SANTE
– MALADIE- MIGRAINE
CONSIDÉRÉE COMME UNE MALADIE INVALIDANTE, la migraine
touche quelque 17% des Algériens âgés de 25 à 54 ans, soit environ cinq
millions de personnes. Le constat a été fait par le Pr Smaïl
Daoudi, chef du service de neurologie au CHU Nedir-Mohamed
de Tizi Ouzou, lors d’une journée de formation, organisée le 21 juin 2023 , à Alger, au profit des médias nationaux par les
laboratoires Beker, à l’occasion de la Journée
mondiale de solidarité pour la migraine. La migraine n’est pas «un symptôme, mais une maladie peu connue et même
considérée, depuis peu, comme une maladie neuro-vasculaire», indique le
praticien. «En Algérie, elle est toujours vue comme
une maladie invisible», a-t-il déploré. «Sur le plan
physiopathologique, il y a une implication de plusieurs mécanismes de
neuromédiateurs qui provoque cette inflammation», at-il
expliqué. «Lorsqu’on voit les chiffres, on est affolé,
mais dans la plupart des cas, elle n’est pas une maladie mortelle et 80 % des
malades font une migraine non compliquée», a-t-il rassuré. Ce qui préoccupe les
praticiens, ce sont les 20% qui font des migraines avec auras. «Les auras typiques comportent des troubles visuels,
sensitifs, du langage et ou de la parole et moteurs», a-til
précisé. Pour le Pr Daoudi, la banalisation des symptômes a fait que la maladie
est sous-estimée et peu connue. La crise migraineuse est un chamboulement
extraordinaire sur le plan de la description chimique, électrique biochimiste
et métabolique du patient, d’où la nécessité de comprendre l’importance d’une
prise en charge rapide. La migraine n’est pas une maladie banale, voire un
simple mal de tête. Elle touche l’équilibre cérébral. Elle a un impact négatif
sur la santé émotionnelle. Les malades ont une anxiété d’anticipation. Les
symptômes psychologiques tels que la dépression, l’euphorie, l’irritabilité, la
raideur dans la nuque, la sensation de soif, la fringale. Elle a une relation
bidirectionnelle avec troubles mentaux tels que l’anxiété et la dépression.
Depuis quelques années, les médecins se sont rendus compte qu’il existe des
migraines chroniques qui impactent directement le rendement professionnel et
altèrent la vie quotidienne avec 6 à 10 jours de migraine par mois. Les
malades, a-t-il poursuivi, sont exposés au risque de faire des complications
cardiovasculaires surtout si la migraine avec auras est associée à d’autres
facteurs tels que l’HTA, l’obésité, le tabagisme, la contraception, a ajouté le
Pr Daoudi en rappelant que les femmes sont plus exposées à ce trouble lié
également à «la période de fluctuations des œstrogènes associées à des
variations de la maladie migraineuse». Elle est
classée en première position dans les maladies neurologiques. 90 % de la
population a fait au moins une crise migraineuse. Ces complications justifient
le cri d’alerte du praticien. Dans plusieurs pays, elle est considérée comme
étant une maladie chronique et toutes les thérapeutiques sont prises en charge
par la sécurité sociale. Maladie nullement bénigne, elle est aussi source
d’absentéisme et d’échec scolaire chez les enfants qui souffrent d’une
photophobie et de douleurs abdominales. Le traitement médicamenteux et le
sommeil les aident à surmonter la crise. «Nous ne
faisons pas semblant d’être malade, mais nous faisons semblant d’être bien»,
a-t-il lancé. Les crises migraineuses provoquent aussi des modifications
vasculaires à l’origine de modifications métaboliques. «Les
crises migraineuses sont l’exemple phare pour voir ce qui se passe dans le
cerveau et comprendre plusieurs maladies», a-t-il soutenu. La céphalée coup de
tonnerre, qui est une crise aiguë, est une urgence. Elle se souvient
brusquement des personnes qui n’ont jamais eu de migraine. Ces malades risquent
de faire une hémorragie cérébrale. S’agissant de médicaments, des progrès
fulgurants ont été enregistrés ces 20 dernières années. Il annonce, au passage,
une bonne nouvelle pour les malades atteints d’Alzheimer, de la sclérose en
plaques et de Parkinson, car les chercheurs sont en train de développer de
nouvelles molécules pour améliorer le pronostic vital. Le Pr Daoudi a mis en
garde la population contre la consommation excessive des médicaments et le
recours systématique à l’automédication créé une dépendance. «30 à 45 % des
migraineux n’ont jamais consulté et ignorent leur statut de migraineux. La
surconsommation d’antalgiques nonspécifiques retarde
la prise en charge et complique la maladie. Certaines migraines font toujours
de la résistance malgré les traitements», a-t-il
asséné. Le conférencier a, enfin, plaidé pour la création d’un centre national
antidouleur pour mieux s’occuper des malades, comme cela se fait ailleurs.