DEFENSE-ETUDES
ET ANALYSES- ARMES NUCLEAIRES/ ETUDE SIPRI 2022
Les tensions
géopolitiques grandissantes poussent les neuf pays dotés d’armes nucléaires à
se lancer dans des programmes de modernisation et de renforcement de leurs
arsenaux.
La course aux armements nucléaires
reprend de plus belle. Selon le Sipri (Stockholm International
Peace Research Institut),
qui a publié hier les conclusions de son étude analytique de l’état de la
situation actuelle des armements dans le monde, les stocks d’armes nucléaires
devraient augmenter considérablement durant la prochaine décennie.
La raison ? Les tensions
géopolitiques grandissantes poussent les neuf pays dotés d’armes nucléaires, à
savoir les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde,
le Pakistan, Israël et la Corée du Nord, à se lancer dans des programmes de
modernisation et de renforcement de leurs arsenaux nucléaires. «Bien qu’il ait diminué légèrement entre janvier 2021 et
janvier 2022, le nombre total d’armes nucléaires pourrait augmenter dans la
prochaine décennie», avertit le Sipri dans son Yearbook 2022.
Plus de
9000 ogives potentiellement utilisables
Cet
institut international de recherche sur les conflits, les armes, le contrôle
des armements et le désarmement indique qu’au début 2022, un total de
12 705 ogives nucléaires a été recensé dans le monde. Parmi ces ogives,
9440 sont potentiellement utilisables, dont 3732 ont été déployées dans des
missiles et des avions. Le Sipri précise qu’«environ 2000 d’entre elles – dont la quasi-totalité
appartient à la Russie ou aux Etats Unis – étaient maintenues en état d’alerte
opérationnelle élevé». Autrement dit, ces ogives sont prêtes à l’utilisation.
En pleine guerre en Ukraine, la Russie a proféré des menaces ouvertes d’une
éventuelle utilisation d’armes nucléaires.
La Russie et les Etats-Unis, faut-il le
préciser, possèdent à eux seuls plus de 90% des armes nucléaires mondiales.
Avec un ambitieux programme lancé depuis plusieurs
années, la Chine arrive en troisième position. Son arsenal nucléaire est en
pleine expansion. Il comprend, d’après cet institut, «la construction de
plus de 300 nouveaux silos à missiles». «On pense que plusieurs ogives nucléaires supplémentaires
ont été affectées aux forces opérationnelles en 2021 suite à la livraison de
nouveaux lanceurs mobiles et d’un sous-marin», relève le Sipri.
La Corée du Nord intensifie, elle aussi,
ses essais nucléaires dans l’océan Pacifique. «La
situation actuelle appelle à redoubler d’efforts pour renforcer massivement la
force militaire afin de garantir pleinement la souveraineté, la sécurité et les
intérêts fondamentaux de la Corée du Nord, en réponse aux manœuvres militaires
inquiétantes des Etats-Unis et d’autres forces hostiles», a déclaré Kim
Jong-un, dirigeant suprême de la Corée du Nord, pour qui «la Corée du Sud
est à la portée de frappes nucléaires». Le pays de Kim Jong-un «a maintenant à sa disposition 20 ogives et possède
suffisamment de matière fissile pour un total de 45 à 55 ogives».
Manque de
transparence
Le Sipri affirme aussi que «l’Inde
et le Pakistan semblent étendre leurs arsenaux nucléaires en continuant à
développer de nouveaux types de système de vecteurs». «Israël,
qui ne reconnaît pas publiquement posséder des armes nucléaires, est également
soupçonné de moderniser son arsenal nucléaire», ajoute la même source. L’Institut
cite, également, la France, qui a officiellement lancé «son
programme de développement du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) de
troisième génération».
Le Royaume-Uni a, pour sa part, décidé
d’augmenter le plafond de son stock total d’ogives, inversant ainsi des
décennies de politique de désarmement progressif. «Tout
en critiquant la Chine et la Russie pour leur manque de transparence sur leurs
arsenaux nucléaires, le Royaume-Uni a également annoncé qu’il ne divulguerait
plus publiquement les données sur le stock opérationnel d’armes nucléaires du
pays, les ogives ou les missiles déployés», souligne cet institut basé à
Stockholm.
Ces données font dire à Hans M. Kristensen, directeur du Nuclear
Information Project à la Federation of American Scientists
(FAS), que «la réduction des arsenaux nucléaires mondiaux après-guerre
froide est terminée». De son côté, Wilfred Wan,
directeur du programme armes de destruction massive du Sipri,
assure que «tous les Etats dotés d’armes
nucléaires augmentent ou modernisent leurs arsenaux et renforcent le rôle que
jouent ces armes dans leur stratégie militaire».
Il s’agit pour lui d’une «tendance très inquiétante». Pour le directeur du Sipri, Dan Smith, «le risque
d’utilisation d’armes nucléaires semble plus élevé aujourd’hui qu’à tout autre
moment au plus fort de la guerre froide». Stefan Löfven,
président du conseil d’administration du Sipri, a lié
cette situation au contexte international marqué par la «détérioration
des relations entre les grandes puissances mondiales».
Aussi, même s’ils considèrent que «la
guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être mené»,
les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies «continuent
d’étendre ou de moderniser leurs arsenaux nucléaires et semblent accroître la
place accordée aux armes nucléaires dans leurs stratégies militaires», relève
encore l’étude du Sipri.