production de pétrole a réduit les volumes disponibles à
l’exportation, tandis que l’hiver plus doux a réduit la demande pour le gaz
algérien. La croissance du PIB a ainsi atteint 3,2% en 2022, soutenue par
l’accélération du PIB hors-hydrocarbures (+3,8% au 1ersemestre 2022 et 4,5% au
second semestre). En outre, les données suggèrent une croissance continue de
l’activité hors-hydrocarbures au 1er trimestre de cette année. Au titre des
constats également, dans le secteur des hydrocarbures, la BM a noté que la
hausse marquée des prix du gaz a pris le relais de ceux du pétrole au deuxième
semestre de 2022, permettant une augmentation continue des recettes
d’exportations et des réserves de change. «Un fort
premium à l’exportation de gaz vers l’Italie aux dépens de l’Espagne» La
production et l’exportation de pétrole et de gaz ont nettement ralenti au
second semestre 2022. La baisse des quotas de production de l’Opep
en octobre 2022 a conduit à une diminution de la production de pétrole,
réduisant en fin d’année les volumes disponibles à l’exportation. En effet,
alors qu’un éventuel ralentissement de la croissance mondiale menaçait les prix
mondiaux des hydrocarbures, l’Opep a décidé
d’abaisser sa production et le quota de production de pétrole brut de l’Algérie
a été ramené de 1,055 million de barils/jour (mbj) en octobre 2022 à 1,007 mb/j
en novembre, puis à 0,959 mb/j à partir du mois de mai 2023. Ainsi, constate la
BM, après huit trimestres consécutifs d’augmentation et un retour au niveau de
production de 2019, la production moyenne a baissé de 1,9% en glissement
trimestriel au 4etrimestre 2022, et de 1,6% au 1ertrimestre 2023. En 2022, la
production a néanmoins augmenté de 12% vis-à-vis de 2021 (soit 1,020 mb/j en
moyenne), du fait de la hausse continue des quotas sur les 10 premiers mois de
l’année. Cette hausse de la production moyenne en 2022 a permis l’augmentation
des exportations de pétrole brut (+9,5% en 2022) et une hausse plus marquée de
la production des raffineries. Cependant, les exportations de pétrole raffiné
et de gaz de pétrole liquéfié n’ont augmenté que de 3% et 3,5%, respectivement,
suggérant que la production additionnelle a été absorbée par la hausse de la
consommation domestique. La production et l’exportation de gaz ont ralenti mais
sont demeurées élevées au deuxième semestre 2022, malgré la hausse des prix à l’exportation.
La révision à la hausse du prix de livraison du gaz naturel avec l’Italie et
l’Espagne a atténué l’attractivité du gaz algérien, qui est cependant demeuré
significativement plus attractif que le prix courant du gaz naturel liquéfié.
Cela a néanmoins pu ralentir le stockage du gaz et, combiné à l’effet d’un
hiver européen plus doux sur la demande de gaz algérien, la production de gaz
naturel a continué de baisser au second semestre 2022. En année pleine, la
production a diminué de 3,4% vis-à-vis de 2021 mais est demeurée 11,9%
supérieure à la moyenne des années 2018 à 2020, la stratégie de réduction de la
dépendance énergétique de l’Europe vis-àvis de la
Russie contribuant à une demande soutenue pour le gaz algérien. Les
exportations par pipeline et celles de GNL ont suivi celles de la production,
suggérant une baisse similaire de la consommation domestique. Cependant, les
exportations par pipeline vers l’Espagne ont chuté de 36%, tandis que les
exportations vers l’Italie bondissaient de 41%, reflétant notamment un fort
premium à l’exportation vers l’Italie. En somme, pour la BM, la chute des prix
du pétrole au second semestre 2022, qui a entraîné ceux des engrais et donc la
valeur des exportations hors-hydrocarbures, a été contrebalancée par la hausse
importante des prix d’exportation du gaz. Les exportations ont ainsi encore
augmenté au deuxième semestre 2022, atteignant durant cette année-là leur
niveau le plus élevé depuis 10 ans, soit 68,7 milliards de dollars. En parallèle
aux données relatives aux exportations d’hydrocarbures, la BM a relevé que la
modération des prix à l’import et la poursuite de la réduction des volumes
importés ont permis une baisse modérée des importations.Ainsi, le surplus du compte courant a
augmenté au 2esemestre 2022, atteignant 9,5% du PIB en 2022, permettant aux
réserves de change de passer de 12,5 à 15,8 mois d’importations entre la fin
2021 et la fin 2022, pour atteindre 61,7 milliards dollars. Les termes de
