Journal d’une jeune schizophrène. Roman (Récit ?) de Rabéa
Douibi. Anep Editions, Alger
2021, 173 pages, 800 dinars
Dounia une jeune fille, enfant d’une famille aisée
(mère médecin, gros entrepreneur et......chef d’ un
parti politqiue islamique..... « modéré»), étudiante en sciences politiques brillante et promise à un bel avenir, dotée d’une
intelligence naturelle supérieure, met fin à ses jours. Une overdose de
neuroleptiques ! Laissant des parents qui s’interrogent sur les raisons
profondes de l’acte fatal .Tout en sachant que leur
enfant, ni gâtée, ni opprimée, traversait depuis quelque temps une mauvaise passe
psychologique et était même suivie par une psychiâtre.
Chacun y va, bien sûr , de
son raisonnement pour chercher les raisons de l’issue fatale : le père, la
mère, la psy.....Chacun, bien sûr, tentant de se
déculpabiliser. La père qui a tout fait pour rendre heureseu la vie de ses enfants et ne leur impoosant pas ses idées d’ « islamiste »
et de conservateur (mis à part le foulard) .La mère, une
« maman-douce ». La psy’ qui a « tout essayé »....Le hasard a voulu que le journal intime de Dounia soit
découvert après sa mort....journal où il y raconte ,avec détails, sa
schizophrénie. Lisez-le, vous irez de découverte en découverte....sur
une vie de famille (en apparence heureuse et comblée de biens....mais pas en
affection , en bisous et en loisirs), sur la communication parentale, sur le
viol d’une enfant encore toute jeune par un cousin pervers, sur la vie
estudiantine, sur la perfidie du monde extérieur, l’égoïsme des gens, la
superficialité des rapports humains, sur l’aliénation mentale..... Pour un naïf,
de quoi récolter une masse de pensées morbides .De
quoi se suicider ?
L’Auteure : Née en 1957 à Bordj-Bou -Arréridj.
Licence d’enseignement de la langue française et maîtrise en didactique.
Auteure de plusieurs autres ouvrages. Vit entre Tamanrasset et Alger
Extraits : « C’est fou comme les jeunes rejettent
l’autorité parentale pour mieux affirmer leur personnalité et se démarquer du
modèle social imposé par leur milieu » (p 24), « Nos enfants nous
renvoient un reflet fidèle à notre image.Si le tableau
esquisé est parfois blessant, il n’en demeure pas
moins que des vérités nous sont assénées
comme des coups de massue » (p 50) , « Les femmes sont les plus
lésées dans notre pays car on exige d’elles une soumission à des normes
dépassées qui n’ont rien à voir avec la religion. Elles souffrent en silence ou
affrontent leurs problèmes avec courage » (p 63), « Beaucoup de gens
se laissent vivre et traversent leur destinée comme on passe un pont,
satisfaits d’avoir à vivre leur petit bohomme de
chemin. Je les appelle les bienheureux de la désolation » (p
93), « Je me demande souvent pourquoi on ne nous laisse pas exprimer
nos peines et nos joies dans la rue. Pourquoi vouloir faire de nous des robots
tristes et sans étoffe qui déamulent comme des
automates ? » (p 97), « Supporter les
orientations de mon paternel revient à porter des chaussures trop étroites et
m’empêcher donc de marcher.Faire quelques pas dans ce
cas -là s’effectue en titubant jusqu’à en perdre l’équilibre »
(p122),
Avis : Roman ?
Récit ? Une écriture entre deux mondes, deux vies vécues en même temps
dans un monde qui n’est plus celui de la « jeune schizophrène ».
Ecriture toute simple et toute claire qui vous amène à découvrir (ou à prendre conscience) les
déchirements et les souffrances des « autres »
Citations : « Le génie s’accompagne de folie et il est
source de désespoir dans certains cas » (p33), « Nul ne peut
influencer une personne intelligente et instruite qui ne se fie qu’à ce qu’elle
découvre par elle-même.Ce sont des éclairés (....)
qui redoreront le blason de notre religion » (p 72),
« L’insatiabilité crée le manque et plonge l’individu dans une existence
basée sur le superflu » (p 93), « L’intelligence est une arme à
double tranchant.Elle offre de fantastiques aptitudes
mais peut mener à tout remettre en question et à créer des
courts-circuits » (p 96), « La cellule familiale est la
première structure d’emprise sur les femmes.C’est là
que commence à s’exercer le pouvoir des sexes » (p99), « Ce qui
manque à notre corporation (note : journalisme), c’est le style et
la précision.Le caractère emphatique de la langue
arabe qu’ils transposent maladroitement à la langue française nuit
considérablement à la qualité de leurs articles » (p143)