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Procès Mme Maya 7/10/2020

Date de création: 08-10-2020 18:20
Dernière mise à jour: 08-10-2020 18:20
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JUSTICE – ENQUETES ET REPORTAGES- PROCES MME MAYA 7/10/2020

© SALIMA TLEMCANI /El watan, 8 OCTOBRE 2020

 Le procès de Mme Maya s’est ouvert hier (mercredi 7) au tribunal de Chéraga. D’emblée cette femme, présentée comme la fille cachée du Président déchu, nie tous les faits qui lui sont reprochés. Elle reconnaît avoir été aidée par le Président déchu, qui a instruit Mohamed Rougab, son secrétaire particulier de régler son problème. Elle reconnaît aussi avoir bénéficié d’une protection policière personnelle et devant sa villa à Moretti, mais aussi les services de la police pour dresser ses deux chiens… ainsi que deux femmes de ménage et deux chauffeurs, payés par le ministère du Travail…

Après trois renvois le procès de la mystérieuse «Mme Maya», de son vrai nom Zoulikha Nechnach, s’est ouvert hier au tribunal de Chéraga, où les journalistes ont été privés de leurs micros et de leurs téléphones portables.

Des mesures inexpliquées qui ont suscité la colère des confrères sans pour autant faire reculer les nombreux policiers qui ont investi les lieux, très tôt dans la matinée, pour réduire au maximum les conditions de travail des professionnels des médias.

En tout, une dizaine de prévenus, dont l’ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, l’ex-ministre du Travail et ancien wali de Chlef et de Annaba, Mohamed Ghazi, et son fils Chafiâ, son ancien chef du protocole, Mustapha Boutaleb, Miloud Benaiche, l’ex-ministre des Transports et ancien wali d’Oran, Abdelghani Zaalane, Belkacem Bensmina, Karim Goujil et Mohamed Cherif, dit Siousiou, en situation de fuite ainsi que les deux filles Mme Maya, Imène et Farah, sont concernés par cette affaire.

Tous doivent répondre de plusieurs chefs d’inculpation dont «trafic d’influence», «abus de fonction», «blanchiment d’argent», «incitation d’agents publics pour l’obtention d’indus avantages», «corruption», «octroi d’indus avantages» et «violation de la réglementation des changes».

Dès l’ouverture de l’audience, le magistrat décide de faire la jonction des deux dossiers, l’un instruit par le tribunal de Chéraga et l’autre par la Cour suprême.

Puis c’est au tour de la défense de s’engager dans une bataille judiciaire liée principalement à l’état de santé de Mohamed Ghazi. Les avocats de ce dernier réclament la troisième expertise réalisée à la demande du magistrat conseiller de la Cour suprême lors de l’instruction. «Pourquoi n’avons-nous pas reçu le rapport de cette expertise ? Nous ne voulons pas de renvoi de l’affaire.

Notre souci est de respecter l’article 1 du code de procédure pénale qui garantie un procès équitable pour le prévenu. Si les médecins disent qu’il est apte à être jugé, le procès se poursuit. Mais s’il dit le contraire, Ghazi ne peut être jugé. C’est un problème de conscience. Le tribunal peut désigner un expert immédiatement pour constater l’état de santé du prévenu et décider sur place.»

D’autres avocats abondent dans le même sens, avant que le bâtonnier de Blida n’appuie la demande de la défense de Ghazi. Le magistrat suspend l’audience pour délibérer puis revient après plus de deux heures, pour poursuivre l’audience, prétextant le fait que l’expertise du Dr Ali Bacha, neurologue, ne fait pas mention de maladies mentale (Parkinson).

La défense conteste et continue à réclamer le rapport d’expertise du psychiatre. «Le rapport est mentionné mais n’a pas été remis. Nous voulons le lire et nous en avons le droit. Convoquez ce psychiatre pour qu’il nous dise où se trouve son rapport et qu’il nous étatablisse l’état du prévenu. Durant toute son incarcération, il était à l’infirmerie. S’il n’était pas malade, il ne serait pas transféré», déclare l’avocat de Mohamed Ghazi.