l’échange nettement améliorés S’agissant de l’inflation, l’institution
internationale ne nous apprend rien de nouveau, puisqu’elle constate qu’elle
est demeurée élevée au 1ertrimestre de cette année, emmenée par le prix des
produits agricoles frais, grimpant à 9,8%, malgré la modération des prix des
produits importés, conduisant l’autorité bancaire à relever le taux des
réserves obligatoires et renforcer les mécanismes de contrôle des prix de
certains produits alimentaires. En 2022, la croissance de l’indice des prix à
la consommation avait atteint 9,3%, portée par la hausse des prix des produits
alimentaires. La politique monétaire était demeurée accommodante, comme le
montre la hausse soutenue de la masse monétaire, sans pour autant permettre une
reprise marquée du crédit au secteur privé, constate la BM qui rapporte que
pour contenir l’inflation importée, la Banque d’Algérie a soutenu
l’appréciation du dinar au second semestre 2022. Porté par les exportations de
gaz naturel, le surplus du compte courant a culminé au 3etrimestre 2022 (US$
6,3 milliards), avant de baisser au 4etrimestre (US$ 5,5 milliards), la
stabilité des exportations de biens et de services contrastant avec la reprise
modérée des importations de biens et de services au 4etrimestre. Par
conséquent, le surplus du compte courant a atteint US$ 18,3 milliards en 2022,
soit 9,5% du PIB, et les réserves de change de l’Algérie ont continué
d’augmenter, atteignant US$ 61,7 milliards à la fin 2022 (+US$ 15,7 milliards
sur l’année), soit 15,8 mois d’importations de biens et de services, contre
12,5 mois à la fin 2021. En outre, les termes de l’échange de l’Algérie se sont
nettement améliorés en 2022, portés au premier semestre par la forte hausse des
prix du pétrole, et la baisse de ces derniers au 2esemestre étant compensée par
la hausse des prix du gaz, la baisse des prix à l’import et la décision de la
Banque d’Algérie d’opérer une appréciation contrôlée du dinar. Le secteur
hors-hydrocarbures devrait soutenir la croissance en 2023 Le secteur
hors-hydrocarbures devrait soutenir la croissance en 2023, contrastant avec la
stabilité de la production des hydrocarbures. Dans le scénario de base, la
croissance du PIB atteindrait 1,8% en 2023, résultant de la croissance de
l’activité hors-hydrocarbures (+2,2%) et de la stabilité du PIB des
hydrocarbures (+0,6%). Le secteur agricole ralentirait, la faible pluviométrie
ayant généré des retards importants dans le développement des cultures en début
d’année, particulièrement dans les principales régions agricoles du pays. La
production de gaz augmenterait et la production de pétrole brut diminuerait,
contrainte par la baisse des quotas de production à partir de novembre 2022,
puis celle décidée en mars 2023, entrant en vigueur à partir du mois de mai.
Ainsi, le secteur des services demeurerait le principal contributeur à la
croissance. Sous l’angle dépense, la croissance serait tirée par la bonne
dynamique de la consommation privée et la reprise de l’investissement, malgré
la baisse des exportations nettes. À se fier aux prédictions de la BM, l’inflation
ralentirait, mais demeurerait élevée en 2023, malgré la modération des prix à
l’import. La croissance de l’indice des prix à la consommation ralentit
progressivement sur la période de projection du fait de l’effet
désinflationniste retardé induit par la baisse des prix des produits importés
et l’appréciation du dinar algérien en 2022, particulièrement dans les secteurs
tributaires de l’importation (produits agroindustriels et manufacturés). La
décision d’accorder à l’OAIC un monopole sur l’achat de blé domestique et
importé, étendue à l’importation de riz et de légumes secs, pourra également
limiter les hausses de prix, dans la mesure où la capacité de production de
l’OAIC peut répondre à la demande domestique, s’attend la BM qui voit en 2023
que le surplus du compte courant se réduirait (+1,9% du PIB) sous le coup de la
baisse des prix et des volumes d’exportations d’hydrocarbures. La baisse des recettes des hydrocarbures et
la hausse annoncée des dépenses publiques creuseront le déficit budgétaire en
2023, mais celui-ci serait en partie préfinancé par l’épargne accumulée en
2022, prédit l’institution internationale qui s’attend à une progression du PIB
de 1,8% en 2023 à 2,6% l’année prochaine et 2,3 en 2025.