CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN DJAWAD ROSTOM
TOUATI- « MISÈRE DE LA LITTÉRATURE »
Misère de la littérature. Roman de Djawad Rostom Touati. Apic
Editions, Alger 2023, 208 pages, 800 dinars
Son roman (-essai)
« Un empereur nommé désir ». Anep Editions,
Alger 2016. 383 pages était un véritable pavé, une sorte de « contre-roman de
gare », écrit par un érudit incontestable (on s’y perd dans les références ....
dans le vocabulaire ....dans des poèmes.... dans les digressions explicatives ....et dans quelques
scènes asez « chaudes » !) , avec une grande maîtrise
de la langue et de la littérature Comme dans une pièce de théâtre, le
héros, Nadir (le bien nommé) , tombeur de ces dames, est à la recherche
d’une aventure . Pour lui, « les femmes avaient toujours été le défaut de
la cuirasse : la seule jouissance terrestre qui le retenait au monde ; tout le
reste était contingent »....... Une sorte de Omar Gatlatou bien nanti
Avec le second roman , « La civilisation de
l’ersatz ». Apic Editions, Alger
2019, 200 pages, on a donc Farid qui , après avoir
« violé » une lointaine cousine hébergée (veuve et mère de deux enfants,
donc désarmée ),pris de remords, s’en ira écumer les chantiers
d’entrepreneurs sans foi ni loi…..On a Malia, devenue mère célibataire dont
l’histoire est « exploitée » par Malika, la petite bourgeoise
« révolutionnaire » ( ?!) qui veut à tout prix « percer » ….On
a Rami , l’as du marketing , toujours puceau, assez
« coincé » en matière de femmes. On a Adib, l’ apprenti-essayiste ; lequel après
avoir abandonné son idée de « fédérer » la jeunesse, se rabat sur
l’écriture, peaufinant un essai qui synthétiserait les réflexions qu’il avait
polies au fil et au feu des différents débats menés ça
et là. Et puis, il y a Nadir, le méfiant envers tout embrigadement,
il y a Yacine, il y a un parti politique,il y
a une association…..Tout un beau (sic !) monde qui se croise,
chacun avec son bagage socio-culturel, certains motivés pour changer le
cours de leur vie, pensant que l’herbe est toujours plus verte (ou le soleil
plus chaud) ailleurs ; d’autres résignés à l’idée que le monde est fait
ainsi, avec ses « dominants « et ses « dominés », et
d’autres encore , suffisants à eux-mêmes cherchant leurs rédemptions dans les
malheurs des autres ….L’Algérie d’aujourd’hui ?
Ce
troisième roman ( ?!) vient, en principe,
terminer la trilogie programmée , « Le culte du ça ».On
retrouve Nadir le poète dilettante, lequel pour extirper les origines du
mythe néocolonial , s’engage à manier la rime envers et contre tous les
idéologues du défaitisme et du dénigrement.A ses
côtés, Lina, une jeune universitaire et romancière..Les
deux -autour desquels gravitent des personnages secondaires - sont à la
recherche de la vérité et du bonheur . Sans oublier la référence quais-permanente aux auteurs, philosopphes
et penseurs étranger et algériens (Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine ) qui ont forgé leur façon de voir le
monde et les autres. Il questionne (égratigne ?) , au
passage le rapport des écrivains algériens avec la langue de Molière
(dont il fait un bel usage) , l’apport de la critique, le rôle de la
littérature et de l’écriture dans notre société mais surtout interroge
l’intérêt des livres dits de gare et pointe du doigt certains auteurs qui se
complaisent à produire des livres selon une recette, celle du succès
commercial. Ici, il dresse le portrait (du vitriol ?) d’un écrivain
« aigri de n’être pas reconnu en son pays (.......) ,
« génie incompris », non reconnu comme « le premier écrivain de
son temips ». Suivez mon regard !
L’Auteur :Né à
Alger en 1985, licencié en économie internationale et titulaire d’un master en
management. Prix de la meilleure nouvelle (Arts et Culture, 2005 puis du Feliv en 2015), il a obtenu le 2è prix Ali Maâche 2016, avec son roman (-essai)
« Un empereur nommé désir ». Anep Editions,
Alger 2016. 383 pages.
Extraits : « Demande -toi pourquoi tu veux
publier ce livre : si c’est uniquement pour te faire une notoriété ,
alors aucun souci aussi bien ici qu’outre-mer, on est toujours
complaisant envers les musulmanes délurées.Surtout
que tu vas offrir aux semi-cloîtrées des couches moyennes , à mi-chemin entre
tradition formelle et fantasme libertaire, le modèle rêvé d’évasion
intégrale » (p120), « L’atomisation de la vérité est pire que le
mensonge intégral, en ce que le mystifié, en voyant juste sur un objet en
particulier, croit que le mensonge alentour participe de cette vérité
» (p 159), « La critique de bonne foi, mais qui ne
s’attaque qu’aux symptômes , et néglige la racine -qu’elle n'identifie pas-
suscite la complaisance des dominants qui laissent dire » (p 159),
« On peut faire mine d’ignorer la laisse, tant qu’elle est assez longue
pour qu’on ne voit pas la main qui la tient, et donne l’illusion que l’aboyeur
enragé se meut librement » (p 161)
Avis : Roman, pamphlet, poésie et prose....et exercice de style. Un peu de tout
, de tout un peu
Citations : « C’est la lutte pour la vérité
qui donne du talent » (p 108), « Si le
rêve n’est pas le frère de l’action, il devient le père de la
schizophrénie » (p 124), « La satisfaction d’être approuvé par des
personnes intelligentes est encore moins jouissive que celle d’être dénigré par
des imbéciles » (p124)