RELATIONS
INTERNATIONALES- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI AMAR ABBA- « LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
DE L’ALGERIE, 1962-2022.... »
La politique étrangère de l’Algérie, 1962-2022.Des
idéaux de la révolution aux exigences de la realpolitik. Essai de Amar Abba (Préface de Abdelaziz Rahabi). Editions Frantz Fanon, Boumerdès 2022, 440 pages,
1 500 dinars
La couleur est annoncée dès le départ :
« La politique étrangère de l’Algérie depuis 60 ans a été,dans son style comme dans son
contenu, durant longtemps, plus une diplomatie de mouvement de
libération au service d’une idéologie qu’une diplomatie d’Etat ».
Quelques causes : « la génération qui a lutté pour
l’indépendance est restée (trop) longtemps au pouvoir » , l’affirmation
des principes, l’ « intérêt » étant devenu un « gros
mot »....Bref, une approche idéologique, doctrinaire et même
idéaliste.....Soixante ans après l’indépendance il y a plus de souplesse et de
réalisme chez les Algériens qui semblent avoir adouci les arêtes les plus
saillantes de leur démarche sur le plan international .: « En un mot,
ils sont passés (surtout et entre autres avec les Etats Unis ) d’une
diplomatie des idéaux à une diplomatie des intérêts ». Le titre en
lui-même est bien choisi.Il
est juste. L’auteur n’a pas été avare en sujets, en observations et analyses.
Il a ratissé très large fournissant au lecteur tout ce que son expérience (47 années de service) au sein de
l’Administration et en poste a pu observer et récolter :En matière
d’action bilatérale (les priorités stratégiques par le voisinage, par la
puissance et l’ influence, par l’insertion régionale, par le partenariat
avec les pays émergents et par le commerce extérieur). En matière d’action
multilatérale (ou la gestion commune de l’interdépendance et des défis globaux)
.En matière des moyens de l’action extérieure , ses ressources, les structures
et les instruments utilisés pour sa concrétisation et sans lesquels aucune
politique étrangère n’est envisageable .Et, l’Algérie possède aujourd’hui
l’un des appareils diplomatiques les plus denses pour un pays à revenu
intermédiaire : 95 ambassades, 2 missions permanentes, 2 antennes
diplomatiques, 20 Consulats généraux et 21 Consultas ,soit 140 postes
L’Auteur : Né
en 1948 à Ighil Mahni (Azeffoun). Etudes à l’Ena (Alger) . Longue carrière dans la diplomatie (dont plusieurs
postes au Mae) et ambassades en Afrique et en Europe.Retraite
depuis 2019. Enseigne à l’Idri (Mae)
Table des matières : Avant-propos/ Préface/ Introduction/ Première partie :L’action bilatérale et régionale et la gestion des
priorités stratégiques et des partenariats (5 chapitres)/Deuxième partie :
L’action multilatérale sur la gestion commune de l’interdépendance et des défis
globaux (7 chapitres)/ Troisième partie : Les moyens de l’action
extérieure : ressources, structures et instruments (2 chapitres/ En guise
de conclusion/ Acronymes, sigles et abréviations/ Index/ Bibliographie
Extraits : «
Pour fonctionner, un système a besoin d’Etats -pivots qui acceptent de prendre
des responsabilités internationales et d’être les garants de ce système » , « Monde arabo-musulman (Note : concept) est peu
signifiant et ne rend pas justice aux nombreux peuples qui ont apporté une
contribution décisive à la civilisation musulmane.Pas
seulement par dérision, l’anthropologue algérien Malek Chebel aurait aimé
« civilisation arabo-sino-indo-turco-berbéro...musulmane » ( pp
22-23), « Sur le front diplomatique, la Chine a été le premier pays non
arabe et la seule grande puissance à reconnaître le Gpra de jure, le 20 décembre 1958, quelques semaines seulement après la
proclamation de ce dernier, en septembre 1958 » (p 109), « Sur le
plan géostratégique, la Syrie est la première défaite occidentale au
Moyen-Orient » (p203), « A présent, le continent africain se trouve,
en termes d’ancrage de la démocratie, en bien meilleure posture que la région
Mena » (p210), « L’Algérie détient aujourd’hui le triste record de la
candidature la plus ancienne à l’Omc (35 ans) »
(p296), « L’expression « complexe militaro-industriel » n’a
pas été inventée par un dangereux gauchiste mais par le Président Dwight
Eisenhower , républicain et conservateur bon teint, en 1951, inquiet du
développement de ce complexe dans son pays » (p 321), « Le
mensonge n’a pas de place en diplomatie.Il discrédite
et démonétise rapidement celui qui le pratique.Que
cela soit avec les autorités de son pays ou avec celles du pays où il exerce.
Le diplomate doit leur préférer la mesure, la nuance et
la sobriété » (p 390)
Avis : Un
outil didactique (car très documenté et bien structuré) pour tous ceux qui
s’intéressent de près ou de loin à la politique extérieure de notre pays et au
fonctionnement de l’appareil diplomatique national .
Mais pas que....Très détaillé ,très précis, très
long .... se lisant facilement.....car passionnant. Il
vous suffit seulement de commencer et de ne pas abandonner dès les premières
pages. Les candidats
diplomates vont apprendre , les anciens vont se
souvenir et tous les autres (dont les étudiants en sciences
humaines) vont mieux comprendre.Outil documentaire
incontournable pour les journalistes spécialisés.A
conserver comme livre de chevet.
Tout de même une critique : Nos A.e ,souffrent
, à mon sens d’un manque : pas assez d’ouverture (à l’exception de la
sphère militaire et de postes d’ambassadeurs ) sur le monde universitaire et
des cadres spécialisés et expérimentés(économie et commerce , culture,
communication et tourisme....)
Citations : « Les
relations entre l’Algérie et la France sont des relations uniques, à nulles
autres pareilles.Elles sont, selon un mot resté
célèbre de Houari Boumediène, « bonnes ou
mauvaises, mais jamais banales.....On parle finalement assez peu des intérêts
tant ils sont étouffés par l’émotion et le poids des mémoires antagoniques,
alors qu’ils devraient être le noyau de leur coopération.Mais,
heureusement, ils finissent toujours par s’imposer » (pp 58-59), « Les
expériences humaines, dans nombre de régions du monde, ont démontré que les
liens spirituels, qu’ils soient islamiques ou chrétiens, n’ont pu résister
devant les coups de boutoir de la pauvreté et de l’ignorance, pour la simple
raison que les hommes ne veulent pas aller au paradis le ventre creux »
(Houari Boumediene, à la Conférence islamique au sommet de Lahore au
Pakistan, le 23 février 1974 cité, p 259) , « Force est de reconnaître que
comme l’histoire est écrite par les vainqueurs, la justice est rendue par
eux » (p 346), « La diplomatie est pour la politique étrangère
« ce que le vêtement est au corps, ou plus précisément ce que la parole
est à la pensée »(Robin Gabriel, 2000, cité p 375), « Les diplomates
algériens ont lancé un véritable défi aux lois de la physique : c’est le
mouvement qui engendre l’immobilisme » (Abdelmalek Benhabyles, alors Sg/Mae cité, p 387),
« Le corps diplomatique est un véritable
marché de l’information et que pour en obtenir, il faut savoir en donner »
(p392)