L’affaire mise sous le coude durant 26 mois

Le juge se retire une seconde fois et après une demi-heure, il décide de poursuivre l’affaire en acceptant la convocation séance tenante d’une psychiatre. Il fait l’appel des prévenus et d’une dizaine de témoins, dont Mohamed Rougab, l’ancien secrétaire particulier du Président déchu, et des officiers de police. Les avocats de Ghazi reviennent à la charge.

Ils soulèvent de nombreuses interrogations sur la mise sous le coude de l’affaire durant 26 mois, depuis la perquisition par les éléments de la sécurité intérieure, «qui n’avaient même pas la qualité de la police judiciaire pour intervenir, au mois de février 2017, jusqu’au mois d’avril 2019, où les gendarmes n’ont fait que copier les procès-verbaux d’audition, (de février 2017 à avril 2019), depuis la perquisition Pourquoi une attente aussi longue, alors qu’il n’y a aucune justification dans le dossier. Donnez-nous une seule raison. Tous les procès-verbaux sont nuls».

Le président décide de joindre la demande de la défense à l’examen du fond du dossier et appelle Mme Maya à la barre. Habillée d’une djellaba noire, la tête recouverte d’une écharpe en dentelle blanche, elle rejette tous les faits qui lui sont reprochés. «J’ai travaillé toute ma vie pour gagner de l’argent. Est-ce que c’est interdit de s’enrichir ?» dit-elle en pleurs au juge, qui l’interroge sur sa relation avec Mohamed Ghazi.

Elle perd la voix et le magistrat insiste : «Comment l’avez-vous connu ?» La prévenue semble perdue et le président lui rafraichît la mémoire. «Vous connaissiez le Président…», lance-t-il. Elle répond : «J’ai été le voir pour m’aider à régler le problème d’un projet que j’avais entamé à Chlef. Il était l’ami de mon père.»

Le président l’interroge sur sa relation avec Mohamed Rougab, et après une longue hésitation, elle déclare l’avoir «rencontré une ou deux fois. La première fois, c’était sur instruction du Président». Mme Maya explique que ce projet de parc d’attraction avait été engagé en 2004, lorsque Mohamed Ghazi était wali de Chlef. Elle lui a affecté l’assiette et commencé les travaux. Depuis, dit-elle, une relation amicale a été nouée entre les deux.

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Le magistrat : «A chaque fois, vous faites appel à lui pour avoir des terrains. Comment avez-vous eu tous ces biens ?» Mme Maya : «Je suis Algérienne. J’ai le droit d’avoir des biens. Je ne comprends pas cet acharnement…» Elle éclate en sanglots et sa fille tente de la calmer, mais en vain. Le juge l’interroge sur ses associés et la prévenue perd la voix. «Vous aviez des associés sur papier et d’autres formellement.» Elle nie.

Il la relance : «Vous vous présentiez comme la fille du Président….» Mme Maya : «Ce n’est pas vrai !» Elle nie avoir intervenu pour un quelconque service, mais reconnaît que lors de la perquisition, les services de sécurité lui ont confisqué la somme de 95 millions de dinars sans pour autant être capable de donner les montants en devise ( 30 000 dollars et 70 000 euros), ni la quantité des bijoux (17 kg).

L’interrogatoire est très superficiel. Le juge ne semble pas maîtriser le dossier et se limite à lire le contenu des procès-verbaux d’audition. «Qu’avez-vous à dire à propos des deux femmes de ménage et des deux chauffeurs mis à votre disposition et payés par le ministère du Travail ?»

Elle confirme, en précisant qu’elle donnait un salaire de 30 000 DA aux femmes de ménage. Sur sa relation avec Abdelghani Hamel, elle explique qu’elle date du vol de sa villa à Moretti. Il lui a été présenté par Mohamed Ghazi.

Le magistrat : «Il a mis à votre disposition une protection personnelle et devant la maison ?» Mme Maya : «Non, ils étaient en service dehors. Ils ne m’accompagnaient pas.» Le juge : «C’est également lui qui vous a placé les caméras de surveillance ?» Mme Maya : «J ai fait appel à quelqu’un que j’ai payé, mais je ne me rappelle pas son nom ni le montant.» Le magistrat : «Il a également mis à votre disposition un officier de la brigade canine pour dresser vos deux chiens, dont un caniche ?» La prévenue reste sans voix.

Sur les transferts d’importantes sommes en devise vers l’étranger pour acheter des biens, elle nie avoir été aidée par un policier à l’aéroport d’Alger, qui lui permettait de passer par le salon d’honneur sans fouille. «J’ai vendu des biens pour acheter ces maisons. Je suis malade. Je ne peux pas tenir debout.

Il m’aidait juste pour m’éviter l’attente», dit-elle. Le président lui fait savoir que ses déclarations au niveau de l’enquête préliminaire et celles de ses deux filles se rejoignent, mais elle persiste et déclare avoir signé sous la pression les procès-verbaux sans lire les contenus.

A 19 ans, Imène avait sa propre affaire et deux appartements…

Durant tout l’interrogatoire, elle fait mine de ne pas comprendre l’arabe, et ses avocats interviennent à chaque fois pour traduire les questions. Elle continue à nier et à se présenter en victime, avant de rejoindre le box et céder sa place à sa fille Farah, qui d’emblée rejette toutes les inculpations.

Elle dénonce les circonstances de son arrestation en 2017 et déclare qu’elle avait été menacée de ne pas voir sa mère si elle ne signait pas les procès-verbaux. «Je les ai signés sans lire leur contenu…», disait-elle sans cesse lorsque le magistrat la confronte à ses aveux.

Elle affirme connaître Hamel et Ghazi, qui sont venus, selon elle «deux ou trois fois à la maison». Elle nie tous les autres faits avant que le juge n’appelle sa sœur Imène, qui avait obtenu un terrain pour réaliser un projet mort-né.

Le juge l’interroge sur le parc d’attractions de Chlef, qui était à son nom avant qu’un associé n’entre dans le capital, puis prenne le tout à la fin. Elle avait à peine 19 ans lorsque ce terrain de 5000 m2, relevant du domaine forestier, lui a été octroyé vers la fin de 2004 par le wali de Chlef, alors Mohamed Ghazi, sur recommandation de Mohamed Rougab, lui-même instruit par le président déchu. «J’étais gérante au début.

Cela demandait beaucoup d’argent. Il y a eu un associé, puis j e me suis retirée. Pour le deuxième projet, j’ai pu avoir un terrain, mais il n’a pas été réalisé…», déclare-t-elle en reconnaissant avoir bénéficié de deux logements.

La psychiatre arrive au tribunal et le juge lui demande de constater l’état de santé de Mohamed Ghazi. L’audience est encore une fois suspendue. A la reprise, la psychiatre affirme qu’elle n’a pas pu ausculter le prévenu, parce qu’on lui a dit de ne pas le faire.

La défense demande à prendre acte de ces déclarations qu’elle juge très graves et demande à la psychiatre à quelle autorité elle l’a remis. La psychiatre affirme avoir transmis le document au magistrat conseiller de la Cour suprême, et évoque la maladie chronique assez grave de l’ex-ministre, qui s’est détériorée selon elle.

Les avocats tiennent à ce que Mohamed Ghazi soit examiné, mais le magistrat refuse. Il lève encore l’audience durant plus d’une heure et revient pour déclarer que le procès se poursuit. L’audience se poursuivait tard dans la soirée et reprendra aujourd’hui avec les autres prévenus…